Le parquet militaire burkinabè a poursuivi ce vendredi 22 mars 2019, la présentation des pièces à conviction, entrant dans le cadre du procès du putsch manqué du 16 septembre 2015. Au total, une cinquantaine d’éléments sonores impliquant principalement le général Djibrill Bassolé, ex-ministre burkinabè des Affaires étrangères, ont été lus à l’audience de ce jour.
A l’ouverture de l’audience, Me Stéphane Ouédraogo, conseil du journaliste Adama Ouédraogo dit «Damiss», a pris la parole pour contester les audio concernant son client, qui ont été lus mercredi 20 mars dernier avant la suspension. Pour lui la voix qui a été donnée d’entendre dans les éléments sonores, n’est pas celle de «Damiss». Il a alors indiqué que seul le procureur militaire et Me Hervé Kam, de la partie civile l’attribuent à son client. Il a laissé entendre que même le juge d’instruction n’a pas dit que c’est la voix de Adama Ouédraogo. Il a estimé qu’il fallait faire recours à la «technique» (expertise) pour situer les choses.
Le parquet en réagissant a affirmé qu’il n’y a pas dans le dossier une mention d’un juge disant que ce n’est pas la voix de «Damiss» que l’on entend dans l’audio, demandant alors à l’avocat de fournir des preuves s’il en a.
La suite des audio lus ce vendredi implique, entre autres, le général Djibrill Bassolé, le général Gilbert Diendéré, Biila Bénédict Jean, Fatoumata Diawara (ex-compagne du fils du général Diendéré), Yolande Belemviré et le lieutenant-colonel Paul Henri Damiba et un inconnu avec un numéro malien.
Dans ces différentes conversations, «nous voyons que entre les dires du général Bassolé à la barre et ce qu’il dit dans les éléments sonores, il y a vraiment un gouffre. Il ressentait de l’amertume» à la suite de son exclusion de la présidentielle de 2015, a affirmé le parquet militaire.
«C’est un gouvernement de minables. Ils vont m’entendre. Je vais les sonner, ils vont comprendre. Je vais les ridiculiser», entend-t-on dans une des échanges du général Bassolé, qui a eu à intervenir sur plusieurs médias où il a dénoncé une mauvaise gestion de la transition. «Si on doit dissoudre le RSP (Régiment de sécurité présidentielle), il faut dissoudre aussi le gouvernement, car c’est le RSP qui a propulsé Zida (Isaac) au pouvoir», avait déclaré l’ex-ministre burkinabè des Affaires étrangères dans une de ses interviews durant la période du putsch. «Maintenant on va leur rentrer dedans. A la guerre comme à la guerre», a-t-il dit.
Dans les audio, on entend également la voix attribuée au général Djibrill Bassolé, dire, notamment, au général Gilbert diendéré de «tenir bon», l’informant qu’ «il y a un noyau dur». «Tu n’as plus rien à perdre (…) On est ensemble (…) Il suffit de motiver les jeunes», a-t-il poursuivi. Plus loin il dit à Biila Bénédicte Jean, dans une conversation qui se serait tenue quand les troupes de l’intérieur du pays se préparaient pour l’affrontement avec l’ex-RSP, que «la manière de se défendre, c’est d’attaquer».
La plupart des audio lus ce vendredi sont des conversations tenues entre le général Bassolé et Fatoumata Diawara. A travers les échanges, il ressort que la voix attribuée à Dame Diawara était en contact avec des éléments de l’ex-RSP et transmettait au général Diendéré les informations sur ces éléments et ce qui se passait au niveau de leur camp. «Les soldats sont là. Ils ont besoin d’argent. Le vieux a quelque chose sur lui, il va leur remettre», a-t-elle dit à M. Bassolé en parlant d’une contre-attaque.
Me Kam charge le général Bassolé
Appelée à la barre Fatoumata Diawara a soutenu que ces éléments sonores sont le produit d’un montage, notant qu’avec la voix, on peut tout faire. «Jusqu’à preuve du contraire, le parquet n’a pas démontré que ces éléments n’ont pas été forgés», a-t-elle conclu.
Quant au général Gilbert Diendéré, il a dit qu’il n’a pas d’observation à faire car il en avait déjà fait sur les retranscriptions, lors de son audition.
Les écoutes téléphoniques remises en cause
Par Daouda ZONGO