Accueil L'ENTRETIEN Procès du putsch manqué, lutte contre l’insécurité, ex-RSP…: les vérités d’un opposant

Procès du putsch manqué, lutte contre l’insécurité, ex-RSP…: les vérités d’un opposant

0
Le premier responsable de l'Union des forces centristes (UFC), Issa Balima

Le président de l’Union des Forces Centristes (UFC), Issa Balima, juriste de formation, a affirmé dans une interview exclusive accordée à votre site Wakat Séra que l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l’une des unités d’élite militaire sous le règne de Blaise Compaoré, «n’était pas de trop pour la sécurité au Burkina», face aux multiples attaques terroristes qui ont fait plus d’une centaine de morts de 2016 à nos jours. M. Balima aborde dans cette entrevue la plupart des questions d’actualité dont le procès du putsch, la gestion de la Transition et les initiatives locales de sécurité. 

Wakat Séra: Après avoir observé un long silence, votre parti a décidé depuis quelques jours de donner de la voix face à des questions d’intérêt national, qu’est-ce qui expliquait votre léthargie?

Issa Balima: Peut-être que vos radars ne se promènent pas assez, sinon on ne s’est jamais tu comme vous le pensez. L’UFC n’a jamais cessé de donner de la voix sur des questions essentielles de notre pays. Peut-être qu’on n’a pas tous les micros et toutes les antennes mais au tant que faire se peut, on a toujours rappelé pour ce qui sont des grands problèmes du pays à savoir les questions sécuritaires, de gouvernance et de justice notamment, que toutes les forces vives se donnent la main pour que le pays renoue avec la stabilité et la cohésion sociale.

L’UFC a-t-elle des griefs contre des journalistes ou des organes?

Nous n’avons pas fait de reproches aux hommes de médias. Nous avons simplement tenu à rappeler à nous-mêmes et aux autres forces vives de la nation, surtout aux médias qu’en période de crise, la communication doit-être des plus responsables. Nous ne sommes pas de ceux qui ont avalé même la communication gouvernementale pour expliquer la tragédie du 2 mars 2018, (une double attaque a fait huit morts à Ouagadougou, NDLR), parce que les terroristes n’attaquent pas les partis politiques ou des religions de façon particulière.

Nous avons déploré le fait que tout de suite le parti au pouvoir ait entonné la même chanson que depuis la première attaque (mi-janvier 2016) pour dire que c’est l’ancien régime qui est derrière l’attaque. On n’a suivi le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, Rémis Fulgance Dandjinou, sur des médias occidentaux, avec le président du Faso (Roch Marc Christian Kaboré), soutenir cette thèse. Nous avons dit, au cas où l’ancien régime serait derrière ça, que le régime mette les mécanismes en place pour arrêter ça au plan politique et judiciaire le plus rapidement possible parce que les Burkinabè ont plus besoin d’être en sécurité que de savoir qui leur fait ça. Nous dénonçons surtout le fait que le président du Faso jette facilement l’anathème sur l’ancien régime auquel il a appartenu.

Pourquoi l’UFC a-t-il dénoncé les images qui selon elle semble accabler les généraux Djibrill Bassolé et Gilbert Diendéré, présumés impliqués dans l’affaire du putsch manqué de 2015 qui ont circulé sur les réseaux sociaux et dans certains médias après la fusillade du 2 mars 2018?

Nous avons mis ça dans le paquet de la communication pour dire que nous n’avons rien contre la recherche de la justice, de la vérité, et les causes de cette tragédie contre les Burkinabè. Nous disons seulement que si on s’en souvient, toutes ces images du général Djibrill Bassolé, alors chef de la diplomatie burkinabè, mandaté par son pays à la demande de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CDEAO) pour aider le peuple malien à résoudre son problème d’instabilité (notamment) au Nord de son territoire, il n’a pas agi à notre sens, à son nom propre. Mais aujourd’hui que ces images-là, du simple fait que Iyad Ag Ghali a revendiqué l’attaque, qu’on veuille établir un lien, alors nous avons tenu à dénoncer cela. Que ce soit Djibrill Bassolé ou Gilbert Diendéré, ils ont posé des actes au nom de l’Etat burkinabè à la demande de pays amis, en son temps ça fait la fierté du Burkina Faso et participé au rayonnement de la diplomatie du Burkina Faso. Mais, à la suite de 2015, des événements politiques ayant fait que ces deux généraux sont en prison et qu’on brandit ces images-là pour établir un lien avec cette effroyable attaque, nous trouvons que c’est trop facile et ce n’est pas responsable.

