Le procès l’assassinat de l’ex-président burkinabè Thomas Sankara et de ses douze compagnons a repris, ce mardi 22 mars 2022, après une vingtaine de jours de suspension. Au cours de l’audience de ce jour, les avocats de la défense ont relevé le « manque de preuve matérielle » dans ce jugement. Les conseils des accusés qui ont commencé les plaidoiries suivront un ordre de passage établi, communiqué à toutes les parties au procès.
Après avoir été suspendu le 3 mars 2022, à la suite des recours en inconstitutionnalité de certains avocats de la défense, le jugement a repris ce mardi 22 mars, quatre jours après la décision du Conseil constitutionnel qui a rejeté leurs requêtes jugées « mal fondées ».
Le premier à prendre la parole, est Me Mathieu Somé qui a campé le décor de ce qui sera la posture de la défense au cours de ses plaidoiries. Il a d’abord rendu hommage au défunt président Thomas Sankara et toutes les victimes du coup d’Etat du 15 octobre 1987 avant de faire son exposé.
Me Somé a rappelé le contexte dans lequel la partie poursuivante a monté le dossier et le judiciarisé. Vu les péripéties de la procédure du dossier qui a connu plusieurs blocages, faisant que l’affaire dure 34 ans maintenant, il s’est appesanti sur la prescription de l’action publique. Il a évoqué ainsi l’effritement des éléments de preuve dans ce jugement emblématique.
Pour lui, cela fait que si le tribunal militaire n’y prenne garde, le procès peut déboucher sur de « grosses erreurs ». A suivre cet avocat qui défend l’accusé Diendéré Gilbert, selon la loi nationale et internationale, cette affaire devait faire partie des « crimes prescriptibles » dont la durée maximale est de dix ans.
A sa suite, c’est son confrère cadet, Me Abdoul Latif Dabo qui a pris la parole pour examiner la question de l’intime conviction jugée très importante pour des jugements de ce genre. Mais avant, il a fait un développement pour montrer la tâche difficile qui est la leur dans un tel dossier où l’opinion a déjà sa vérité et fait sa justice.
« Les erreurs judiciaires proviennent en grande partie des témoignages », a déclaré en guise de prévention, Me Dabo, qui en a cité quelques exemples pour tenter d’édifier le tribunal et l’assistance. Pour connaître les bons ou faux témoignages, Me Dabo a préconisé de prendre en compte deux facteurs à savoir, « l’objet du témoignage et les aptitudes du témoin » parce que pour lui, « le plus grand nombre des témoignages n’est pas synonyme de vrais ou bons témoignages ». Il a fait noter que « les témoins se fient souvent aux représentations qu’ils ont déjà en tête ».
Le troisième avocat à plaider est Me Issiaka Ouattara, défenseur de l’accusé Alidou Diébré, poursuivi pour faux et faux en écriture. Il s’est appesanti sur la prescription de l’action publique et la matérialité des faits reprochés à son client pour démontrer son innocence dans cette affaire. Dans sa logique, à l’espèce, les faits reprochés à son client est « un délit et non un crime ».
Les Conseils de l’accusé Amado Kafando que sont Me Moumouny Kopiho et Me Aliou Diakité, ont, au cours de leurs plaidoiries, regretté le maintien de leur client dans cette affaire dans laquelle le ministère public a reconnu sa non implication dans le coup de force du 15 octobre 1987 et a requis l’acquittement à son égard.
Pour eux, « la respectabilité et l’honorabilité » de leur client a pris un coup car pour l’opinion, rien qu’à entendre le nom d’une personne citée dans cette affaire équivaut à sa culpabilité. C’est pourquoi, ils ont demandé au président du tribunal militaire de déclarer « acquitté » leur client qui « a subi beaucoup de préjudices morales ».
Quant à Me Mamadou Coulibaly qui défend l’accusé Belemlilga Albert Pascal, il a relevé qu' »aucun témoin ou co-accusé n’a remis en cause les déclarations » de son client qui les a « répétées trois fois » dans ce dossier. Me Coulibaly a démontré dans un rappel chronologique, des déclarations et témoignages que son client n’est pas coupable dans cette affaire. Il a été demandé qu’il plaise au tribunal de suivre la voie du parquet qui a requis l’acquittement contre Albert Pascal Belemlilga.
Par Bernard BOUGOUM