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Projet Fas’eau au Burkina: des défenseurs de droit à l’eau en ordre de bataille

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Le coordonnateur de IRC Burkina, Firmin Hilaire Dongobada

Des organisations de la société civile et des médias réunis en consortium, coordonnés par l’Organisation non gouvernemental IRC (Centre international pour l’eau et l’assainissement), entendent promouvoir les questions de droits à l’eau et à l’assainissement au Burkina. Le vendredi 19 janvier, cette alliance a lancé à Dédougou, dans la Boucle du Mouhoun, le projet Fas’eau. Quels sont les attributs de Fas’eau, les localités cibles pour sa mise œuvre ? Quelles sont les attentes de ce consortium vis-à-vis des autorités et de la population en vue de faciliter la mise en œuvre efficace et efficiente du projet Fas’eau ? Le coordonnateur de IRC Burkina, Firmin Hilaire Dongobada, dans cet entretien accordé à Wakat Séra, répond à ces préoccupations pour une meilleure compréhension du projet.

Wakat Séra : Qu’est-ce que le projet Fas’eau que vous avez lancé le vendredi 19 janvier 2018 à Dédougou ?

Firmin Hilaire Dongobada : Le projet Fas’eau est une initiative de 16 organisations parmi lesquelles il y a cinq organes de presse et 11 organisations de la société civile qui sont coordonnés par l’ONG IRC Burkina. L’objectif de ce projet est de promouvoir les droits humains à l’eau et à l’assainissement.

Ici au Burkina, on est habitué aux droits, à la liberté de la presse, à l’éducation et à la santé, entre autres, mais le droit à l’eau et à l’assainissement n’a pas encore atteint un niveau qui est bien connu de notre population. Pourtant, ce droit a été constitutionnalisé depuis novembre 2015.

Aujourd’hui, normalement, tout citoyen burkinabè quel que soit son lieu de résidence, doit pouvoir avoir accès aux services d’eau potable et d’assainissement. C’est sur cela que nous devons travailler maintenant pour que d’ici trois ans, cette notion soit très bien comprise par la population, qu’elle puisse effectivement revendiquer tout ce qui va avec, mais aussi à assurer les devoirs qui sont les leur, afin que ce droit soit effectif.

D’autre part, il faut dire que les instruments actuels qui permettent à l’Etat de pouvoir délivrer des services d’eau et d’assainissement ne prennent pas encore en compte  intégralement les questions de droits à l’eau et l’assainissement. C’est pour cela que nous devons travailler à ce que dorénavant les questions d’accès à l’eau et à l’assainissement soient prises en compte sous l’angle de l’approche fondée sur les droits humains. Ce sont les défis que nous poursuivons à travers les trois années de mise en œuvre du projet. Nous devons faire en sorte que tous les instruments du ministère de l’Eau et de l’Assainissement intègrent cette approche fondée sur les droits humains, notamment les principes et la valeur de solidarité, que nous avons intégrés, pour que les populations burkinabè puissent avoir accès à l’eau et à l’assainissement.

Est-ce à dire que les actions dans le cadre de ce projet seront limitées à des sensibilisations ?

Disons que les actions sont regroupées en deux types. Au niveau du ministère c’est de voir comment inscrire les principes du droit à l’eau et à l’assainissement dans les instruments. Voir quels sont les indicateurs qu’il faut formuler pour pouvoir suivre afin de savoir si les principes de l’approche fondée sur les droits humains y sont bien pris en compte. Il s’agit aussi de travailler à améliorer les questions de gouvernance, parce qu’aujourd’hui, plusieurs cadres de concertations sont mises en place, mais dans celle-ci la participation citoyenne est assez faible. Alors, comment on fait pour que les citoyens à travers leurs organisations soient plus pris en compte dans le processus de prise de décision dans le suivi de l’action publique. Nous devons aider aussi le ministère dans la communication sur le secteur par rapport au principe de transparence. Faire en sorte que, quand le ministère a des données, qu’elles soient communiquées de manière accessible aux populations, afin que celles-ci sachent quels sont les efforts qui sont faits pour que l’eau soit accessible.

D’autre part c’est de voir comment les autres institutions, notamment le ministère de la Justice, des Droits humains, intègrent le suivi du progrès en matière de droit à l’eau et à l’assainissement dans les documents qui sont produits périodiquement, entre autres, l’examen périodique universel qui est présenté chaque trois ans, à peu près, au niveau de la communauté internationale. Au niveau du parlement, c’est de voir comment on travaille avec les députés pour qu’ils puissent être des parties prenantes pour améliorer les allocations budgétaires par rapport à l’eau et à l’assainissement. Et comment faire pour que le gouvernement puisse consacrer le budget qu’il faut pour que le progrès soit effectif. Aussi, comment les parlementaires peuvent contribuer à ce que l’action du gouvernement en matière d’eau et d’assainissement intègre la question de droit à l’eau et à l’assainissement.