Sous l’ancien régime, la sécurité  a été organisée comme ces responsables l’entendaient dans leur contexte autre que celui que nous vivons maintenant. Aujourd’hui, nous ne pensons pas qu’au nom de la continuité, ce soit responsable d’exhiber ces images-là pour établir, justifier et désigner même des coupables déjà de notre insécurité. Nous ne nous sommes pas comportés en avocats de qui que ce soit, nous disons qu’en pareille cas, il ne faut négliger aucune piste.

Avez-vous un commentaire sur la sécurité de façon générale qui est mise à mal par des attaques terroristes notamment au Nord du pays?

Vous savez, à parler d’une certaine façon, quand on ne vous traite pas d’être nostalgiques de x ou de y temps, nous disons que les acteurs burkinabè doivent faire attention parce que la sécurité de notre point de vue est assez politisée aujourd’hui. Nous avons traversé les événements des 30 et 31 octobre 2014 et quoiqu’on dise, je ne suis pas de ceux-là qui pensent que le RSP était indispensable mais je dis quand même que le RSP n’était pas de trop pour notre sécurité. Aujourd’hui, le dispositif sécuritaire du fait des problèmes politiques a pris un sérieux coup. Nous avons vu que sous la Transition, même des décisions sécuritaires ont été prises à la Place de la Nation. On n’a même vu des Organisations de la société civile (OSC) s’ériger experts en tout. Les aspects sécuritaires d’un pays relèvent d’un secret d’Etat, c’est-à-dire de la plus haute discrétion. On peut ne pas être d’accord en politique ce qui est normal dans une démocratie, mais de là à exposer la vie secrète du fonctionnement étatique, ça pose un problème.

Le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) aujourd’hui, au lieu de sécuriser l’économie, économise la sécurité. La sécurité aujourd’hui c’est l’expertise et le renseignement qui ne sont rien d’autre que les moyens avec des hommes qualifiés. Notre armée même aujourd’hui a été beaucoup impactée par les problèmes politiques que notre pays a connus. Malheureusement depuis la Transition qui aurait été tout sauf constitutionnel, avec cette période qui a été celle de la promotion des proches, il faut qu’on ait la lucidité d’accepter que le domaine de la sécurité a été politisé or il ne le faut pas. Il faut qu’on ait des spécialistes dans ce domaine qui travaillent à froid quel que soit le climat politique.

Quand on présente aujourd’hui l’ancien régime comme le régime du Burkina ayant pactisé avec le diable, je suis désolé, il n’y a pas une grande démocratie dans ce monde qui ne soit pas en relation avec tous ces groupes-là. Ça ne se dit pas sur tous les toits comme nous le disons ici mais le renseignement, c’est d’abord l’infiltration, une question de confiance, c’est une expertise humaine.

Il y a eu la sécurité islamique à Pouytenga qui avait fait jasé plus d’un, quelle est votre réaction sur cette actualité ?

L’abrogation de cette structure ne culpabilise pas moins le gouvernement de mon point de vue parce que la structure est passée quand même par des canaux officiels pour exister. Cette question repose même le problème des Koglwéogo qui sont nés contre toute loi et se sont imposés à l’autorité de sorte à même bénéficier de son soutien par la suite et cette autorité les a même érigés en auxiliaire de sécurité. Personne ne peut être contre des initiatives privées à la base pour se sécuriser mais de là à naître sous cette forme de Koglwéogo, cela pose problème. Ces groupes d’autodéfense sont illégaux et anticonstitutionnels. Peu importe son caractère non religieux prétendument laïc, c’est l’initiative et même le fonctionnement qui pose problème. C’est aux antipodes des droits humains. Je dénonce surtout les tortures, les exactions et les amendes que je ne comprends pas de ces Koglwéogo qui les infligent à des citoyens aux yeux des forces de l’ordre. Ces groupes sont nés même du principe que tout l’appareil judiciaire burkinabè est foutu et pourri, c’est ça qui est inacceptable.

Je dis que c’est complètement inadmissible que dans un pays sérieux, un pays laïc on ne peut imaginer un seul instant que cette initiative ait même traversé l’esprit de ses auteurs, a fortiori obtenir une autorisation de nos autorités pour exister. C’est parce que cela a créé un tollé que l’autorité est revenue là-dessus. Les gens se seraient tus que ça passerait. Si des citoyens estiment que quelque chose ne va pas, c’est vers les autorités politiques qu’il faut se tourner parce qu’à ce que  je sache ce ne sont pas les Koglwéogo qui ont été élus.

