Le colonel-major Sibidou Léonard Gambo a déposé, le mercredi 8 décembre 2021, devant la barre du Tribunal militaire, ce qu’il a vu et entendu du coup d’Etat du 15 octobre 1987, dans le dossier de l’assassinat de l’ancien président Noël Isidore Thomas Sankara et de ses douze compagnons. A en croire ce témoin, lieutenant au moment des faits, chef de la première unité de la Brigade d’Intervention Rapide (BIR) qui a conduit des hommes pour aller mater les éléments de la Brigade Inter Armes (BIA) de Boukary Kaboré dit « Le Lion » à Koudougou qui opposait une certaine aux nouvelles autorités, « il n’y a pas eu de morts lors des combats » à l’entrée de la ville.
Le colonel-major est le 34e témoin à être appelé à la barre de la première Chambre de jugement ce mercredi. Selon ce témoin, il avait demandé une autorisation d’absence avec son chef, le lieutenant Gilbert Diendéré à l’époque, qui le lui avait accordé. Mais, il n’avait pas pu bouger et se retrouvait au Conseil le jeudi 15 octobre 1987, date fatidique de l’assassinat du père de la Révolution burkinabè et de douze autres.
Répondant à une question sur sa mission à Koudougou pour mater la résistance de la BIA, il a affirmé qu' »il n’y a pas de mort parmi ses hommes. Il n’y a pas eu de mort lors des combats » parce qu' »il n’y a pas eu de grande résistance de la BIA », a déclaré le colonel-major Gambo.
Pendant qu’il était dans son bureau pour préparer un cours puisqu’il donnait des enseignements à la Force d’intervention du ministère de l’Administration territoriale et de la Sécurité (FIMATS), il recevra un coup de file de son chef, le lieutenant Gilbert Diendéré qui voulait avoir sa position parce qu’il voulait lui parler. Après quelques temps d’impatience, il a rappelé le général Diendéré qui a dit qu’il arrive. Quelques temps après cette conversation, il a entendu les coups de feu et donc il est descendu de son bureau pour vouloir chercher à comprendre et dans son empressement il a dépassé son chef Diendéré qui l’a interpellé et lui a dit de rassembler ses hommes et les mettre en alerte parce que l’ETIR (Escadron de transport et d’intervention rapide) voulait venir les attaquer.
Sur ce, il est parti chez lui à Wemtenga pour porter une tenue militaire car il était habillé en survêtement vu que jeudi c’était jour de sports de masse, avant de revenir pour mobiliser ses éléments et rester en veille jusqu’au lendemain du 16 octobre 1987.
Les avocats de la partie civile sont revenus à la charge sur le fait que le lieutenant Gilbert Diendéré n’avait pas riposté ou même sanctionné les éléments dit incontrôlés qui a avait commis le drame. En termes militaires, « quand il y a un incident et que le chef constate où est mis au courant, quelle est la conduite à tenir? », a interrogé Me Prosper Farama. Selon le témoin, à la suite d’un incident ou d’une faute commise et assumée, on applique le règlement militaire qui demande que « la Gendarmerie vienne faire un constat pour engager une procédure judiciaire afin que la hiérarchie prenne des sanctions » qui s’imposent.
Me Farama est également revenu sur l’inaction ou la passivité du piquet d’intervention du Conseil de l’Entente qui n’a pas pu réagir face à l’événement dramatique. Voulant savoir le rôle du piquet en de pareilles circonstances, le colonel-major Sibidou Léonard Gambo a expliqué que vu l’effet de surprise, le piquet ne pouvait pas intervenir. Pour lui d’ailleurs, le piquet est mis en place pour des interventions à l’extérieur du QG de la Révolution burkinabè.
« Il faut des instructions pour que le piquet d’intervention agisse. On ne tire pas parce qu’on a entendu tirer », a-t-il soutenu. Me Farama n’ayant pas eu gain de cause et n’étant pas satisfait de la réponse du témoin a conclu que le « piquet d’intervention du Conseil de l’Entente ne sert à rien (sinon) à courir quand il y a des tirs ».
Me Guy Hervé Kam, aussi avocat de la partie est revenue à la charge sur la même question. « Si on tire sur le piquet qu’est-ce qu’elle doit faire », a-t-il lancé au témoin. « Quand on tire sur le piquet, il va réagir. Ça s’appelle de la réaction », a répliqué le colonel-major qui semble agacé par les quelques questions des Conseils des victimes.
Par Bernard BOUGOUM