Me Bénéwendé Sankara, l’un des avocats de la famille de Thomas Sankara, a relevé, le jeudi 7 avril 2022, face à la presse à Ouagadougou, que l’accusé Gilbert Diendéré a eu «une attitude d’arrogance tout au long du procès» qui a duré six mois.
«Quand il est rentré dans la salle (le mercredi 6 avril 2022), ce qui m’a frappé c’est qu’il a utilisé un public qui était là comme des militants venus à un meeting», a déclaré Me Bénéwendé Sankara qui soutient que «pour quelqu’un dont le parquet a déjà requis 30 ans de prison, amuser la galerie dans ce contexte, c’est manquer de sérénité».
Après le verdict, face à ses supporteurs qui l’acclamaient, il a «baissé la vitre du véhicule pour brandir le poing», une attitude que les avocats des parties civiles n’ont pas apprécié.
«L’image que j’ai vue, il a même défié les gardes de sécurité qui l’accompagnent, puisqu’il a baissé la vitre pour brandir le poing à ses militants. C’est la même attitude d’arrogance qu’il a eue durant tout le procès», a poursuivi Me Sankara qui se demande «d’où il tire cette arrogance et pourquoi il est si arrogant devant un Tribunal qui le juge pour des crimes véritablement odieux».
Pour lui, Gilbert Diendéré «aurait pu avoir l’humilité au moins de contribuer à la manifestation de la vérité», notant que l’image qui circule «n’est pas à son honneur».
Me Prosper Farama dit comprendre l’attitude des admirateurs de Diendéré. «Je n’ai aucun problème avec ses admirateurs. C’est leur droit de soutenir leur parent, leur ami…». «Mais le seul bémol c’est la forme», a-t-il soutenu.
Pour lui, ce qui est gênant c’est le comportement du général Diendéré. «Ça me gêne parce que quand je l’ai entendu au procès dire qu’il présentait ses condoléances à la famille (de Thomas Sankara), qu’il était meurtri par ces crimes et quand j’ai vu son attitude à la fin, je me suis dit qu’il y a une hypocrisie parce que je n’ai jamais cru en sa sincérité», s’est-il expliqué.
«En réalité il n’a même pas eu la moindre pudeur. Je ne parlerai même pas de décence pour les familles. On parle quand même d’assassinat de 13 personnes, de 13 de ses anciens camarades. Quel que soit ce qui a pu avoir entre eux, aujourd’hui ce qu’elles prônent c’est la réconciliation», a laissé entendre Me Farama.
Pour lui, l’accusé Gilbert Diendéré laisse entrevoir «une attitude de défiance, de manque de pudeur, de décence et de respect».
«Il a le droit de se prendre pour un héro, mais moi (…) je m’attendais à un peu plus de pudeur, de dignité, même s’il a été condamné à vie parce que la vie ne s’arrête pas à la condamnation», a-t-il poursuivi.
Un verdict qui mène vers la réconciliation ?
Vu cette attitude, Me Prosper Farama se demande si «on peut parler de réconciliation, de grâce (…) à quelqu’un qui n’a jamais demandé pardon, qui ne s’est jamais repenti». «Il me semble (…) qu’on reconnait le pardon à quelqu’un qui fait office de repentance quand même. Mais quelqu’un qui ne se repenti pas, qui ne reconnait pas sa faute, qui ne demande pas pardon c’est quel pardon on peut lui accorder ?», a signifié Me Farama.
«Pour moi il n’y a pas de question de réconciliation ici qui est posée. C’est une question de justice. La justice a rendu son verdict. Qui est en guerre contre qui ? Quand on perd le pouvoir ce n’est pas une guerre nationale, quand on a assassiné quelqu’un ce n’est pas une guerre nationale, donc je ne vois pas pourquoi on parle de réconciliation», a-t-il dit souhaitant que même si on doit accorder la grâce présidentielle, que cela soit fait dans les règles de l’art.
«Si Blaise Compaoré ou Diendéré sont des citoyens comme tous les autres, s’il a droit à une grâce ou à une amnistie ou à quoi d’autre que ça soit juridiquement, moi je n’ai rien contre, mais que ce soit fait dans les règles de l’art. C’est-à-dire que les conditions qu’on utilise pour gracier le dernier des Burkinabè, c’est les mêmes conditions qu’on doit appliquer à Blaise Compaoré et à Gilbert Diendéré», a-t-il renchéri ne souhaitant pas qu’il y ait de privilèges pour qui que ce soit.
Quant à Me Bénéwendé Sankara, «si le procès Thomas Sankara, avec la décision qui a été rendue, est un pas vers la vérité et la justice, naturellement c’est un pas vers la réconciliation nationale».
Parlant de la grâce présidentielle, il a fait savoir qu’elle est une mesure politique et c’est une prérogative du chef de l’Etat. «Je me dis qu’une grâce présidentielle doit tenir compte également de la volonté du peuple sinon ça risque aussi d’entrainer d’autres problèmes», a-t-il conclu.
Par Daouda ZONGO