Enfin, il y a donc les citoyens sur lesquels on doit agir à travers les organisations de la société civile et les organes de presse qui sont membres de Fas’eau. En fait, c’est de voir comment on travaille pour que les questions de droits soient prises en compte dans les débats publics. Donc comment les médias vont communiquer sur les questions de droit à l’eau et à l’assainissement pour éveiller la conscience citoyenne. Travailler avec les OSC pour qu’elles puissent initier des actions de protection et de défense de droits humains sur le terrain. Toutes ces actions vont être menées sur le terrain afin que les citoyens soient beaucoup plus imprégnés de leurs droits et que ces droits puissent être revendiqués auprès des débiteurs d’obligation qui sont l’Etat et ses démembrements.

Quelles sont les localités cibles dans lesquelles vous comptez mettre en œuvre le projet Fas’eau ?

Le projet est mis en œuvre sur l’étendue du territoire national, mais avec un focus sur une zone pilote qui est constituée des communes de Dédougou et de Nouna dans la Boucle du Mouhoun. Dans ces deux communes des actions directes, en direction des populations et des organisations locales, vont être menées pour éveiller la conscience des citoyens. Les deux conseils municipaux vont être accompagnés dans la mise en œuvre des principes des droits humains, notamment, les questions de participations, d’équité et de transparence. Tout ça c’est en direction des deux communes que le travail va se faire pour voir comment on respecte les principes du droit à l’eau et à l’assainissement sur un territoire donné. Là, la direction régionale en charge de l’Eau et de l’Assainissement associée à celle des droits humains, à la responsabilité d’accompagner ces communes qui seront prises en compte. Tout ce qui sera fait dans la commune de Dédougou et de Nouna pourra servir de données pour que les organisations qui sont au niveau national puissent les porter à l’opinion nationale et qu’il y ait des débats qui se mènent pour qu’on puisse arriver à changer des choses au niveau des politiques publiques en matière d’eau et d’assainissement.

A combien s’élève le coût de la mise en œuvre de ce projet ?

Ce projet nous le démarrons avec une enveloppe budgétaire de 982 474 573 FCFA, financée à 98% par une subvention de la coopération danoise (DANIDA), soit 962 825 081 F CFA et les 2% par les membres de l’Alliance Fas’eau à travers son chef de file IRC (19 649 491 F CFA). Ce projet vient en fait s’insérer dans le plan quinquennal de l’Alliance Fas’eau qui avait été lancé en mai 2016 dont le coût est évalué à environ deux milliards de Franc CFA. Donc à travers la mission Fas’eau et le soutien de la coopération danoise, nous démarrons la mise en œuvre de ce plan quinquennal et nous espérons pouvoir mobiliser d’autres ressources pour continuer les actions qui sont inscrites dans ce plan.

Qu’est-ce qu’il vous faut pour faciliter la mise en œuvre de ce projet qui s’étend sur trois ans ?

Déjà il faut qu’on ait des répondants dans la zone, c’est-à-dire qu’il faut qu’il y ait des organisations locales de la société civile qui soient en capacité de pouvoir initier et mettre en œuvre des actions, puisque ce ne sont pas les OSC basées à Ouagadougou qui vont aller mener les actions sur le terrain. Idem pour les médias. Il faut que les médias locaux puissent être en capacité de pouvoir collaborer avec les acteurs du projet pour dérouler les actions sur le terrain.

Ensuite, on a besoin de la pleine collaboration des deux communes puisqu’elles sont les débiteurs d’obligation sur lesquels nous allons agir par rapport aux actions au plus près des populations. Donc nous aurons besoin de leur pleine collaboration. D’ailleurs je crois que le jour du lancement du projet, les deux maires ont témoigné de leur intérêt, de leur disponibilité à accompagner la mise en œuvre du projet. Nous pensons qu’à ce niveau ça devait bien se passer. Au niveau national, comme nous voulons agir sur les politiques publiques, il faut que nous ayons aussi une bonne disponibilité de la part des agents de l’Etat, notamment ceux du ministère de l’Eau et de l’Assainissement. On attend qu’ils soient plus collaboratifs afin qu’ensemble on puisse développer des instruments, des indicateurs qui permettent de faire le suivi de l’approche fondée sur les droits humains dans les différentes politiques publiques.

Un mot à l’endroit de la population de la Boucle du Mouhoun ?

Oui. Ce que je dirai c’est qu’aujourd’hui l’eau est un droit, ce qui veut dire que toutes les populations où qu’elles se trouvent ont le droit de réclamer auprès des débiteurs d’obligation que nous avons tous mis en place, que le service soit fourni. Ça c’est quelque chose qui est un acquis mais au-delà de cela il faut qu’on travaille aussi sur la participation citoyenne parce qu’en tant que citoyens ils doivent aussi assumer leur part de responsabilité. Donc assurer leur devoir qui permet à l’autorité publique de disposer des moyens et des ressources nécessaires pour pouvoir réaliser progressivement leurs droits. Donc on ne va pas tout de suite commencer à revendiquer, c’est une construction citoyenne, il faut que chacun joue sa partition pour que d’ici à 2020 on ait des retours d’expérience concrète pour passer à l’échelle par rapport à la question de droits à l’eau et à l’assainissement.

Extrait de l’entretien en vidéo

Par Daouda ZONGO