Le lieutenant Abdoul Kadri Dianda, ex-chef du Groupe d’intervention anti-terroriste (GIAT) de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle au Burkina, appelé à la barre a soutenu, ce mercredi 12 septembre 2018, que le putsch manqué du 16 septembre 2015 a été l’aboutissement «de plusieurs crises» au sein du régiment. Pour lui cela pouvait ne pas arriver si ces crises avaient été réglées.
Cet ex-chef du GIAT qui aurait été informé que des choses se passaient au Palais présidentiel, au moment où il se trouvait en ville le 16 septembres 2015, a voulu s’y rendre pour avoir plus d’information mais il aurait été «empêché par des soldats armés» d’avoir accès à l’intérieur de la présidence malgré son grade d’officier. «Je me demandais qu’est-ce que je pouvais faire», s’est demandé le lieutenant Dianda devant le tribunal.
N’ayant pas eu accès au palais, il aurait continué au camp Naba Koom II qui se trouve juste derrière la résidence présidentielle. Arrivé au poste de commandement, il y aurait trouvé le général Gilbert Diendéré et des officiers en réunion. «Le général s’est excusé de n’avoir pas associé les officiers à quoi que ce soit et de les avoir convoqués urgemment pour une réunion. Il les a informé que le président (Michel Kafando) et le Premier ministre (Isaac Zida) ont été retenus au Conseil de ministres». Selon le lieutenant Dianda, après les propos du général, «il y a eu un sentiment de froideur dans la salle» où était visible un soldat armé, gilet pare-balle et casque. Pour lui, il s’agissait du caporal Sami Dah. Une présence inhabituelle car un sous-officier ne prenait pas part à une rencontre d’officiers.
«Une autre réunion s’est tenue avec les sages. Là il était question de médiation, mais des éléments qui ont pris la parole ont dit qu’ils ne veulent pas de médiation», a dit le lieutenant Abdoul Kadri Dianda, notant que le 17 septembre 2015, après l’annonce du coup d’Etat, le chef de corps Aziz Korogho a convoqué un rassemblement où il a signifié que «le quartier allait être consigné et qu’il faut maintenir les hommes sur place». Il a ajouté que le commandant Korogho leur a fait savoir qu’il a demandé au général, quelle était la position du reste de l’armée et il (Diendéré) aurait dit que «l’armée le soutient mais ce n’était pas officiel».
Il a reconnu qu’au moment des faits, des éléments de sa compagnie faisaient des sorties sans ses ordres. Il a cité des noms comme Jean Florent Nion, Eloi Badiel, Boureima Zouré, Ali Sanou, Ollo Poda, Hamidou Drabo, Seydou Soulama, des éléments qu’on qualifie de «réfractaires». Mais selon le lieutenant Dianda, c’est à la suite des différentes crises au sein du corps qu’ils sont devenus «incontrôlables». Le lieutenant a signifié avoir eu, du reste, à faire des rapports mais qui n’ont pas eu de suite.
Pour cet officier accusé aujourd’hui de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires et incitation à commettre des actes contraires à la discipline militaire, ce qui se passait au RSP pouvait être résolu. «Ces éléments qu’on dit éléments incontrôlés, c’est une note d’affectation qui les a amenés au régiment. S’ils posent problème il faut les enlever», a-t-il poursuivi, notant que «des cas d’indiscipline doivent être matés avec la dernière énergie».
Le lieutenant Dianda qui a rejoint le RSP en 2011, a dit avoir été déçu de savoir que les autorités de la transition ont été arrêtées. Il ne devait pas y avoir de négociation avec ceux qui ont fait le putsch. «Depuis quand il y a coup d’Etat et que le chef d’état-major général des armées vient négocier? Soit on est d’accord soit on ne l’est pas», a soutenu l’officier de l’ex-RSP, qui a soutenu avoir suggéré au général Pingrenoma Zagré de rencontrer les hommes pour leur dire ce qu’il y a, en vue de les calmer. «Il m’a dit bien noté. Depuis ce jour, je recevais des messages signés CEMGA. Dans les messages on me demandait de maitriser les hommes et faire en sorte qu’il n’y ait pas d’affrontement», a-t-il relaté.
Après cette déposition le parquet a rassuré l’assistance qu’au sortir de chaque audience, le commandement en tire des conséquences, et que depuis le début de ce procès des comportements sont en train de changer au sein des hommes.
Pour la partie civile ce genre de procès ne finira pas si des officiers supérieurs instrumentalisent des subalternes pour leurs propres intérêts, ou font des retenues sur les frais de missions des hommes.
L’ex-chef du Groupe d’intervention anti-terroriste de l’ex-RSP, qui a dit être resté au camp jusqu’au 28 septembre 2015, a laissé entendre qu’il a fait l’objet de menace de la part des soldats de la troisième compagnie et que son domicile qui se trouvait au sein du Conseil de l’Entente, aurait même été saccagé.
Il a reconnu avoir reçu des messages comme: «Nous allons mettre en place le MOSAF (Mouvement de soutien aux forces armées)», «Il faut prendre des mesures drastiques pour faire taire les leaders d’OSC (Organisation de la société civile)». Mais pour le lieutenant, ces messages ont été envoyés par son cousin qui est à Bobo-Dioulasso (Ouest burkinabè). «Ce ne sont même pas seulement des messages que j’ai reçus de sa part», a dit le lieutenant qui explique qu’il avait au préalable reçu des appels de la même personne mais il (Dianda) n’a pas réagi. Egalement en tant que chef de la cellule information, il recevait des messages de ses agents de renseignement et c’est ce qui a permis au chef de corps de faire rentrer les hommes et les matériels.
Au moment des faits «je n’ai pas incité un élément à offenser les règles militaires, je n’ai pas tué ni frappé quelqu’un».
Le parquetier qui a pris la parole pour faire ses observations sur les faits d’incitation, meurtre, coups et blessures a fait savoir qu’ «à ce stade il n’a pas suffisamment d’élément de preuves» concernant l’incitation. «Il n’a poussé, incité aucun soldat à commettre des actes contraires à la discipline et règles militaires».
A la suite du lieutenant Abdoul Kadri Dianda, le procès s’est poursuivi avec la notification des charges au soldat de première classe Abdou Compaoré. Après quelques minutes d’audition de cet accusé, le tribunal a suspendu l’audience vers 17h02. Elle reprendra le vendredi 14 septembre 2018.
Par Daouda ZONGO