Le lieutenant Jacques Limon, ex-élément chargé du traitement des documents confidentiels au ministère burkinabè de la Défense, considéré comme «la taupe» du général Gilbert Diendéré, au sein dudit ministère, a été convoqué à la barre ce vendredi 7 septembre 2018, pour répondre des faits de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessure, à lui reprochés dans le dossier du coup d’Etat manqué du 16 septembre 2015 au Burkina.
Est-il vraiment «l’agent de renseignement de Gilbert Diendéré»? En tout cas c’est ce qui serait mentionné devant son nom sur une liste de suspects, selon l’accusé Limon. Chargé de la sécurisation et la protection du ministère de la Défense et des Anciens combattants, de traiter les documents à caractère confidentiel, il était chef de cabinet de fait du ministère, au moment des faits.
Il aurait envoyé des messages compromettants au capitaine Oussène Zoumbri du Régiment de sécurité présidentielle. Selon le parquet, le lieutenant Limon aurait, dès le 16 septembre 2015, transmis des messages du genre: «Si vous voulez prendre votre responsabilité, fermez les radios locales surtout OMEGA», «Il y a des situations face auxquelles on ne peut plus reculer. Il faut prendre ses responsabilités car reculer serait suicidaire». Ces messages n’ont pas été contestés par l’accusé, puisqu’il a dit dans quel cadre il a donné ces messages au capitaine, dans son procès-verbal d’instruction.
Devant le tribunal, celui-là qui est considéré comme «la taupe» qui donnait des informations au capitaine Zoumbri, n’a pas remis en cause ses déclarations devant le juge d’instruction. Mais il a tenu à faire savoir que «ces messages sont des messages de camaraderie» qu’ils échangeaient et que cela n’était pas pour aider à faire ou à consolider un coup d’Etat. «Les gens ont de l’imagination fertile», a-t-il soutenu, pour dire que certains de ses messages sont soit «manipulés» soit mal compris par le parquet et la partie civile.
Le parquet qui a poursuivi avec ses questions et observations sur le contenu du rapport de l’expert Younoussa Sanfo, rendu le 30 mars 2016, a mentionné des messages qu’aurait envoyés l’accusé. Lesquels messages disent en substance qu’ «il faut neutraliser les têtes des OSC (Organisations de la Société Civile)», «Des blindés de Fada sens Ouaga», «… J’infiltre des gens et je vous informe».
Il aurait donné des informations sur des troupes venues de l’intérieur du pays et aurait même conseillé de chercher la radio pirate 108.0 et l’arrêter.
Il faut noter que le lieutenant Jacques Limon est le dernier à être inculpé (le 12 avril 2016) dans ce dossier du putsch manqué de 2015. Son implication aurait été découverte suite à l’analyse du téléphone portable du capitaine Oussène Zoumbri.
Pour sa défense, il a soutenu qu’il s’agit d’ «un complot» ourdi contre lui car pour lui, il n’est pas impliqué dans cette histoire du putsch. «On s’est empressé de me foutre dedans. Beaucoup de choses ont été mises sur mon dos. Je me suis rendu compte que c’est de la persécution, de l’acharnement», a-t-il indiqué, évoquant des soucis qu’il a eus avec l’expert Sanfo bien avant son inculpation pour une histoire de marché public. Pour lui, s’il est aujourd’hui dans des problèmes c’est parce qu’il y a eu un précédant avec l’expert. «Ce monsieur est capable de tout. Il est capable d’utiliser ton numéro pour envoyer des messages à quelqu’un», a affirmé l’accusé.
Selon son avocat Me Mamadou Sombié, son client est «quelqu’un qu’on voulait museler», notant que c’est le «refus de règlement rapide du marché qui lui a valu cette poursuite».
Me Prosper Farama de la partie civile qui s’est senti «embarrassé» au début de la déposition de l’accusé, s’est dit dérouté à la suite de la lecture de la teneur des messages qu’il aurait envoyés. «Ne serait-ce que les messages que vous avez reconnus, montrent que vous avez voulu aider à asseoir le coup d’Etat», a dit Me Farama.
L’audience a été suspendue à 17h et reprendra le lundi 10 septembre 2018.
Par Daouda ZONGO