Si les populations ont rempli leur part de contrat par le vote, et leurs élus n’arrivent pas à remplir leur part du contrat par leur incapacité à les sécuriser de même que leurs biens, je pense que la Constitution a prévu des formes légales pour manifester et interpeller les autorités. Et comme les autorités savent qu’on n’est pas obligé de finir un mandat, si elles se rendent compte qu’elles avaient sous-estimé la charge, elles peuvent tirer toutes les conséquences.

Quelle forme de collaboration préconisez-vous pour les populations en vue de contribuer grandement à lutter contre les attaques terroristes ?

Pour parler franc, la simple collaboration de nos populations ne peut pas permettre de venir à bout du terrorisme. Je ne sais pas si vous avez voyagé ces derniers temps, sur tous nos grands axes, les fouilles qui s’y passent, par les forces de l’ordre sont des plus terribles. A Ouagadougou ville, vous tournez sur l’avenue du Dr Kwamé Nkrumah qui est devenue une rue déserte, ce n’est pas la présence des forces de l’ordre qui fait défaut. Aujourd’hui la sécurité fonctionne sur la base de renseignement, et ne sont bien renseignés que les structures de renseignement les mieux installées et les plus implantées ayant des ramifications.

C’est le fonctionnement malheureusement de tous les Etats démocratiques. Et puis je pense que ça ne dépend pas seulement de la partie burkinabè. Je regrette mais les organisations ou structures de renseignement se bâtissent pendant longtemps. Ce sont des choses qui se construisent avec le temps. Vous développez des rapports avec vos voisins et tous d’ailleurs, vous établissez des rapports de confiance entre vous, et c’est comme ça que ça fonctionne. En matière de renseignement on ne parle pas au premier venu. C’est la complexité de la question comme ça. Nous avons tout chamboulé au nom de nos problèmes politiques à l’intérieur, oubliant que ceux de l’extérieur se foutent de nos querelles internes.

Que pensez-vous du procès du coup d’Etat manqué de 2015 qui est en cours actuellement ?

Je crois que c’est une bonne chose car nous faisons partie des OSC qui avions appelé à un procès équitable dans ce dossier. Il débute très difficilement sur des questions de forme mais nous comprenons car c’est ainsi que fonctionne la justice et il faut que chacun l’intègre. Nous avons fait une insurrection populaire pour plus de justice, de démocratie, ce qui explique simplement qu’on doit se départir des méthodes d’Etat d’exception. On doit se dire qu’aujourd’hui, que tous les avocats des parties se battent pour une meilleure administration de la justice, nous disons que c’est tant mieux.

Selon le Conseil constitutionnel, le tribunal militaire est un tribunal d’exception, quelle est votre position sur cette décision ?

L’ordonnancement juridique de notre pays regorge de beaucoup de tribunaux d’exception. Je me demande si par cette décision du Conseil constitutionnel, le président du Faso (Roch Marc Christian Kaboré) désormais nommera des présidents au tribunal de travail parce que c’est aussi une juridiction d’exception. Donc, le caractère exceptionnel ne transcende pas la Constitution.

Pensez-vous comme certains que la défense travaille dans ce dossier à retarder le jugement ?

Dans quel intérêt la défense a-t-elle besoin de faire retarder le procès ? C’est plutôt elle qui a besoin qu’on en arrive au fond parce qu’elle a des clients privés de liberté. C’est dommage certains civils ne s’accordent pas avec la défense pour rechercher la vérité. J’ai suivi deux fois le procès mais il y a des avocats de la partie civile qui pensent qu’ils sont des alliés objectifs du parquet militaire. Alors que le rôle de la partie civile est de rechercher la vérité et de l’accepter d’où qu’elle vient. L’essentiel étant d’obtenir des réparations pour leurs clients qui sont les victimes. Mais si la partie civile rentre dans le jeu politique pour se comporter comme le parquet qui tient coûte que coûte à condamner des accusés, ça pose un problème. Je crois qu’il faut bien que les gens s’accordent à ne rechercher que la vérité, rien que la vérité dans tout ce qui s’est passé dans notre pays pour que ça nous serve de leçons. Je pense qu’il ne sert pas d’être partisan, si on le fait provisoirement ça peut marcher mais je crains que ce ne soit pas pérenne.

Doutez-vous comme certains Burkinabè de l’impartialité du tribunal militaire ?

