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RD Congo: carnages, dialogue et idiots utiles

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Le président de la RD Congo, Félix Tshisekedi (Ph. d'archives)

Du brouillamini en RD Congo! Assassinats ciblés et massacres forts se succèdent, ajoutant à la coupe déjà pleine. Le récent carnage des prisonniers au sein de la maison d’arrêt de Makala, à Kinshasa, début septembre, en donne la mesure. Pendant ce temps, on parle des négociations avec le Rwanda, alors que la rébellion du M23, sur le terrain, ne semble pas y prêter l’oreille.  Au même moment, encore une fois, le régime et ses acolytes appellent au dialogue inter-congolais. C’est à y perdre son latin.

Pourtant, pour pouvoir débrouiller l’écheveau, il suffit de remonter le temps jusqu’au 25 juin 2023. C’est ce dimanche là, à Mbuji-Mayi, chef-lieu de la province du Kasaï-Oriental, son fief tribal, que Félix Tshisekedi se lâche. En effet, devant une foule compacte chauffée à blanc, il avance des propos pour le moins bouleversants, venant d’un chef d’Etat: «Je m’attaquerai sans hésitations, sans remords, à tout ce qui mettrait en danger la stabilité de notre pays». Le reste de cette déclaration comminatoire relève du même goût: agiter les peurs.

Pour le peuple, mis en coupe réglée depuis des décennies, c’était plutôt un avis de tempête. Quoi de plus surprenant d’apprendre, le 13 juillet, que le député Chérubin Okende, cet opposant mûr et dur, ait été sauvagement «liquidé»? Dix-neuf jours seulement après la menace présidentielle? Pour Tshisekedi, les choses sont des plus claires: il annonçait son désir de rester indéfiniment au pouvoir. Et la façon violente de s’y maintenir.

Ainsi donc, une vaste toile d’araignée a-t-elle été mise en place pour «happer» tout opposant indélicat.  On y trouve de tout, du burlesque au tragique. En premier lieu, le «complotisme», ce monde de soupçons, lié aux fake news dont on connaît les effets néfastes; les milices analphabètes, violentes, ou la levée du moratoire de la peine de mort, etc.

C’est dans ce cadre global, tragi-comique, que Christian Malanga, auteur d’un vrai-faux coup d’Etat, était dernièrement tué à Kinshasa. Ses compagnons sont aujourd’hui jugés et condamnés à mort, en première instance, par une cour militaire aux ordres. Bien qu’un brin sulfureux, Malanga n’était pas moins dangereux pour le régime en place. Son sort en était scellé. Seulement voilà: dans une comédie obscène.

Des images glaçantes

Enfin, le cas des massacres, fin septembre 2023, à Goma, de «Wazalendo», appartenant à une organisation mystico-religieuse: plus de quarante personnes tuées, presque à bout portant. Bain de sang suivi, début septembre, soit une année après, du carnage de prisonniers au sein du centre pénitentiaire de Makala, à Kinshasa.  Le dernier décompte provisoire établit un chiffre de 131 victimes. Les images à ce sujet sur les réseaux sociaux sont glaçantes.

A n’y prendre garde, on aura vite tendance à penser que ces deux situations sont isolées. Que nenni. Si les Wazalendo protestaient dans la rue, la fuite des prisonniers allait susciter un autre phénomène, celui d’un mouvement de foules désordonné. Avec pour conséquence une émeute populaire. Il fallait vite stopper l’engrenage. Dans ce cas, le premier lien est que les tueurs sont les mêmes. Le motif pour tuer, en second lieu, coule de source: faire barrière à l’émergence de tout germe insurrectionnel. Surtout, si celui-ci a pris corps dans une prison. La Révolution française ne prit-elle pas de l’épaisseur qu’après le prise de la bastille? En tout temps, partout, la prison a été l’opposée du pouvoir, dit-on.

Tout se lie. Le régime est dans la peur. L’épouvantail qu’il croyait faire agir à travers la peine de mort n’a produit, en réalité, qu’un effet de ressac. L’application de la dictature, parfois, n’est pas chose aisée; elle ne se prête pas à toutes les situations. Poussif, devant la montagne de difficultés, Tshisekedi cherche une bouée de sauvetage dans un dialogue inopportun, mal défini. Si la démarche consiste à faire face au M23, il convient de rappeler que ce dernier est une force militaire, qui ne peut comprendre que le langage de la gâchette. Cela étant, la notion liée à la vertu de dialogue est brillamment absente de son vocabulaire de brutalité.

Dans ces conditions, tenir donc un dialogue? L’idée ne fait pas l’unanimité pour la majorité de la classe politique. Sauf, bien entendu, pour les idiots utiles. Ceux-là qui mangent à tous les râteliers. La leçon à tirer est simple: pris qui croyait prendre.

Par Jean-Jules LEMA LANDU, journaliste congolais, réfugié en France