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Qui était Winnie Mandela ?

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Winnie Mandela, Camille Cosby & Emmanuel Argo 10 mai 1994 à Prétoria lors de l'investiture de Nelson Mandela

Emmanuel Argo est contributeur et grand témoin in situ de la Constitution et du changement de la nouvelle république d’Afrique du Sud. Il a été chargé de mission auprès de la commission européenne, pour les questions de formation professionnelle au titre du ministère de l’Éducation du gouvernement de Nelson Mandela. Il est également l’auteur du livre : Nelson Mandela et la naissance de la nouvelle Afrique du Sud. Qui mieux que lui pour parler de Winnie Mandela ?

Madame Madikizela-Mandela, plus connue par son prénom de Winnie, était la seconde épouse de Nelson Mandela. Elle vient de nous quitter le 2 avril 2018 à l’âge de 81 ans. De leur union sont nées deux filles, Zenani et Zindzi.

Le 11 février 1990, Winnie est venue accueillir son mari, Nelson Mandela, qui sortait de prison après 27 ans de privation de liberté. Mais c’est Zindzi, la cadette, que le monde entier a découvert officiellement pour la première fois aux côtés de son père lors des cérémonies de l’investiture présidentielle à Prétoria le 10 mai 1994 tandis que Winnie, l’épouse, était tenue à l’écart, dans le parterre des officiels.

Malgré les réjouissances, elle était triste et des afro- américains et caribéens parmi lesquels Camilla Cosby épouse de l’acteur afro-américain, David Dinkins ancien maire de New-York, Harry Belafonte chanteur ou Colin Powell ancien Secrétaire d’État et moi-même la soutenions.

Ainsi, bien qu’elle ait largement contribué à faire connaître son mari sur le plan international pour son combat contre l’apartheid, pourquoi ne partageait-elle pas alors la victoire de Nelson Mandela ?

Les causes de son discrédit :  Des infidélités,

On ne sort pas indemne d’une séparation de 27 ans qui a mis à mal la vie sentimentale du couple ; des liaisons avérées de Winnie avec d’autres compagnons ont été révélées. C’est son compagnon de l’époque, avocat au barreau de Johannesburg, qui me l’a appris. Nous étions à Houghton, avec d’autres personnes participant aux travaux de la nouvelle constitution de l’Afrique du sud, réunis volontairement et symboliquement dans le premier shebeen d’un quartier chic de la banlieue de Johannesburg.

Les shebeens étaient des lieux clandestins situés généralement dans des townships comme Soweto où se réunissaient en secret des responsables politiques noirs aux pires moments de l’Apartheid. Cet échange portait sur les limites de ‘‘l’affirmative action’’ ou ségrégation positive- une politique qui consiste à réserver des emplois aux victimes de l’apartheid. Cet avocat me confirma que Winnie avait été arrêtée plus d’une dizaine de fois, battue sans ménagement par la police et subit deux emprisonnements.

Se relevant à chaque fois, elle était devenue un leader controversé qui gênait politiquement des membres de son parti l’ANC/African National Congress. On sait qu’au moment de la chute de l’ancien régime, une lutte féroce a opposé les responsables politiques de courants différents – des hommes essentiellement ! Ainsi, si elle avait gagné en faisant reconnaître internationalement la valeur et les mérites de son mari, il n’était pas question, que personnellement, elle partage le pouvoir à hauteur de ses engagements. Vice-ministre des Arts, de la Culture, des Sciences et de la technologie dans le premier gouvernement, elle fut bien vite démise de son poste pour insubordination. Au lendemain des victoires sur l’injustice et l’oppression, quel pays ne connaît pas les mêmes turpitudes ?

Mais aussi des exactions commises en son nom :

Pendant la lutte, des crimes ont été commis parce que les tenants de l’apartheid usaient de la force comme de la corruption pour diviser et maintenir leur domination.  En 2003 elle a été jugée pour avoir commandé l’assassinat du jeune Stompie, alors que le ‘‘médecin de la mort’’ qui avait mis au point des armes chimiques pendant l’apartheid pour être utilisées contre des opposants noirs, exerçait encore sans être inquiété comme praticien dans un hôpital de Prétoria.

Une indéfectible popularité :

Pourtant, Winnie Mandela conservera pour l’Histoire le titre honorifique de mère de la nation, une nation dite ‘‘arc en ciel’’ au regard des couleurs blanches, indiennes, noires, métis, qui composent sa population dans son ensemble.

Fidèle à ses idées, elle est restée vivre à Soweto, lieu symbolique des massacres commis par les tenants de l’apartheid et de la résistance.

Elle a été l’incontestable dirigeante de la ligue des femmes sud-africaines, un groupe si influent qu’on l’a dit capable de ‘‘ faire’’ les présidents noirs de l’Afrique du Sud postapartheid comme Nelson Mandela, Thabo Mbeki et tout récemment Cyrille Ramaphosa.

Son action pour l’obtention des droits civiques ne s’est pas seulement limitée au vote jusque-là interdit aux noirs, ni à la liberté de circuler au-delà de quartiers qui leur étaient assignés, elle aura également et largement contribué à l’émancipation de la femme noire dans son pays, mais aussi dans le reste du continent africain, en revendiquant l’accession des femmes à des postes jusque-là réservés aux hommes : Ministres, parlementaires, président d’assemblée, ambassadeur, président d’université, dirigeants de grandes entreprises publiques et privées, figures faisant autorité dans les médias, magistrats, etc.

Elle a été avant tout à la tête d’un puissant rassemblement de femmes pour combattre l’oppression raciste et la violence arbitraire de l’ancien régime.

Pour conclure, juste après sa récente élection, l’actuel Président de la République Sud-Africaine, Cyrille Ramaphosa, a rendu visite à Winnie, confortant définitivement son titre de Mama Mandela, mère de la nation de la nouvelle Afrique du-Sud, titre que peu de femmes dans le monde ont mérité de leur vivant.

Je retiendrai les propos de l’Archevêque honoraire Anglican de la ville du Cap en Afrique du Sud, Monseigneur Desmond Tutu, également Prix Nobel de la Paix, qui vient de rendre hommage à Winnie Mandela pour sa pugnacité à défendre la cause de milliers d’hommes et femmes de son pays et l’avoir inspiré dans ses prêches contre l’injustice.

Pour ma part, je pense que sans la détermination fidèle de Winnie, Nelson Mandela, eu égard à ses immenses qualités et mérites pour lesquels j’éprouve respect, admiration et reconnaissance, n’eût probablement pas obtenu le soutien international qui aura été si déterminant pour sa libération et son élection.