L’ex-ministre burkinabè en charge de la Sécurité, Ousseni Compaoré, commandant de la Gendarmerie au moment des faits, invité à témoigner dans l’affaire de l’assassinat de Thomas Sankara et de ses douze compagnons, a soutenu, le mercredi 24 novembre 2021, que Blaise Compaoré, le principal accusé, a bénéficié du soutien de chefs d’Etat, notamment de pays voisins.
Le renseignement burkinabè qui a infiltré plusieurs pays, notamment, la Côte d’Ivoire, s’est rendu compte que des chefs d’Etat, comme Houphouët Boigny cherchaient des moyens pour en finir avec la Révolution au Burkina Faso. «Nous avons eu des informations claires que Houphouët a reçu Jean-Paul Kamboulé (opposant burkinabè en Côte d’Ivoire) pour lui dire d’arrêter pour lui (il voulait en finir avec la Révolution) car Blaise Compaoré va s’en occuper», a déclaré l’ex-commandant de la Gendarmerie au moment des faits, Ousséni Compaoré, qui a affirmé qu’il y a «un certain nombre de faits qui revenaient aux services de renseignement indiquant que quelque chose se tramait».
Pour lui, les événements du 15 octobre 1987 ont été préparés. «A proprement parler, il n’y a pas eu de surprise, vu le déroulement des faits», a-t-il dit. Selon M. Compaoré c’était «tellement bien préparé qu’il n’ y avait pas d’issue». «La boucle était bouclée et l’appareil sécuritaire verrouillé. Le piège s’était refermé sur Sankara et tous ceux que l’on pensait être proches de lui», a-t-il fait savoir.
L’ex-commandant de la Gendarmerie, a soutenu que «l’organisation du service de sécurité ne fonctionnait pas comme il se devait». «Dans les faits, c’est Blaise Compaoré qui avait l’essentiel et la réalité du pouvoir sécuritaire», a signifié le témoin Ousséni Compaoré.
Il a confié que des informations de complots ont été rapportées au président Sankara mais celui-ci a dit que «si Blaise veut faire un coup d’Etat c’est imparable». «C’est parce qu’il savait que c’est Blaise qui tenait l’essentiel du pouvoir sécuritaire», a-t-il poursuivi.
Le 15 octobre 2021, l’ex-ministre burkinabè en charge de la Sécurité, Ousséni Compaoré, commandant de la Gendarmerie au moment des faits, était chez lui quand ça tirait au Conseil de l’Entente, selon sa déposition devant la Chambre de jugement. «C’est ma femme qui a entendu les tirs et elle m’en a informé», a déclaré M. Compaoré qui a dit s’être rendu à la Gendarmerie après avoir reçu l’information.
«En partant à la Gendarmerie, j’ai croisé un commando qui venait pour me tuer. Il n’a pas su que c’était moi, car je conduisais le véhicule de ma femme», a-t-il informé, confiant que les éléments du commando qui est venu du domicile de Blaise Compaoré, ont désarmé la garde qui était chez lui et ont «maltraité» sa famille. «Ma fille même a été traumatisée, jusqu’à ce qu’elle avait peur des militaires», a-t-il fait savoir.
Il affirme s’être refugié à Ouahigouya (Nord du Burkina) après le coup d’Etat. Mais il fut arrêté dans cette localité et conduit à Ouagadougou où il a d’abord été assigné en résidence surveillée chez lui avant d’être conduit au Conseil de l’Entente comme prisonnier durant «huit à neuf mois». «C’est le colonel Kodjo Lougué qui a reçu un ordre de mission de m’escorter de Ouahigouya à Ouagadougou. Il a d’abord hésité avant de demander certaines mesures car il avait peur qu’il y ait une embuscade et que je sois tué. Il a donné des consignes à ceux qui m’escortaient de me remettre en main propre à Gilbert Diendéré».
Il a déclaré qu’au cours de sa détention, il a été «bien traité», mais déclare que ses comptes ont été bloqués. Tout au long de sa détention, il n’a jamais été entendu sur quoi que ce soit, selon ses dires. Alors qu’un document déclassifié par la France dit qu’il a fait des aveux, durant sa détention, sur un complot que le président Sankara préparait pour éliminer, notamment, Blaise Compaoré, Lingani et d’autres personnes. Le document indique que ce complot devait être exécuté le 15 octobre 1987 à 20h. «Je ne me reconnais pas dans ces propos et je suis même choqué», a réagi le témoin qui rejette ces propos.
Le témoin est également revenu sur sa nomination à la tête de la Gendarmerie. Il dit qu’il l’a appris à l’aéroport alors qu’il revenait des études. Il informe qu’il a eu des problèmes de commandement avec son adjoint Jean-Pierre palm qui assurait l’intérim avant sa nomination. «C’était comme deux capitaines dans un bateau», a expliqué l’ex-commandant Ousséni Compaoré. «Il disait qu’il a été placé là-bas par Blaise Compaoré», a poursuivi M. Compaoré.
L’audience a été suspendue, elle reprendra demain 25 novembre 2021, avec l’audition du témoin, en la personne du colonel major à la retraite Bernard Sanou.
Par Daouda ZONGO