C’est la justice militaire elle-même qui donne les conditions objectives pour qu’on doute d’elle. Depuis le début des questions posées à la justice militaire, au moment de l’éviction des avocats de Djibrill Bassolé au motif que c’est un tribunal militaire, et que les avocats étrangers n’auraient pas accès, nous avons compris clairement.  Et même à partir de l’instruction, le général Diendéré qui est présenté comme le cerveau du putsch, dès l’entame du dossier a cité la hiérarchie militaire comme ayant participé au putsch. Mais malheureusement l’instruction s’est démerdée pour que ces gens-là ne soient jamais inculpés et qu’ils viennent même aujourd’hui au procès en tant que témoins. Donc je pense que le parti pris de la justice militaire ne fait pas du tout mystère et nous on ne se gênera pas de constater ce qu’elle nous impose de voir.

Quelle est la position de l’UFC sur le Fonds commun communément appelé FC qui fait des gorges chaudes alors que le ministre en charge de l’Economie, Hadizatou Rosine Coulibaly/Sori, a confié que la prime au niveau de son département s’élève à 55 milliards en 2017 ?

Je ne suis pas de ceux qui pensent qu’il faille demander de détruire l’autre pour réussir. Je crois que si on doit aller à une gouvernance vertueuse, à la transparence jusqu’au fonds, il n’y a pas que les fonds communs, il y a les caisses noires des institutions et les salaires de nos dirigeants entre autres. Contrairement à ce que les gens pensent, le président Thomas Sankara a touché 159 00 FCFA par mois, c’était officiel et ça n’a gêné personne et lui-même ne se gênait pas de communiquer sur son salaire. Aujourd’hui, moi je suis de ceux qui sont intéressés de savoir que gagne exactement le Premier ministre (Paul Kaba Thiéba) et le président du Faso (Roch Marc Christian Kaboré) en lien avec sa fonction parce que c’est trop simple soi-même d’incarner l’impunité économique, l’opacité économique et de jeter les autres en pâtures. Je crois que les travailleurs bénéficiaires de ces fonds communs ne sont pas les seuls, très incessamment, les langues vont se délier et on en saura davantage.

Etes-vous pour une mise à plat de la rémunération des agents de la Fonction publique ?

Si elle est faite dans la transparence, de façon courageuse et honnête moi je n’ai rien contre. Que l’on ne me dise pas qu’un Premier ministre et n’importe quel membre du gouvernement venu de l’extérieur a exigé que l’on aligne son salaire sur ce qu’il gagnait au niveau d’une institution internationale. Convenez avec moi que de ces messieurs là on ne peut pas attendre la rigueur et la sobriété qu’il demande aux autres. La ministre de l’Economie n’a pas encore dit aux Burkinabè ce qu’elle gagne concrètement dans ces FC. Mais elle ne gagnerait pas moins de sept millions FCFA par trimestre dans cette affaire.

Un mot sur l’arrestation du colonel Auguste Denise Barry qui semble mis aux oubliettes ?

Le colonel Barry et moi politiquement sous la Transition, nous étions totalement en désaccord mais humainement et au nom des responsabilités qu’il a exercées, personnellement j’ai été mandaté par l’UFC et je suis allé le voir deux fois à la Maison d’arrêt et de correction des armées (Maca). Nous pensons que pour un homme politique, la prison aussi bien que l’exil et tout ce que vous voulez, sont des réalités et nous pensons que ça n’arrive pas qu’aux autres. Nous disons également que tout le monde devait se laisser instruire par ce que notre pays a traversé depuis 2014. Donc nous avons bien voulu lui rendre une visite de courtoisie comme nous le faisons pour d’autres comme les généraux Djibrill Bassolé et Gilbert Diendéré.

C’est dommage que cet officier supérieur de l’armée en dépit de mon désaccord politique que je revendique avec lui, que ceux qui l’accusent, le parquet militaire et les autorités, n’ont pas encore servi grand-chose aux populations et même curieusement, cela fera trois mois qu’il est détenu et judiciairement son dossier n’avance pas et personne n’en parle. Voilà ce qui n’est pas acceptable et que je reproche par moment à mes frères insurgés que j’aime bien. Quand on s’est comporté en justicier, défenseur des droits et experts politiques, on ne retombe pas aussi bas. Je souhaite en dépit de nos désaccords qu’il bénéficie d’une procédure judiciaire équitable.

Que reprochez-vous à la gestion de la Transition ?

