Deux témoins ont été appelés à la barre ce lundi 18 février 2019, dans le cadre du procès du putsch manqué du 16 septembre 2015, à la suite de l’ex-chef d’état-major général des armées adjoint, le colonel-major Naba Théodore Palé. Il s’agit des colonel-major Noufou Béréwoudougou et Léonard Gambo. Tous les deux ont indiqué dans leur déposition que dès la réunion du 16 septembre 2015, tenue au ministère burkinabè de la Défense nationale et des anciens combattants (MDNAC), la hiérarchie militaire a «opposé un non catégorique» au coup d’Etat et a exigé «la libération des autorités» prises en otage.
Les deux témoins convoqués ce lundi 18 février 2019, sont allés dans le même sens en notant qu’après l’exposé de la situation par le général Gilbert Diendéré, lors de la réunion dans la soirée du 16 septembre 2015 au MDNAC, les participants constitués des membres de la Commission de réflexion et d’aide à la décision (CRAD) et de l’ancien président Jean-Baptiste Ouédraogo, ont «opposé un refus catégorique» au putsch et ont indiqué qu’il n’appartenait pas à l’armée de s’ingérer dans des questions politiques.
A la réunion du 16 septembre 2015, après l’introduction de l’ex-chef d’état-major général des armées, le général Pingrenoma Zagré, la parole aurait été donnée au général Gilbert Diendéré qui aurait cité des arguments qui ont amené les éléments de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP) à mettre aux arrêts les autorités. Il s’agirait de trois raisons concernant «l’exclusion de certaines personnes aux élections, la réforme des Forces armées nationales (FAN) dans laquelle il était inscrite la dissolution du RSP et le statut des FAN (les grades exceptionnels des généraux)».
Selon le colonel-major Léonard Gambo, l’ex-CEMGA, Pingrenoma Zagré aurait rappelé au général Diendéré la promesse qu’ils avaient faite quand ils étaient des officiers à Saint Cyr. «Gilbert souviens toi de ce que nous nous sommes dits (…). On s’était dit qu’on sera des officiers qui se mettraient à l’écart de la chose politique».
L’ex-président Jean-Baptiste Ouédraogo qui a été invité par le CEMGA pour prendre part à la rencontre, aurait «pris longuement la parole» pour tenter de dissuader les acteurs de la prise d’otages. Il aurait proposé, selon le colonel-major Gambo, qu’il faut considérer ce qui est arrivé, comme une autre crise et libérer les autorités afin que les choses continuent à la normale. Il était convenu, la rédaction d’un message pour appeler la population au calme, indiquer que c’était des éléments du RSP qui sont à la base de la crise et qu’ils acceptaient de libérer les autorités, a soutenu le témoin, le colonel-major Noufou Béréwoudougou, directeur général des études et des statistiques sectorielles au MDNAC. Mais après rédaction de ce message, le général Diendéré aurait dit qu’il faut qu’il se réfère à la base. «Il est allé et revenir dire que les éléments refusaient», a affirmé le colonel-major Béréwoudougou qui note que c’est ainsi qu’une délégation s’est constituée pour aller rencontrer les hommes. «A son (la délégation) retour, (elle) a fait part du refus des éléments du RSP et a indiqué qu’elle a été menacée», a poursuivi ce témoin qui a souligné que c’est en ce moment que le général Diendéré a affirmé qu’«ils ont une déclaration» qu’il a instruit le colonel-major Boureima Kiéré de lire. Après lecture «les uns et les autres ont constaté qu’il s’agissait d’une déclaration de coup d’Etat et leur ont dit que comme ils ont leur déclaration, qu’ils assument et la réunion a pris fin», a laissé entendre le colonel-major Noufou Béréwoudougou.
Interrogé à son tour, le colonel major Boureima Kiéré a confirmé les dires des témoins en ce qui concerne le «refus catégorique» de la hiérarchie par rapport au coup d’Etat. Mais il dit qu’il ne se souvient pas de la rédaction d’un message d’appel au calme.
Pour sa défense, le général Diendéré, a fait savoir qu’à la réunion du 16 septembre 2015, «il n’a pas été question de coup d’Etat». «Je n’ai pas d’emblée (…) dit que j’ai fait un coup d’Etat», a soutenu le général Gilbert Diendéré, notant qu’on lui a demandé d’assumer et lui il a sollicité l’accompagnement de la hiérarchie militaire, dans le cadre du maintien d’ordre. Selon le général Diendéré, il se pourrait que les membres de la hiérarchie se soient concertés pour venir témoigner. «Je n’ai aucun intérêt qu’on inculpe mes camarades (les membres de la hiérarchie)», a dit le général ajoutant qu’il ne cherche que la vérité. «Je pense que c’est une sorte de faveur qu’on leur a accordée en ne les inculpant pas», a-t-il poursuivi, critiquant le travail du juge d’instruction.
«Votre fermeté se ramollit à chaque fois qu’un témoin arrive», a fait constater Me Prosper Farama en s’adressant au général Diendéré, qui n’a pas souhaité répondre aux questions sur les griefs qui ont poussés les éléments du RSP à agir.
Quant à l’avocat du général Diendéré, Me Olivier Yelkouni, il a déclaré que ceux qui ont actionné l’avion afin qu’il décolle pour le transport du matériel de maintien d’ordre, et qui ont accepté de s’occuper du maintien d’ordre, devraient être inculpés, s’il est vrai que l’attentat à la sûreté de l’Etat est une infraction continue.
L’audience a été suspendue, et reprendra demain mardi 19 février 2019 avec la poursuite de l’audition du témoin, le colonel-major Léonard Gambo.
Par Daouda ZONGO