Le témoignage de l’ex-président burkinabè Jean-Baptiste Ouédraogo, dans le dossier du putsch manqué du 16 septembre 2015, débuté le lundi 11 mars 2019, s’est poursuivi ce mardi 12 mars 2019 devant la Chambre de jugement du tribunal militaire. Au cours de l’audience, l’adjudant-chef Moussa Nébié dit « Rambo », après avoir écouté Me Prosper Farama, de la partie civile qui s’offusquait du fait que la défense ne fait que parler de la réconciliation, a exprimé sa «peur» et a affirmé qu’il se «voit déjà condamné».
A l’audience de ce mardi 12 mars 2019, la partie civile a tenté en vain d’avoir la réaction du général Gilbert Diendéré sur un certain nombre de points. Toutes les questions posées, notamment par Me Prosper Farama, sont restées sans réponse. «C’est insensé» de continuer à poser des questions, compte tenu de la posture adoptée par l’accusé, a laissé entendre l’avocat qui a noté «le caractère versatile» du général. A en croire Me Farama, l’accusé Gilbert Diendéré qui avait souhaité l’inculpation des participants à la réunion du 16 septembre 2015 au ministère en charge de la Défense, au fur à mesure que ces personnes passent à la barre, dit qu’il n’a rien à dire à ce propos.
Le général Diendéré dans sa déposition avait indiqué que l’ancien président lui a proposé, au cours de la réunion du 16 septembre 2015, après que la hiérarchie militaire a refusé d’assumer le coup de force, de prendre la tête du pays. «Il n’a jamais été question de ce que j’entends aujourd’hui. Si ces propos ont été tenus, c’est que je n’y étais pas», a réagi l’ex-président Jean-Baptiste Ouédraogo, déclarant qu’il «n’a jamais fait une telle proposition».
Le témoin lors de son audition a fait cas de documents pour étayer ses propos, documents qui ont été par la suite mis à la disposition du tribunal. Il s’agit d’un accord complémentaire à la charte de la transition, un procès-verbal d’une rencontre des Forces armées nationales sur le cabinet militaire de la transition et un rapport sur la réforme du Régiment de sécurité présidentielle (RSP). La production de ces documents a été sollicitée par les avocats du général Diendéré qui comptent les exploiter pour la défense de leur client. N’ayant pas eu le temps de prendre connaissance de ces pièces, la défense a souhaité se prononcer sur la question en temps opportun.
«Nous notons que notre requête n’a pas été prise en compte. Nous avions demandé que si ces pièces sont produites qu’elles soient débattues en présence du témoin qui les a produites», a dit Me Prosper Farama qui ne comprend pas pourquoi la défense du général Diendéré affirme qu’elle se prononcera plus tard. Occasion pour Me Farama de s’offusquer du fait que la défense invite à aller à la réconciliation. «Nous sommes dans un procès. Quand on vient devant une justice, on ne parle pas de réconciliation, on parle de droit», a dit l’avocat, notant que quelles que soient les revendications de l’ex-RSP, «rien ne pouvait justifier le coup d’État». Pour cet Me Farama, ce n’est pas à la justice de régler des questions politiques.
Le ton avec lequel Me Farama s’est exprimé, a fait «peur» à l’adjudant-chef Moussa Nébié dit «Rambo». «Je suis perdu après avoir écouté Me Farama. Je suis déçu de telle sorte que je me vois déjà condamné», a dit l’adjudant-chef Nébié, affirmant qu’il «comptait sur Me Prosper Farama pour plaider pour (eux) les petits soldats». «J’ai beaucoup peur», a-t-il conclu.
L »ancien président Jean-Baptiste Ouédraogo, pour conclure son audition a fait savoir qu’il a été «édifié avec tout ce qu’(il) a entendu». Il a révélé que c’est la première fois qu’il se trouve devant un tribunal.
L’audience a été suspendue et reprendra demain mercredi 13 mars 2019 avec l’audition d’un autre témoin.
Par Daouda ZONGO