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Procès du putsch manqué: le «vendredi noir» du retraité Yao

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Seydou Yao, 62 ans, retraité de son état, a raconté ce mardi 12 février 2019, en tant que témoin, à la barre du tribunal militaire qui juge le procès du putsch manqué de septembre 2015, le calvaire que des éléments de l’ex-Régiment de la sécurité présidentielle (RSP) lui aurait fait vivre le 18 septembre, jour qu’il a qualifié de «vendredi noir». Le technicien en télécommunication, ancien employé de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), a soutenu la thèse du parquet qui avance que des éléments de l’ex-corps d’élite burkinabè ont exercé des violences et des menaces multiformes sur des citoyens au moment du coup de force.

Selon sa narration des faits, M. Yao a expliqué que des soldats de l’ex-RSP, régiment accusé d’être l’auteur du coup d’Etat manqué de septembre 2015, sont venus «l’enlever de force» chez lui à la maison, bien qu’après avoir été contacté par son premier responsable d’alors, le président de l’ARCEP, Mathurin Bako, il a prétexté qu’il avait la «diarrhée» et ne pouvait pas se rendre au service. Le témoin souligne qu’il a dit à son directeur général qu’il était malade pour ne pas avoir à aider les éléments du RSP qui cherchaient à localiser la radio dite de «résistance» ou «pirate» qui émettait sur la 108.00 en fm. «Ils sont venus cafouiller tout mon quartier. J’étais caché chez moi mais j’entendais la débandade et les cris des enfants. Dans le véhicule où on m’a emmené les Kalachs pleuvaient de partout. Moi je voyais déjà la mort», a-t-il raconté.

Mais, quand l’équipe du sergent-chef Mahamoudou Bouda, est venu le chercher chez lui à la maison, vu la «persistance des menaces», M. Yao a obéi et les a suivis pour les aider à localiser la radio en question qui distillait des messages d’appels à la résistance pour faire échouer le putsch qui entravait la bonne marche de la Transition.

Appelé à la barre, le sergent-chef nie toute menace quelle qu’elle soit que lui ou ses éléments auraient exercé sur Seydou Yao. Le témoin réplique et souligne que l’un des soldats dont il ne se souvient plus du visage, puisque leur opération a eu lieu entre 19 et 21h, lui a dit qu’il a bénéficié de l’argent du contribuable et au lieu de se faire former, il est parti «dormir en France. On vous forme à coups de millions et vous ne pouvez rien». Sur ces propos, le sergent-chef Bouda a reconnu qu’il était l’auteur de ces propos, mais explique qu’il les a dits au moment des faits, pour taquiner M. Yao, et a alors présenté ses excuses au témoin s’il a été vexé par ces mots.

Le témoin a refusé d’accepter le pardon du sergent-chef Bouda et a ajouté qu’après le passage des éléments de l’ex-RSP à l’ARCEP où ils ont forcé la porte de son bureau, il s’est rendu compte qu’il avait perdu un million de francs CFA, un ordinateur portable et une rallonge. Le million de francs lui appartenait et le matériel à l’ARCEP, a-t-il précisé.

Répondant à Me Timothée Zongo, avocat de la Défense, le témoin, sans détours a signifié qu’il était toujours sous le choc des événements et éprouve même de la colère vis-à-vis des accusés qu’il a cités dans cette affaire. L’avocat saisira ce passage pour demander au tribunal de faire consigner cela par le greffe. Seydou Yao «ne dépose pas sereinement comme un témoin devait le faire. J’aurai préféré qu’il soit mesuré mais il a des réponses exagérées», a poursuivi l’homme à la robe noire qui a pris pour exemple le fait que le témoin dise que «ça cafouillait partout pourtant il était terré chez lui à la maison».

Le sergent Amidou Pagbelèm et le sergent-chef Roger Koussoubé qui étaient à la barre au passage de M. Yao, ont dit n’avoir «rien à ajouter» au récit du témoin. Le sergent-chef Mahamoudou Bouda, a demandé au tribunal de tenir compte du fait que malgré sa «bonne foi et le courage qu’(il) a eu en demandant pardon», le témoin l’a refusé, estimant que son témoignage est teinté de «haine», toute chose interdite à un témoin selon la loi.

Après le passage de Seydou Yao, ce fut le capitaine Cuthbert Somda qui a été appelé à la barre du tribunal militaire pour déposer son témoignage. Agé de 46 ans, le commandant d’escadron de l’armée de l’Air a livré son récit qui a consisté à dire essentiellement comment il a mené une opération pour aller chercher du matériel de maintien d’ordre vers la frontière ivoirienne à l’Ouest du Burkina. Selon cet officier, il a reçu un ordre de sa hiérarchie directe et après avoir vérifié la régularité de la mission, il l’a exécutée conformément aux règles militaires.

Ce témoin a signifié qu’au lieu indiqué, c’est-à-dire le poste de péage de Yendéré où son appareil devait atterrir, le périmètre était sécurisé par des éléments de la gendarmerie nationale. A la question de savoir si le dispositif sécuritaire était normal ou pas, le commandant de l’escadron de l’armée de l’Air, a laissé entendre, que le cordon sécuritaire «n’avait rien d’extraordinaire» et lui «paraissait normal». Est-vous sûr que ce sont des gendarmes burkinabè, a lancé Me Séraphin Somé de la partie civile. «J’ai l’intime conviction que c’était des gendarmes burkinabè», a rétorqué le capitaine même s’il dit ne pas avoir vérifié leur carte professionnelle.

Quant au débat autour de la légalité de l’opération, le capitaine Cuthbert Somda a demandé de se référer à sa hiérarchie car lui étant un tacticien et non un stratège, ce sont les responsables chargés des questions stratégiques qui donnent les ordres qu’eux exécutent. Aucune des parties (parquet militaire, partie civile et défense) n’ayant pas eu d’autres questions ou observations à ajouter, les officiers, le capitaine Gaston Ouédraogo, le capitaine Oussène Zoumbri et le lieutenant Abdoul Kadri Dianda disant ne rien à ajouter ou à objecter après les dépositions du capitaine Somda, le procès a été suspendu vers 16h40.

Bien avant ces deux témoins, le jugement a débuté avec la suite de l’audition du témoin Mathurin Bako, ex-président de l’ARCEP qui était déjà à la barre lundi. Comme son collaborateur Seydou Yao, ce témoin a maintenu aussi avoir subi des «menaces verbales» de la part des éléments de l’ex-RSP.

Le procès reprend demain, mercredi 13 février, à partir de 9h avec un autre témoin.

Par Bernard BOUGOUM