Le juge Urbain Méda, président de la Chambre de jugement du tribunal militaire, chargé de l’affaire Thomas Sankara et douze autres, a mis ce vendredi 25 mars 2022, le dossier en délibéré pour le 6 avril 2022, après la clôture des débats du procès emblématique concernant 14 accusés dont l’ex-président Blaise Compaoré et son ancien chef d’état major particulier, le général Gilbert Diendéré.
Ouvert le 11 octobre 2020, les débats entrant dans le cadre du procès de l’assassinat du père de la révolution burkinabè et de ses 12 collaborateurs le 15 octobre 1987 au Conseil de l’Entente a été clôt ce vendredi 25 mars 2022. Les parties prenantes au procès devront se réunir le 6 avril à 10H dans la salle des banquets de Ouaga 2000 aménagé pour accueillir l’événement pour les verdicts.
Dans la matinée, se sont Me Paul Kéré et Me Mathieu Somé, avocats de l’ex-chef de sécurité du Conseil de l’Entente, le lieutenant Gilbert Diendéré au moment des faits qui ont poursuivi les plaidoiries. Ils ont réitéré la demande de l’acquittement pour leur client pour infractions non constituées.
Me Mathieu Somé est revenu essentiellement sur deux incriminations qui pèsent sur son client, Gilbert Diendéré, à savoir l’attentat à la sureté de l’Etat et la complicité d’assassinat qui a été requalifiée par le parquet en « complicité d’assassinat par abstention ». Il est également revenu sur le contexte dans lequel les évènements se sont déroulés, avant d’invoquer des éléments juridiques pour soutenir l’innocence de son client.
Le dossier Thomas Sankara et douze autres « a été réouvert avec beaucoup de virus dans son corps », a lancé à la barre, Me Somé, pour qui, la fusillade s’est déroulée dans un contexte généralisé de « l’exaltation de la violence à tous les niveaux ». Il a, dans cet ordre d’idée, estimé que le commando qui a mené l’action « sentant leur vie menacée ont peut-être posé l’acte pour prendre les devants », puisqu’il y avait des rumeurs d’attaques entre le camp de Blaise Compaoré et celui de Thomas Sankara.
Me Somé a soulevé la prescription des faits et la nature du régime d’alors pour battre en brèche les arguments du parquet et de la partie civile. Selon ses propos, le Conseil national de la révolution (CNR) n’était pas légal, puisque la constitution du 3 décembre 1977 qui régissait la vie de la nation était suspendue.
Ce Conseil de l’accusé Diendéré Gilbert n’a pas aussi manqué de relever et de fustiger certains témoignages qui n’ont pas été à la hauteur des attentes des différentes parties pour la manifestation de la vérité dans cette affaire. « Des témoins n’ont pas été capables pour être à la hauteur contre les allégations », a-t-il dit, enchaînant que « chacun racontait ce qu’il n’a pas vu, ce qu’il ne connaissait pas ».
En matière pénale, la loi est d’interprétation stricte, a rappelé Me Somé, invitant la juridiction à tenir compte de la prescription des faits sur l’attentat et la complicité d’assassinat, qui disculpe son client. D’ailleurs, sur la dernière incrimination qui a été requalifiée par le parquet lors de ses réquisitions, l’avocat a affirmé avec force qu' »il n’y a pas une loi qui punie la complicité d’assassinat par abstention » car « il n’y a pas de base légale ».
Sur ce, il a demandé au juge de juger sereinement. « Sincèrement dit, je n’aimerais pas être à votre place » vu qu’on a tronqué la vision » de cette affaire.
Me Mathieu Somé a estimé que la justice classique « ne pourra pas résoudre » toutes les affaires juridiques en rapport avec les crimes de sang. C’est pourquoi il a conseillé de « trouver une alternative pour régler tous les problèmes et aller vers la réconciliation ».
Avant lui, c’est son confrère Me Paul Kéré qui a pris la parole. « J’ai regardé tous les témoignages mais rien. Sauf le témoin Abdrahamane Zétiyenga qui a essayé de baraguiner », a déclaré Me Paul Kéré, demandant « l’acquittement pur et simple » car le « dossier est vide ». « Ne jugez pas le général, juger le au moment des faits », a-t-il interpellé, ajoutant que le général Diendéré a eu la chance le jour du drame car « s’il était en tenue militaire, il aurait pu être tué » par les assaillants.
Me Kéré dit avoir une « confiance absolue » à la juridiction parce qu’elle a les « éléments concrets contrairement à l’opinion suppute ».
Par Bernard BOUGOUM