Après avoir écouté les accusés, présents, dans le dossier de l’affaire dite de l’assassinat du président Thomas Sankara et douze de ses compagnons, la Chambre de jugement du Tribunal militaire a entamé, le mardi 16 novembre 2021, l’audition des témoins. Appelé à la barre, le premier témoin, le Colonel-major à la retraite, Daouda Traoré, Lieutenant au moment des faits, donne sa version des faits.
Cet officier après avoir juré « de parler sans haine, de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité », a exposé devant les membres de la Chambre son vécu des événements du 15 octobre 1987.
Le colonel-major à la retraite Daouda Traoré qui était affecté à Fada devrait rejoindre son poste le 15 octobre 1987, mais son voyage a été retardé du fait d’un accident de son chauffeur. N’ayant pas pu bouger dans la matinée, il avait reprogrammé son voyage dans la soirée vers 15h-16h et il devrait passer au Conseil de l’Entente pour se ravitailler en carburant.
Il affirme qu’il a entendu les tirs quand il quittait la Société de construction et de gestion immobilière du Burkina (SOCOGIB). Il y était avec son épouse, pour voir comment sous-louer sa maison de Ouagadougou. Il affirme avoir passé un long temps à la SOCOGIB, soutenant que c’est peut-être ça qui l’a sauvé.
Alors, pour chercher à comprendre ce qui se passait, il a voulu se rendre au Conseil mais tout en étant prudent car arrivé il s’est positionné vers le lycée Bogodogo et a envoyé son garde du corps annoncer son arrivée. « Lorsqu’il est arrivé à l’entrée du Conseil, après des échanges, on lui a tordu le bras avant de le mettre au sol », a-t-il dit. « Après cela j’ai entendu « hei! Vous-là! Avancez! » le temps que je me rende compte il y a eu des rafales dans ma direction et j’ai traversé la cour de l’école et je suis parti chez moi », a-t-il poursuivi.
Après il a cherché à joindre le Lieutenant Kouama Michel qui était le Commandant de l’ETIR, qui lui a dit qu’il viendrait le voir, mais « il n’est jamais venu ».
« Quand la proclamation est passée on traitait Sankara de renégat. Je n’en revenais pas. J’ai appelé celui qui a lu la déclaration, il m’a dit qu’il va me passer (Gilbert) Diendéré, qui à son tour m’a passé Lingani. Et Lingani m’a passé Blaise (Compaoré). J’ai demandé, où est Sankara? il m’a répondu que Sankara est mort. J’ai crié. Et il m’a dit: « Non calme toi, nous aussi on a perdu des camarades, calme toi, je te recevrai demain », a relaté le témoin.
Après il a voulu rejoindre Koudougou, souhaitant que la Brigade d’intervention aéroportée (BIA) fasse une descente sur Ouagadougou.
Selon le colonel-major à la retraite, membre du Conseil national de la révolution (CNR), à la suite de la circulation des tracts injurieux à l’encontre du président Thomas Sankara, la commission de contrôle de la vie du CNR dont il était vice-président avait tenu une réunion, quelques jours avant le 15 octobre, avec Blaise Compaoré et il avait été conclu qu’il devait participer à une cérémonie à Poura le 15 octobre 1987. A cette cérémonie, Blaise devait prendre la parole pour démentir qu’il n’y a pas de différends entre lui et Sankara », a fait savoir le témoin qui révèle que Blaise Compaoré avait dit à cette réunion qu’il ne pourra rien faire contre Sankara, qu’il ne peut même pas prendre une brindille contre lui.
« Je ne pense pas qu’il y avait un problème entre les deux. Mais Blaise Compaoré avait un problème avec la Révolution. Je pense que c’est parce que Sankara était rigoureux », a poursuivi le colonel-major Traoré notant que là où le président de la Révolution d’août 1983 n’appliquait pas sa rigueur c’était avec Blaise Compaoré.
Il affirme que Blaise Compaoré utilisait les frustrations des gens. Il soutient que lui même a été frustré car il a voulu un stage à Cuba et Sankara avait été réticent. Il n’avait pas souhaité également qu’il soit de sa garde. Il affirme avoir été approché par Salifou Diallo (ancien président de l’Assemblée nationale burkinabè, décédé le 19 août 2017). « Il m’a dit qu’il était de mon côté quand on s’est rencontrés et cela nous a rapprochés. Plus tard, je me suis rendu compte que c’était un processus d’accroissement de mes frustrations, afin de m’intégrer dans un plan futile », a-t-il déclaré.
Le colonel-major Traoré ferait partie de ceux qui ont prévenu Sankara d’un éventuel complot contre lui.
Après le coup d’État il a été mis aux arrêts le 24 octobre 1987 et libéré le 25 mars 1988.
Par Daouda ZONGO
