A l’audience de ce samedi 1er septembre 2018, deux accusés ont été auditionnés devant la Chambre de jugement de la justice militaire en charge du dossier du putsch du 16 septembre 2015 au Burkina. Il s’agit du soldat de première classe Issaka Ouédraogo et l’adjudant-chef-major Moutian Koumbian, le chef de la cellule d’accompagnement de la sécurité du président de la transition Michel Kafando. Ce dernier à qui la sécurité physique du chef de l’Etat incombait a soutenu à la barre qu’il n’a pas «pris le risque d’organiser une résistance» car le rapport de force n’était pas en sa faveur.
Le chef de la cellule d’accompagnement de la sécurité du président Kafando, 49 ans au moment des faits, a confié que le 16 septembre 2015, autour de 13h (GMT), de sa salle de repos il a entendu des propos menaçants et il a tenté de savoir ce qui se passait mais de là où il était, il n’a pas pu voir quelque chose. C’est en cherchant à avoir des informations qu’il a vu «le sergent Kam» qui lui a signifié qu’ils ont été «désarmés et mis à plat-ventre», notant qu’ils ont enlevé le président et le Premier ministre, sans dire de qui il s’agit.
«J’ai essayé de voir le rapport de force pour savoir ce que j’allais faire», a affirmé l’adjudant-chef-major Koumbia, déclarant qu’il n’a pas «organiser la résistance» car il était «en position de faiblesse».
Après l’information du sergent Kam, il aurait reçu l’appel du lieutenant Abdoul Kadri Dianda et du capitaine Abdoulaye Dao qui cherchaient à savoir ce qui se passait, et par la suite un appel de l’adjudant-chef-major qui lui aurait dit qu’il enverrait quelqu’un le chercher.
«C’est Adama Diallo qui est venu me chercher et on est allé au palais. C’est là-bas que j’ai su que le président y était gardé», a-t-il relaté, confiant que l’adjudant-chef-major Badiel lui aurait dit de se «calmer». «J’avais l’intention de fuir mais comme il y avait mes éléments, je ne pouvais pas fuir les laisser. Raison pour laquelle je suis resté par crainte jusqu’au 29 septembre 2015», a-t-il poursuivi.
Le 17 septembre 2015 dans la soirée, il aurait préparé l’escorte du président Michel Kafando pour l’amener à sa résidence, sous les ordres du capitaine Dao. C’est dans cette même nuit qu’il aurait été choisi pour assurer la sécurité du président sénégalais Macky Sall.
Il reconnait avoir participé à un rassemblement où le général Gilbert Diendéré aurait dit aux éléments de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP) «de rester toujours soudés quel que soit la situation». Il a confié également que le RSP a reçu des gâteaux de la part d’une association des femmes qui leur a marqué son soutien.
L’adjudant-chef-major Moutian Koumbia a signifié que quand des militaires quittaient les autres garnisons pour venir attaquer le camp Naba Koom, il y a eu un rassemblement où il était question de former des groupes pour organiser la défense. Il aurait été choisi pour constituer des groupes mais comme il n’y avait pratiquement plus des chefs présents au camp, les groupes n’ont pas pu été formés. «Ce n’est pas tout le monde qui souhaitait l’affrontement», a indiqué le major Koumbia.
Le parquet qui a loué la clarté de la narration du major a néanmoins relevé un manque de compte rendu à ses chefs, quand il a su que les autorités avaient été enlevées. Pour le parquetier qui n’est pas satisfait des réponses données par l’accusé, a laissé entendre qu’en tant que chef en charge de la sécurité physique du président c’est impensable qu’il soit surpris par son l’enlèvement.
Mais pour l’inculpé, c’est parce que ce sont des éléments internes qu’ils ont pu facilement enlever les autorités. «Le commando a franchi aisément les postes de garde. Il n’y a pas eu de résistance au préalable, donc c’est compliqué pour la cellule de réagir. Ce qui est pire c’est que ce sont des éléments du corps», a-t-il soutenu.
En rappel, l’adjudant-chef-major est poursuivi pour des faits de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures. Des charges qu’il a dit ne pas reconnaitre.
Quant au soldat de première classe Issaka Ouédraogo, un des gardes de la résidence privé du chef de l’Etat de la Transition Michel Kafando, accusé des mêmes faits, les a rejetés. Il a déclaré n’avoir pas participé à des rassemblements, ni fait des patrouilles dans la période du coup d’Etat. La seule mission qu’il aurait accompli au moment des faits, c’est d’aller aider à éteindre l’incendie de la maison de l’ex-président de l’Assemblée nationale Salifou Diallo, le 18 septembre 2015.
Sa présence au camp jusqu’au 28 septembre 2015, s’expliquerait par le fait qu’il cherchait à se mettre aux côtés de ses chefs pour sa protection. «On a arrêté le président et le quartier était consigné, je ne pouvais pas aller à mon poste car ceux qui ont arrêté le chef de l’Etat pouvaient venir m’arrêter aussi», a-t-il affirmé.
Pour la partie accusatrice, ce soldat serait impliqué dans cette affaire car il aurait même reçu, au moment des faits, des mains de l’adjudant Jean Florent Nion une somme de 1 941 000 FCFA. Selon le parquet, il s’agit d’une somme qui a été transférée depuis la Côte d’Ivoire.
L’accusé a reconnu avoir reçu la somme en question mais a refusé de dire la raison pour laquelle l’argent lui a été remis.
L’audience a été suspendue vers 14h10 et reprendra le lundi 3 septembre 2018.
Par Daouda ZONGO