Le regretté Valère Dieudonné Somé, l’un des acteurs majeurs de la Révolution d’août 1983, dans son Procès-Verbal (PV) d’audition faite devant le juge d’instruction a déclaré que l’ex-président de l’Assemblée burkinabè, Salifou Diallo, ex-homme de main de l’ancien président Blaise Compaoré, «est au centre de ce qui s’est passé le 15 octobre 1987», fusillade au cours de laquelle le chef de l’Etat, le capitaine Noël Isidore Thomas Sankara et 12 de ses collaborateurs ont été froidement abattus au Conseil de l’Entente, le QG de la Révolution. Le PV du témoin décédé le 30 mai 2017 en France a été lu le mercredi 5 janvier 2022 à la barre du Tribunal militaire.
Selon le PV de Valère, le témoin a éclaté en sanglots quand on lui a demandé ce qu’il savait des évènements du 15 octobre 1987. Après s’être ressaisi, il a dit pour commencer que «je ne cache pas, j’étais proche de Thomas Sankara», père de la Révolution burkinabè. Valère était avec l’ancien président Thomas Sankara dans la matinée du 15 octobre 1987 quand il rédigeait un discours qu’il devait lire à 20H à l’occasion d’un rassemblement où le chef de l’Etat devait annoncer la fusion des organisations politiques civiles pour former l’Organisation militaire révolutionnaire (OMR).
L’ambition de Sankara, a-t-il expliqué, était de parvenir à constituer un seul et très grand parti politique qui devait par la suite prendre le relai et diriger le pays après l’action des militaires. Il devait être aussi de l’avis du témoin, à ce rendez-vous, moment de réconciliation au vu des divergences que la Révolution traversait.
Pour Valère Somé, «c’est clair ». Le ministre de la Justice au moment des faits, le numéro 2 de la révolution d’août 1983, le capitaine «Blaise Compaoré voulait coûte que coûte le pouvoir. Blaise Compaoré est au courant de tout. C’est lui qui a organisé le coup d’Etat» sanglant, lit-on dans le PV du témoin.
Pour M. Somé, au niveau politique, la question de l’unification n’était pas du goût de certains et était un problème puisque qu’il y avait des partis fidèles à Thomas Sankara et d’autres fidèles à Blaise Compaoré qui lui «n’en voulait pas du tout». Pour cette question, «j’avais eu l’occasion de dire à Blaise Compaoré que son entourage était pourri», a affirmé le témoin. De ses dires, les tensions ont été exacerbées entre les deux leaders de la Révolution par les alliés politiques dont Salifou Diallo était le chef de ceux fidèles à Blaise Compaoré.
C’est dans cette lancée qu’il a laissé entendre dans son PV que «Salifou Diallo est au centre de ce qui s’est passé le 15 octobre 1987», un moment tragique au cours duquel des éléments de la garde rapprochée de Blaise Compaoré ont tiré à bout portant sur le président Thomas Sankara. Il a signifié que le discours lu par Blaise Compaoré le 19 octobre 1987, soit quatre jours après l’évènement tragique, a été rédigé, par le professeur Etienne Traoré et le diplomate Ismaël Diallo, tous deux des témoins dans ce dossier. Pour le témoin, ceux qui ont écrit le discours sont «purement méchants» quand ils ont dit dans le texte que Thomas Sankara est un «renégat et un divisionniste».
Le témoin a dit devant le juge d’instruction du dossier historique que lors de la rencontre à Tenkodogo le 2 octobre 1987 pour la célébration du quatrième anniversaire du (DOP), Discours d’orientation politique, le camp de Blaise Compaoré avait planifié un coup pour tuer le président Sankara. «A Tenkodogo, Thomas Sankara a été exfiltré» pour son retour, a-t-il dit au juge d’instruction.
Sur le plan des alliances, le témoin a indiqué dans son PV que les anciennes autorités politiques sous Blaise Compaoré que sont Luc Adolphe Tiao, Béatrice Damiba, Baba Hama et Gabriel Tamini ont rendu la vie difficile à Sankara. Il a également souligné à plusieurs reprises que les frères Palm, Ardiouma Mory Jean-Pierre et Domba Jean-Marc, sont «coupables» de la mort du père de la Révolution burkinabè vu le rôle de soutien qu’ils ont joué aux côtés de Blaise Compaoré.
Le témoin dans ses déclarations a insisté que c’est la boulimie du pouvoir que Blaise Compaoré ne cachait pas qui l’a poussé à tuer Thomas Sankara.
Par Bernard BOUGOUM