Le procès du putsch manqué de 16 septembre 2015 s’est poursuivi le 12 décembre 2018 avec l’interrogatoire du principal accusé, le général Gilbert Diendéré. Le parquet visiblement remonté qui a pris la parole au cours de cette audience n’a pas manqué d’interpeller certains avocats de la défense qui, selon lui, sont allés loin en voulant cautionner le coup d’Etat ayant officiellement fait 13 morts et 42 blessés. Le coup de force militaire est un « crime infractionnel », a rappelé le ministère public.
Le parquet est revenu sur les observations et commentaires faits par les Conseils de la défense. « Me (Alexandre) Sandwidi est allé trop loin », selon le parquet qui estime que les propos de l’avocat qui a regretté le fait que le coup de force « n’ait pas abouti » est « abusif ». Le ministère public a rappelé à Me Sandwidi que le putsch est « une infraction grave » et a appelé à la modération car ce jugement est public.
Quant à Me Mamadou Sombié qui avait conseillé aux putschistes de recourir prochainement à son expertise pour le coup de force soit une réussite, le parquet dit être au « regret de dire que c’est une forme d’encouragement d’apologie du coup d’Etat ». C’est pourquoi il lui a été adressé les mêmes reproches faits à Me Alexandre Sandwidi.
Pour la question de la légitime défense que Me Sombié a évoqué pour dire que cela pourrait militer à l’acquittement du général Diendéré, le ministère public a estimé que les évènements du 16 septembre et jours suivants « ne peuvent pas s’assimiler à de la légitime défense ». Selon l’accusation, « pour qu’il y ait de la légitime défense, il faut qu’il y ait une attaque », or personne n’a attaqué l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP), auteur du pustch.
Revenant sur les propos de Me Antoinette Ouédraogo qui a accusé de « complicité » les autorités civiles et militaires de la transition qui auraient entretenues les différentes crises que traversait le RSP pour le dissoudre, le parquet a soutenu que « si on vous pousse à commettre la faute, éviter de la commettre ».
Me Mireille Barry fait de la « communication » quand elle pense que le dossier « est truffé d’irrégularités ou est manipulé », a indiqué le parquet militaire, qui note que ce débat n’a plus sa raison d’être à ce stade du jugement. C’est le même discours qu’il a tenu à Me Sombié et Me Olivier Yelkouni, Conseil du général Gilbert Diendéré qui ont dénoncé une « instruction du dossier, mal faite ». Le ministère public leur a demandé de se référer à la Chambre de contrôle car c’est à elle qu’incombe cette préoccupation.
« Ne nous demander pas de faire votre travail à votre place », a signifié le parquet à Me Jean Yahovi Dégli, avocat de Diendéré qui a laissé entendre que le ministère public à instruit le dossier « seulement à charge ». Le parquet « n’invente rien qui ne soit dans cette procédure. Nous sommes simplement défenseurs de la procédure parce que nous sommes la partie accusatrice ».
Selon le parquet, Me Latif Dabo aurait dit que le putsch manqué du 16 septembre 2015 « a été un coup d’Etat gentil, non violent », faisant allusion au fait qu’il n’y a pas eu d’affrontement entre les frères d’armes. Réagissant sur ces propos, le procureur a soutenu que ce coup de force militaire n’a pas été du tout tendre. Pour renforcer sa position, il a lu des dépositions de trois ministres de la transition qui ont été des otages des l’ex-RSP, pour édifier le public. Il s’agit des déclarations des ministres Amina Bila Bambara, Salifou Dembélé et le professeur Augustin Loada, qui ont été séquestrés avec le président Michel Kafando et le Premier ministre Isaac Zida.
Dans les déclarations, notamment, celle de Amina Bila Bambara, ministre déléguée, chargée du Budget sous la transition, elle serait même « évanouie » sous le choc, malgré le fait qu’elle ne soit pas « peureuse de nature ». A en croire sa déposition, elle a tellement été « marquée » par l’irruption des trois militaires de l’ex-RSP qui sont rentrés avec fracas dans la salle du Conseil des ministres, qu’elle s’est faite suivre par un psychologue pour pouvoir s’en sortir.
« Nous étions dans un environnement apocalyptique. J’ai vu les images de mes enfants défilées furtivement dans ma tête quand ils (militaires) sont revenus demander qui est Bagoro (l’ex-ministre de l’Habitat sous la transition, Réné Bagoro, NDLR) et l’emmener dans un véhicule », après que ces mêmes soldats avaient auparavant dit que son tour viendra, a déposé, entre autres, le ministre en charge de la Jeunesse, de la Formation et l’Emploi sous la transition, Salifou Dembélé.
Le procès a été suspendu à 16H30 et reprendra vendredi 14 décembre 2018 avec la poursuite de l’audition du général Gilbert Diendéré, présumé cerveau de l’affaire à la barre.
Par Bernard BOUGOUM