J’estime que si la Transition avait été plus responsable que ça, on aurait fait beaucoup d’économie de problème. Si la Transition avait été constitutionnelle, peut-être qu’aujourd’hui, on n’aurait pas un problème de putsch à gérer. Mais après avoir eu l’opportunité de respecter et faire respecter la Constitution, malheureusement, les transitaires (autorités de la Transition de 2015) s’en sont écartées pour faire ce qu’ils voulaient et on se souvient comme hier de leurs dérives dont certaines même ont failli créer des problèmes confessionnels dans notre pays. Aujourd’hui, par intérêt, peur ou indifférence, les gens refusent de reconnaître cette page.

Que répondez-vous à ceux qui vous taxent d’être proches de l’ex-régime dirigé par Blaise Compaoré exilé à Abidjan ?   

Vous me donnez là une occasion de rebondir. Sans fausse modestie, je ne connais pas quelqu’un qui a combattu l’ex-régime comme moi. Que ce soit l’ex-Chef de file de l’opposition (CFOP) comme les congénères de sept mois qui sont venus dans l’opposition, je ne vois pas celui qui a combattu le pouvoir du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, ex-pouvoir) comme l’UFC. Seulement nous disons que ce n’est pas parce qu’on est opposé à quelqu’un politiquement qu’on doit nourrir une haine vis-à-vis de la personne. Et nous disons que l’histoire de ce pays-là ne date pas malheureusement des 30 et 31 octobre 2014. On a tenté de nous faire croire que l’intégrité dépendait de là où tu étais les 30 et 31 octobre 2014. Nous avons simplement assumé une position dissidente dans le débat politique pour dire que nous n’étions pas pour l’option insurrectionnelle à la suite du débat sur la révision de l’article 37 (de la Constitution faisant référence à la limitation de mandat présidentiel, NDLR) mais nous voulions un dénouement politique constitutionnel, consensuel. Moi je suis né sous la crème sankariste et au contraire, c’est ceux qui doivent tout à l’ancien régime aujourd’hui qui présentent les gens comme proches de l’ancien régime.

Quelles sont vos relations actuelles avec Me Bénéwendé Sankara, premier vice-président de l’Assemblée nationale ?

C’est vrai que sans se fréquenter aujourd’hui, personnellement je n’aurai d’animosité vis-à-vis de qui que ce soit. A titre de petite synthèse, dans la grande famille sankariste à un moment donné avant la fin de l’ancien régime, nous avions choisi d’assumer une dissidence pour dire qu’un quart de siècle après Thomas Sankara (président de la révolution burkinabè d’août 1983, NDLR), on a beaucoup théorisé sur la vengeance. Il était temps qu’on prospecte la piste de la réconciliation. Nous avons dit que nous pensons, qu’il y en a qui souffrent de l’impunité mais il y en a aussi qui vivent malheureusement de cette impunité. Nous aujourd’hui sankaristes, quel doit être notre camp ? Aujourd’hui tous les dossiers qui coincent notre pays au plan politique ne le sont pas forcément au bénéfice des familles affligées. C’est malheureusement des partis politiques, des OSC, des avocats, si vous voulez toute forme de structure de brigandage qui se sont accaparés de ces dossiers au détriment des bénéficiaires et contre la paix sociale. Voilà la première dissidence que nous avons assumée au niveau sankariste.

En 2014, pour couper les choses définitivement,  nous avons dit que nous ne sommes pas de ceux qui comprennent comment et pourquoi, ceux qui ont tout justifié de l’action politique de Blaise Compaoré, de 1987 à 2014, un matin brusquement nous disent suite à un mea-culpa, qu’ils sont désormais les anges qu’il faut suivre. L’article 37 à une histoire, une genèse qui n’est pas très longue. C’est le président du Faso actuel, Roch Marc Christian Kaboré, qui a été le premier à poser le débat de la nécessité de modifier l’article 37 (de la Constitution) sur la place publique. Si entre temps, il a estimé que l’opportunité ne se présentait plus après 26 ans d’accompagnement à l’ancien régime, nous avons estimé que la solution pouvait être négociée au lieu d’être violentée. Mais vous avez vu que ceux qui ont opté pour l’insurrection nous ont créé 33 morts et fait d’énormes dégâts matériels. Et, aujourd’hui ils refusent toujours qu’ils ont failli dans l’action et pensent qu’ils ont toujours le monopole du patriotisme. A un moment d’un homme et surtout d’un parti politique, il faut savoir choisir entre ce qui est vrai et ce qui est populaire surtout au moment critique.

Par Bernard BOUGOUM