Comment gérer sa sexualité durant le mois de Ramadan ? Voilà, entre autres, des questions auxquelles Wakat Séra essaie de fournir des réponses sous le regard expert de l’imam Ismaël Tiendrébéogo du Centre d’études, de recherches et de formations islamiques (CERFI) et de l’Association des élèves et étudiants musulmans au Burkina (AEEMB).
Un certain nombre de facteurs sont à même de mettre en cause la validité des efforts du jeûneur. A ce titre, manger ou boire volontairement, c’est-à-dire sans que ce ne soit par oubli, en effet, « Allâh pardonne à ma communauté trois types de péchés : le péché commis par oubli, le péché commis par ignorance et le péché commis sous la contrainte » (hadith).
Rappelons également qu’avoir des rapports sexuels, médire des gens, vomir volontairement, recevoir une perfusion sont autant de variables qui peuvent annuler le jeûne. Dans l’explication, Imam Ismaël fait savoir que si un jeûneur est malade au point d’avoir besoin d’une perfusion, son jeûne est interdit car préserver la vie passe avant l’accomplissement d’un acte d’adoration, en islam.
De la rupture volontaire du jeûne
Il faut ajouter aussi que jouir même sans rapport sexuel, peu importe la raison, sauf en cas de rêve érotique annule le jeûne, car « la plume de la responsabilité est levée sur le dormeur jusqu’à ce qu’il se réveille » ou de maladie. Notons que prendre fermement l’intention de rompre son jeûne, même si on ne mange rien ou ne boit rien effectivement, est pris pour argent comptant et le jeûne n’est pas valide.
Lorsqu’un jeûneur renie sa foi, il n’a plus besoin de continuer avec la faim et la soif, car ce sera un effort vain : les conditions d’éxigibilité du jeûne sont : être sain d’esprit, être musulman, être pubère et ne pas faire partie des personnes exemptées du jeûne.
Faisons le rappel que s’évanouir, avoir ses menstrues annulent le jeûne : « n’est-ce pas que la femme dans son cycle ne jeûne ni ne prie? » A cela s’ajoute le fait d’accoucher, perdre la raison : « la plume de la responsabilité est levée sur trois personnes: le fou jusqu’à ce qu’il recouvre la raison, l’endormi jusqu’à ce qu’il se réveille et l’enfant jusqu’à ce qu’il atteigne la puberté ».
L’imam rappelle aussi que la rupture volontaire du jeûne est un péché grave pour le pardon duquel il faut une expiation. Elle consiste soit à jeûner deux mois d’affilée, soit à affranchir un esclave (quand il y en avait), soit à nourrir 60 pauvres. L’expiation n’ôte le péché que si et seulement si elle est accompagnée d’un repentir sincère (consistant en un regret, une demande de pardon à Dieu et un engagement ferme à ne plus refaire le péché). Mais jamais l’expiation ne pourra permettre de rattraper les récompenses perdues par la rupture volontaire du jeûne. En effet, « celui qui rompt volontairement son jeûne ne pourra plus jamais récupérer la récompense perdue, même s’il jeûnait toute sa vie en rançon » (hadith).
Est-ce admis de se brosser les dents?
A la question de savoir s’il est possible de se brosser les dents durant son jeûne, l’imam Tiendrébéogo répond : Oui, on peut également utiliser un cure-dents, frais ou sec, seulement il faut faire attention à ne rien avaler volontairement, des débris ou du suc du cure-dents ou de la pâte dentifrice. Tout ce qui est avalé involontairement ou commis par oubli est pardonné, comme vu plus haut.
La pâte dentifrice utilisée dans le brossage ne rompt pas le jeûne pas plus qu’un cure-dents frais. Il faut juste bien se rincer la bouche après usage.
Du reste, l’hygiène bucco-dentaire est une très forte recommandation du Prophète (saw). Il a dit « si je ne craignais d’alourdir la tâche à ma communauté, je lui aurai enjoint de se curer les dents avant chaque prière ». La raison : « la prière faite après s’être nettoyé les dents vaut 70 fois qu’une prière sans se les être nettoyées » (hadith). La première chose que lui-même faisait de retour chez lui (saw) était de se curer les dents et il détestait particulièrement l’odeur de la mauvaise haleine et celle des aisselles mal entretenues.
Le sexe et le Ramadan
Pour cela, il faut s’’interdire tout contact excitant avec son conjoint. Il n’est pas interdit de s’embrasser entre conjoints si l’on peut se contenir et maîtriser ses pulsions. Sinon, il faut s’en abstenir et réserver les câlins après la rupture. Aussi, il ne faut rien faire d’autre qui puisse exciter sexuellement durant la journée, s’interdire par exemple toutes images érotiques ou porno ou de participer à des causeries évoquant le sexe.
Quand on jeûne, en dehors des abstinences de manger, de boire et de relations charnelles, tous les organes doivent veiller dans l’obéissance à Allâh et dans Sa dévotion. Ce qui signifie que tout notre être et toute notre âme doivent s’éloigner des péchés et prendre plaisir dans l’adoration amoureuse d’Allah. En effet, « il a certes goûté à la douceur de la foi, celui qui aime Allah plus que tout, qui aime le Prophète d’Allah (saw) plus que toute autre créature et qui craint de tomber dans la désobéissance comme il redoute d’être jeté dans le feu de l’enfer » (hadith). Autrement dit, « Dis: si vraiment, vous aimez Allâh, alors obéissez-moi, alors Allâh vous aimera et vous pardonnera vos péchés. Allah est certes pardonneur et miséricordieux ». (sourate 3, verset 31).
A côté des aspects évoqués, il ne pas se coucher sur son ventre et il faut éviter de manipuler son sexe…
A ceux qui changent d’attitude
A ceux qui changent leurs habitudes prétextant le jeûne (refus de travailler, qui donnent une mine de quelqu’un qui fait pitié…), l’imam rappelle que les grandes victoires musulmanes ont eu lieu pendant le mois de ramadan alors que les musulmans étaient minoritaires en légitime défense et jeûnaient. Le cas de la première grande victoire de Badr. Ensuite, au regard de la récompense du jeûne, avons-nous vraiment des raisons d’être tristes?
Malheureusement, il y a des musulmans qui ne jeûnent que pendant ramadan et endurent difficilement faim et soif. D’où le changement de comportement pendant cette période. Mais il est normal que vers la fin de la journée de jeûne et du fait du climat éprouvant, on ressente une certaine faiblesse. Mieux, il est normal que le jeûne ait un effet sur notre physique, notre esprit et notre spiritualité. Mais il n’est pas normal de jouer le pitoyable.
Et pour terminer, en presqu’une dizaine de jours passés, l’imam Ismaël Tiendrébéogo recommande de faire le bilan et de prendre de nouvelles résolutions pour la suite. Le meilleur (laylahoul qadr!) reste à venir, dit-il. C’est le sprint et la dernière ligne droite est la plus importante. Allez! Allez! Courons, tout joyeux à la ligne d’arrivée, car « le jeûneur a deux moments de joie : le soir quand il rompt son jeûne et le jour où il rencontrera son Seigneur (hadith).
Boureima DEMBELE avec l’imam Ismaël TIENDREBEOGO