Du pain béni pour le chef de la junte militaire au pouvoir en Guinée! C’est ce que représente le procès du massacre du 28-Septembre qui, aussitôt ouvert ce mercredi pour marquer un triste treizième anniversaire, a été aussitôt renvoyé au mardi 4 octobre, pour permettre aux avocats des deux parties de cerner davantage le dossier. En plus d’être historique pour une Guinée où la règle est que les actes les plus barbares commis par les militaires ou des dirigeants demeurent impunis, le jugement des tueries et viols en masse du 28 septembre 2009, œuvre de soldats en furie, pourrait bien servir la cause du colonel Mamady Doumbouya.
Le colonel Mamady Doumbouya, béret rouge comme le capitaine Dadis Camara, arrivé par effraction aux affaires le 5 septembre 2021-encore ce fameux mois- arme au poing, n’a lésiné sur aucun effort pour que ce procès s’ouvre, dans un palais de justice flambant neuf. Pourtant, ce procès a été en souffrance, non seulement au cours de la transition politique du général Sékouba Konaté, mais aussi durant les deux quinquennats et une année du 3è mandat anticonstitutionnel d’Alpha Condé, l’opposant historique qui a tenté sans succès de devenir président à vie. Les proches de plus de 150 morts et la centaine de femmes violées, tout comme toutes les personnes éprises de justice ne pouvaient que se réjouir de l’ouverture de ce jugement qui fait comparaître 11 co-accusés, dont l’inénarrable capitaine Moussa Dadis Camara.
Le sulfureux capitaine, qui était chef des armées et de la junte militaire au pouvoir, au moment où l’horreur a pris possession du stade du 28-Septembre, est accusé de «coups, blessures et violence volontaire, pillage de marchandises, incendie de magasins, enlèvement, torture, séquestration de manifestants». Autant de faits qui peuvent être reprochés aujourd’hui au colonel Mamady Doumbouya, qui, après avoir été accueilli comme un sauveur suite à son putsch militaire qui a permis à la Guinée de se débarrasser d’un assoiffé de pouvoir sans fin, a vite montré son vrai visage de loup pour les démocrates et de prédateur des droits de l’homme. En effet, adepte d’agissements autoritaires, et rétif à toute contradiction, le colonel putschiste brille dans la violation des droits de l’homme, notamment l’interdiction de manifester. Pourtant, c’est sous son magistère que se tient un procès contre ses frères d’armes auxquels sont collées ces pratiques répréhensibles.
N’est-ce pas le même Mamady Doumbouya qui détient dans ses prisons, deux leaders du Front national pour la défense de la constitution (FNDC), en l’occurrence Foninké Mangué et Ibrahim Diallo, qui ne demandaient qu’un recadrage de la transition et un dialogue inclusif? N’est-ce pas le colonel, le chef de la junte qui vient de faire l’objet de prise de sanctions ciblées par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) par qu’elle se taille une transition de 36 mois alors que le tarif servi actuellement par l’organisation sous-régionale aux putschistes est de deux ans? N’est-ce pas le même colonel Doumbouya qui a ouvert une chasse à l’homme contre des leaders politiques dont il a favorisé l’exil forcé? Et que fait-il des personnes fauchées par les balles lors des manifestations que l’armée du colonel putschiste a durement réprimées, des morts dont les fantômes errent également aux abords du Palais de justice de Conakry en criant justice tout comme ceux du stade du 28-Septembre?
Si le défi pour ce procès sera de rester dans la seule logique de la recherche de la vérité, en respectant tant les droits des victimes que ceux des accusés, l’autre challenge sera de ne pas en faire un simple procès politique, encore moins un instrument de propagande pour le colonel Mamady Doumbouya, qui espère s’en servir pour se donner une virginité droit-de-l’hommiste, notamment à l’endroit de l’international où il est surveillé comme du lait sur le feu. En tout cas, dur dur sera de conduire ce procès à bon port, même s’il faut en saluer l’ouverture!
Par Wakat Séra