Le procès du dossier de l’assassinat de l’ancien président Thomas Sankara et de ses douze collaborateurs, tués le 15 octobre 1987 a été suspendu le 12 janvier 2022 après la diffusion de la vidéo de la reconstitution des faits et la présentation des pièces à conviction. Le jugement va entrer dans une autre phase le 24 janvier prochain puisque la Chambre de jugement du Tribunal militaire a signifié que la suspension de procès visait à permettre aux différentes parties prenantes dans cette affaire emblématique, à mieux se préparer, pour les plaidoiries qui vont débuter à la reprise le lundi.
A l’audience du 12 janvier 2022, on peut retenir, entre autres, du rapport des trois experts commis sur le dossier, qui avaient pour mission de réaliser l’autopsie sur les restes des corps des victimes et de rechercher les projectiles utilisés lors de la fusillade et l’analyse des tests ADN, que trois catégories de munitions ont été utilisées. Selon toujours ces experts, les soldats du commando qui est passé en action au QG de la Révolution ont utilisé des kalachnikov, des HK G3 et un pistolet mitrailleur.
Après la présentation des pièces à conviction à la dernière audience du jugement de l’affaire Thomas Sankara et douze autres personnes, tour à tour et par ordre, les avocats de la partie civile, le parquet militaire et les Conseils des 14 accusés dont l’ex-président Blaise Compaoré, absent à ce procès, et son homme de main, le général Gilbert Diendéré, prendront la parole pour plaider.
A la suite des différentes phases des interrogatoires des accusés et des témoins, chaque partie est campée sur sa position. Les différentes déclarations de la partie civile ou de la défense se rejoignent n’ont pas véritablement évoluées. Pour les avocats de la défense, la tuerie du 15 octobre 1987 est l’aboutissement d’une tension que des éléments militaires et civils ont nourri. Cette tension, selon eux, qui avait atteint son paroxysme, a poussé des éléments, notamment la garde personnelle de sécurité du capitaine Blaise Compaoré à l’époque, ministre de la Justice, à passer à l’action. Ce serait ce qui a malheureusement dégénéré et donné le décompte macabre des 13 personnes froidement abattues à la base de la Révolution d’août 1983.
A contrario, de la conviction de la partie civile et du parquet militaire, le coup d’Etat du 15 octobre 1987 a bel et bien été «minutieusement préparé » par le camp de Blaise Compaoré. Selon ces deux parties qui s’appuient surtout sur les différents témoignages, le capitaine Blaise Compaoré était la tête pensante du putsch qui a eu lieu au Conseil de l’Entente.
Pour eux, il est clair que Blaise Compaoré est le cerveau de l’affaire et que le général Gilbert Diendéré était chargé de superviser l’action. Les exécutants eux sont les éléments de la garde de sécurité de l’ancien ministre de la Justice sous la Révolution, Blaise Compaoré. Parmi les exécutants, quatre noms reviennent régulièrement dans les témoignages à savoir le caporal Hyacinthe Kafando, chef de la garde de sécurité de Blaise Compaoré ayant conduit le commando, les soldats Nabié Nsoni, Ouédraogo Arzouma dit « Otis » ou encore « Papa Wemba », celui chez qui s’est finalement retrouvée la bague du président Sankara après sa mort, et Maïga Paté Amidou, le chauffeur de Blaise Compaoré.
Accusé d’« attentat à la sureté de l’Etat, complicité d’assassinat, recel de cadavres et subornation de témoins », le général Gilbert Diendéré qui a plaidé « non coupable » à la barre du Tribunal militaire, a insisté qu’il a été mis devant le fait accompli et a essayé de parer au plus pressé.
Après 34 ans d’attente, les parents des victimes sont proches de connaître la vérité devrait-on être à mesure de dire mais le dossier reste toujours énigmatique ou flou. Si pour les uns, le Tribunal n’est pas parvenu à éclaircir cette affaire, pour certains, ce sont les accusés qui sont à blâmer car de mauvaise foi. Ils n’ont pas accepté dire la vérité. Les différentes déclarations des témoignages ont plus expliqué ou confirmé la « tension ou mésentente » qui existait entre le président Thomas Sankara et son ami, le capitaine Blaise Compaoré.
Ouvert le lundi 11 octobre 2021 devant le Tribunal militaire de Ouagadougou, le procès de l’assassinat de l’ex-président Thomas Sankara, le panafricain plébiscité partout dans le monde du fait de la clarté et l’importance de ses idées, a suscité de fortes attentes au sein de l’opinion publique et de certaines organisations de la société civile tant au niveau national qu’international.
Par Bernard BOUGOUM