Le 16 septembre 2015, des éléments de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP) ont pris le pouvoir qui était dirigé par le diplomate Michel Kafando, par la force et ont mis en place le Conseil national pour la démocratie (CND) avec à sa tête le général Gilbert Diendéré, ex-chef d’état-major particulier à la présidence sous Blaise Compaoré. La Chambre de jugement du tribunal militaire en charge de juger le dossier du putsch, a appelé devant elle ce lundi 27 août 2018, le lieutenant Bouriema Zagré, celui-là qui avait été, au préalable, désigné pour lire le communiqué du CND. Dans sa déposition, il a confié qu’au moment des faits il a été au Togo cherché du matériel de maintien d’ordre sollicité par la police et la gendarmerie.
Le lieutenant Zagré déployé au Mali pour une mission onusienne était rentré au Burkina car bénéficiant d’une permission allant du 7 au 28 septembre 2015. Une période que lui-même avait déterminé dans sa demande de permission courant mars 2015. C’est «de façon fortuite» qu’il aurait été au camp le jour du coup d’Etat. «Je me suis rendu au camp vers 16h et j’ai appris qu’il y avait un rassemblement. Peu après le général (Gilbert Diendéré) est venu demander à parler aux officiers. Il nous a dit que le Conseil des ministres a été interrompu et que les autorités étaient gardées à la présidence», a déclaré l’accusé, notant que le général leur a dit «qu’il va rencontrer les chefs militaires au ministère de la Défense» et leur a «demandé de rester auprès des hommes».
Le lieutenant Zagré qui est accusé de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures et incitation à commettre des actes contraires à la discipline militaire, a, dès le début de son audition, nié les faits à lui reprochés.
Le soldat onusien en permission au pays des Hommes intègres dit avoir été désigné le 17 septembre 2015, dans la soirée, pour se rendre au Togo pour récupérer du matériel de maintien d’ordre. «Je suis allé à la frontière à Cinkansé avec neuf personnes. J’ai visé l’ordre de mission à la gendarmerie et j’ai traversé la frontière avec le chauffeur. Mon contact au Togo était le capitaine Piasso, un gendarme togolais», a affirmé le lieutenant Boureima Zagré.
Selon cet inculpé, ils ont effectué cette mission en tenue militaire terre du Burkina jusqu’à la frontière avant de poursuivre le chemin en tenue civile. Ils sont revenus à Ouagadougou le 18 septembre 2015 soir avec, entre autres, des fusils anti-émeute et des grenades. Du matériel qui aurait été remis à la police et la gendarmerie, après signature de décharges. «Je ne sais pas si elles ont utilisé le matériel ou pas», a-t-il dit.
Cet officier militaire qui dit être venu dans l’armée (2009) «pour défendre le pays et non pour être au service d’un individu», a effectué trois missions au moment des faits. Il s’agit de la mission du Togo, celle de la Place de la Nation (le 20 septembre 2015) qui consistait à «empêcher tout rassemblement» et celle de Yimdi. Pour ce qui est de la mission de Yimdi, il était question, selon l’accusé, de faire évacuer un deux de leurs éléments dont l’un blessé et l’autre tué à la suite d’une attaque du poste de garde de la poudrière. «Arrivée, on m’a appelé pour me dire de rester pour organiser la défense car on ne savait pas si ceux qui ont attaqué reviendront ou pas», a laissé entendre le lieutenant Zagré qui y est resté du 21 au 23 septembre 2015.
Pour ce militaire, les missions qu’il a eu à effectuer au cours des événements n’ont rien d’illégal car il a reçu les ordres du chef de corps du RSP, Aziz Korogho. Il dit avoir fait ces missions pour contribuer à l’apaisement. «Aucune des missions que j’ai effectuées ne visaient à renverser l’ordre», a-t-il signifié.
Le parquet et la partie civile ont soutenu que les arguments avancés par l’inculpé «ne tiennent pas». Pour Me Séraphin Somé de la partie civile, le lieutenant Zagré relevait en son temps de l’Organisation des Nations unies et particulièrement du Bataillon Badenya 3 et il ne pouvait recevoir d’ordre que de cette organisation. «C’est un sujet particulièrement brillant mais malheureusement avec lui j’ai très peur», a soutenu Me Somé qui note que «cet accusé est un monstre froid».
«Si j’étais un monstre le bilan n’allait pas été de 13 morts», a réagi l’accusé à la suite des propos de Me Somé.
L’audience a été suspendue à 17h03. L’audition du lieutenant Boureima Zagré se poursuivra demain mardi 28 août 2018.
Avant le lieutenant Zagré, c’est le Sergent Souleymane Koné qui était à la barre. Cet accusé est poursuivi pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures. Il a nié les faits mais reconnait avoir été embarqué par un sergent-chef pour aller renforcer un poste au palais présidentiel. Il a soutenu n’avoir pas eu à effectuer des patrouilles en ville.
Par Daouda ZONGO