Le général Gilbert Diendéré, accusé dans le dossier du putsch manqué de 16 septembre 2015, présumé cerveau de l’affaire, a déclaré ce vendredi 30 novembre 2018, à la barre du tribunal militaire que la loi de l’amnistie que devaient bénéficié les présumés putschistes a été une « proposition » de la médiation de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), au moment des négociations.
« La question de l’amnistie a été discutée lors des échanges avec la médiation de la CEDEAO. C’est elle qui l’a proposée » au premier responsable du Conseil national pour la Démocratie (CND, organe dirigeant du putsch) et aux éléments de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP), a affirmé le général Diendéré, au quatrième jour de son audition, ajoutant que ce n’était pas une « exigence » de leur part.
Pourquoi vous l’avez acceptée?, s’est interrogé le parquet militaire. « Nous l’avons acceptée favorablement car cela pouvait participer à désamorcer la crise » qui a entravé la bonne marche de la transition ayant suivie la chute du régime de Blaise Compaoré, a répondu le général Diendéré.
Est-ce que ce n’est pas parce que cela vous arrangeait ?, a réagi le parquet. « Ce n’est pas moi seul ou les éléments du RSP que ça arrangeait, mais tout le pays », a rétorqué d’un ton ferme le général de brigade.
Mais cette réponse n’a pas convaincu le parquet qui a estimé qu’au contraire, c’est parce que cette loi allait permettre aux putschistes de « se soustraire à la justice ».
Un autre sujet qui s’est greffé à l’implication de la CEDEAO dans cette affaire a été le fait que la Cour de la Communauté s’était prononcée contre la loi électorale votée par le Conseil national de la Transition (CNT, organe législatif en 2015) qui exclurait certains Burkinabè des échéances électorales taxés d’être les fidèles lieutenants de Compaoré qui a régné pendant 27 ans. Sur ce sujet, le parquet dit ne pas du tout comprendre la position des putschistes qui ont revendiqué ce point, puisqu’il est éminemment politique. Pour le général deux étoiles, ce grief n’était pas au « départ parmi les revendications principales. Cela est venu se greffer aux autres points après », a-t-il dit.
Après cette question, le parquet s’est également demandé, à la lumière des raisons avancées par Gilbert Diendéré pour expliquer le coup de force de 2015, s’il appartenait à un corps d’armée de s’opposer à sa dissolution. A cette interrogation, le présumé cerveau de l’affaire qui a fait 13 morts, a répondu par la négative.
En retour, il a demandé au parquet « s’il appartenait à des Organisations de la société civile (OSC), d’orchestrer des campagnes d’intoxication, des campagnes de dénigrements, des marches et des meetings pour appeler à la dissolution d’un corps (d’armée) ».
Pour lui, dans un pays démocratique où les institutions fonctionnent normalement, « il faut laisser l’armée qui a ses missions de s’organiser ». Mais le parquet s’est dit étonné de ce commentaire de l’accusé puisqu’aucune OSC, ne signe un décret pour la dissolution d’un corps.
Après quatre jours d’interrogatoire, devant la Chambre de jugement qui est présidée par un juge civil, le magistrat Seydou Ouédraogo, le général Gilbert Diendéré, qualifié de « la boite noire », est resté sur sa déposition, rejetant la paternité du putsch.
L’audience a été suspendue ce jour vers 16H35 et reprendra le lundi prochain a 9H dans la salle des banquets de Ouaga 2000, situé dans le sud de la capitale burkinabè.
Par Bernard BOUGOUM