Le général Gilbert Diendéré, considéré comme l’un des principaux cerveaux de l’assassin du président Thomas Sankara et douze autres personnes, le 15 octobre 1987, au Conseil de l’Entente, a déclaré devant la Chambre de jugement du Tribunal militaire qu’il ne se « souvient pas avoir communiqué » avec le témoin, le colonel-major Moussa Diallo, le jour des évènements. Le général Gilbert Diendéré a été confronté le mardi 11 janvier 2022 au témoin Moussa Diallo.
Dans sa déposition devant le Tribunal militaire le mardi, le témoin Moussa Diallo qui a dit par visioconférence ce qu’il a vu, entendu ou su de la tuerie du 15 octobre 1987 au QG de la Révolution burkinabè, a accusé le général Gilbert Diendéré d’être impliqué dans le coup d’Etat le plus sanglant au Burkina Faso, même s’il a noté n’avoir pas été témoin oculaire des faits, il n’avait pas de preuves matérielles. Mais, de son analyse de la fusillade au Conseil de l’Entente qui a mis un terme à la Révolution amorcée officiellement en août 1983, il est convaincu que l’ex-chef d’état-major particulier de Blaise Compaoré est impliqué dans l’affaire qui a traîné 33 ans avant de voir le début de son jugement.
Dans son récit des faits du 15 octobre 1987, Moussa Diallo dit avoir contacté téléphoniquement le général Gilbert Diendéré quelques temps avant les tirs. Mais, appelé à la barre, le lieutenant Gilbert Diendéré, chef de la sécurité du Conseil de l’Entente à l’époque a déclaré que « je ne me souviens pas avoir communiqué avec Moussa Ganda (encore moins) le colonel Moussa Diallo ». Pour couper court à la position tranchée de chacun, lui et Diendéré, sur cette question, il a demandé au Tribunal de rentrer en contacter avec le nigérien Moussa Ganda qui est à Niamey pour savoir si c’est l’accusé ou le témoin qui dit la vérité.
A la suite du témoignage de Moussa Diallo, l’ancien correspondant de RFI et le Figaro pour l’Afrique subsaharienne, aussi l’agence Reuters, le journaliste Stephen Smith, a également fait sa déposition depuis les Etats-Unis par visioconférence. Ce témoin a laissé entendre qu’il a rencontré le président, Thomas Sankara, 24 ou 48H avant le coup d’Etat du 15 octobre 1987. Il a affirmé que Thomas Sankara lui avait fait part de la tension qui existait dans le pays et lui a demandé de « soutenir » la Révolution car il était « un ami du Burkina ». Stephen Smith a estimé que Blaise Compaoré, « très taciturne », était le contraire de Sankara qui était « jovial, taquin et ouvert ».
M Smith dit avoir été déçu que le camp de Blaise Compaoré, après avoir perpétré le coup d’Etat, veuille trouver de « l’équivalence » pour justifier leur action en évoquant un complot que son ami, Thomas Sankara projetait de réaliser le même 15 octobre pour les anéantir.
Après la déposition de Stephen Smith qui a montré sa satisfaction de voir le jugement du dossier Sankara être une réalité, le Tribunal a commencé la présentation des pièces à conviction. Il a été diffusé l’audio impliquant Pascal Tondé Ninda dit « Maang Naaba », accusé de subornation de témoin. Ce dernier est le chauffeur du général Gilbert Diendéré. Le parquet militaire le poursuit pour avoir voulu demander au témoin Abdrahamane Zétiyenga de faire un faux témoignage pour favoriser le général Gilbert Diendéré.
Me Ollo Larousse Hien, avocat de Tondé Ninda, a relevé que « nulle part dans l’audio, il ne ressort quelque part que le général Diendéré a dit de venir dire à Zétiyenga de faire un faux témoignage ». Le parquet militaire reviendra à la charge pour dire que par deux fois, l’accusé Tondé Ninda a été confronté au général Diendéré et « il a dit que le général qui l’a envoyé chez Zétiyenga ». « Ce n’est qu’à la troisième confrontation que le général Diendéré a dit qu’il a dû utiliser son nom et depuis ce jour, il ne fait que répéter cela », a ajouté le parquet militaire. A sa suite, le général Gilbert Diendéré depuis sa chaise a demandé la parole pour répliquer qu’il « n’a jamais été confronté à Tondé Ninda ».
La partie civile a suggéré au Tribunal, vu que souvent les deux interlocuteurs parlaient en langue locale Mooré, qu’on puisse retranscrire toute l’audio et le verser dans le dossier. Cela pourrait aider les différentes parties lors des plaidoiries, a signifié Me Oliver Badolo, auteur de la demande qui a précisé que cette retranscription doit être faite par un greffier assermenté.
Le procès reprendra demain mercredi avec l’interrogatoire de deux experts. Cette phase sera suivie par la projection de la vidéo de la reconstitution des faits du coup d’Etat du 15 octobre 1987.
Par Bernard BOUGOUM