L’ex-ministre des Sports sous la Révolution burkinabè, le pharmacien militaire, Abdoul Salam Kaboré, a déclaré le jeudi 23 décembre 2021 à la barre du Tribunal militaire, en tant que témoin dans le dossier de l’assassinat du président du Faso, Thomas Sankara et de ses douze camarades le 15 octobre 1987, que « le véritable maître de l’Armée » au moment du drame « était Blaise Compaoré », le numéro 2 du Conseil national de la Révolution (CNR). Plusieurs dépositions de témoins ont été lues à l’audience. Les auditions de ce dossier reprendront le 4 janvier 2022.
Après avoir pris la décision de lire les dépositions des témoins physiquement absents, le Tribunal militaire a commencé par la lecture du procès-verbal du pharmacien militaire, Abdoul Salam Kaboré, un fidèle du président Thomas Sankara sous l’avènement du Conseil national de la Révolution (CNR).
Pour ce témoin, sans nul doute, les exécutants des tueries du 15 octobre 1987 étaient des éléments du Centre national d’entraînement commando (CNEC) et Blaise Compaoré, ministre de la Justice sous le CNR, en était le commanditaire. Le témoin, à maintes reprises, a expliqué que Blaise Compaoré, bien que ce soit son ami Thomas Sankara qui l’a intégré au mouvement révolutionnaire, voulait coûte que coûte le pouvoir et il avait des soutiens notamment à l’extérieur que sont la France de Jacques Chirac, la Côte d’Ivoire de Houphouët Boigny et le Congo Brazzaville de Dénis Sassou N’Guesso. Dans ses PV d’audition devant le juge d’instruction, Abdoul Salam Kaboré est revenu sur la genèse de la Révolution d’août 1983, montrant clairement que Blaise Compaoré a rejoint le mouvement qui était déjà en cours.
Celui qui était le responsable du service populaire de la construction de la patrie à l’époque, a soulevé plusieurs raisons qui ont favorisé le drame du 15 octobre 1987. Abdoul Salam Kaboré cite par exemple le choix de la femme de Blaise Compaoré qui ne convenait pas au leader du CNR, le capitaine Noël Isidore Thomas Sankara qui le lui aurait même fait savoir. Abdoul Salam Kaboré a expliqué qu’étant des révolutionnaires, eux ils passaient le temps à fustiger tous les amis des impérialistes de la sous région, principalement Houphouët Boigny, et donc, vu que Blaise Compaoré voulait marier une demoiselle de la famille du président ivoirien, cela était gênant.
Selon le témoin, une deuxième raison phare était la rigueur dont Sankara avait fait sa marque déposée. Cela a fini par faire douter bon nombre de révolutionnaires en son temps qui criaient qu’ils étaient peu récompensés. « Les camarades se lassaient de n’avoir pas davantage », a-t-il dit dans sa déposition devant le juge d’instruction, François Yaméogo. « Les gens étaient excédés de la rigueur imprimée par Thomas Sankara », a-t-il ajouté, soutenant que de ce fait, ils allaient se confier à Blaise Compaoré qui était moins rigide et « par faiblesse, les écoutait ».
L’ancien ministre des Sports dit avoir été embastillé au Conseil de l’Entente quand il n’a pas fait allégeance aux nouvelles autorités pendant huit mois et son geôlier était le général Gilbert Diendéré, lieutenant au moment des faits.
Le PV d’un autre témoin, le sociologue de formation, Issoufou Diawara, a été lu. Cet ex-membre du Parti Africain pour l’Indépendance, PAI-Sénégal où il y a fait ses études universitaires, a indiqué que Blaise Compaoré était avide du pouvoir. A en croire ce témoin, l’ancien président du Faso, Blaise Compaoré, depuis l’avènement du CNR guettait le pouvoir. « Blaise Compaoré a tenté par deux fois lors de l’organisation de manifestations à Bobo-Dioulasso d’attenter à la vie de Thomas Sankara », a-t-il dit au juge d’instruction.
Le PV de Amado Yoni, un ancien archiviste-documentaliste qui fréquentait le Conseil de l’Entente et de ses pensionnaires, a été livré au public de l’audience. Ce témoin a indiqué qu’il n’a pas été témoin oculaire des faits du coup d’Etat du 15 octobre 1987 mais pense avoir entendu beaucoup de choses qui pourraient aider à la manifestation de la vérité dans cette affaire où 14 personnes sont accusées.
Amado Yoni dit avoir appris que l’accusé Bossobè Traoré, blessé au bras droit, pendant l’action au Conseil de l’Entente, a été épargné parce qu’il était l’ami de Nabié Nsoni, l’un des assaillants. Selon toujours ce témoin, des exécutants de la fusillade ont confié qu’ils ont mis le lieutenant Gilbert Diendéré, chef du Conseil de l’Entente au moment du drame, devant le fait accompli parce qu’il était de la même localité (Yako) que le président Thomas Sankara.
Le procès reprendra le 4 janvier 2022 avec toujours la lecture d’une dizaine de PV de témoins, a indiqué le Tribunal militaire.
Par Bernard BOUGOUM