Le pape François, en visite de quatre jours en RD Congo (mardi 31 janvier au vendredi 3 février) a parlé sans détour «de bande de voleurs», citant saint Augustin, en témoin. Cela dans le cas où un pays était dirigé dans l’absence de justice. C’est comme si cette partie du message pontifical venait mettre du grain à moudre, à travers un sujet d’actualité lié au salaires exorbitants au sommet de l’Etat.
Au fond, c’est un vieux débat qu’est la question axée aux émoluments du président en exercice Félix Tshisekedi et de celui de son prédécesseur Joseph Kabila. Depuis presque deux ans, on en parle avec aplomb, puisqu’il s’agit pour cette rubrique comptable nationale, des centaines de millions en dollars américains volatilisés. Au pays comme à l’extérieur, cette réalité est regardée par les observateurs comme un désert de faillite morale.
L’occasion faisant le larron, nous avons saisi cette image papale, en comparaison avec ce qui se vit en RD Congo, pour revenir sur ce point précis et étaler l’embarras des prédateurs. Dans le but de se justifier, juste avant l’arrivée de sa Sainteté au pays, ces derniers ont été poussés à mentir au plus fin et à se diviser sans vergogne, en public. Il y a dans cette affaire, les salaires astronomiques des députés, estimés à quelque 25 000 dollars américains. Et également la vieille question liée à «l’indemnité honoraire» octroyée à l’ex-président Kabila, ainsi qu’au salaire du président en exercice Tshisekedi.
Ce qui est nouveau dans ce feuilleton, c’est la peur qui a gagné les camps des prédateurs. De tout bord. Soucieux visiblement de se justifier, en public, avant la présence du visiteur de marque romain, ils ont chacun de leur côté sorti la calculette. Le résultat de leurs calculs sont stupéfiants. Pour le camp du président de la République, celui-ci gagnerait 17 000 dollars. L’ordre de réduction est de 118 %. Dans cette logique, la prime du président honoraire Kabila aurait eu, lui aussi, à en subir un sérieux coup de rabot. Quant au camp de ce dernier, c’est son épouse propre, Olive Lembe, qui est montée sur le ring, toute honte bue, pour défendre l’innocence de son mari. Avec un doigt accusateur sur l’incompétence du régime en place. Contradictions entre eux et mensonges cousus de fil blanc, de part et d’autre!
La force de l’évangile de Mt. 13 -9.
François est venu les contredire et prendre ouvertement position pour le peuple, selon la tradition de l’Eglise Catholique du Congo. Il en a toujours été ainsi depuis les vents des indépendances, en 1960. C’est dans cet aspect global des choses que s’applique le message du Saint-Père, qui se résume à dénoncer une «colonisation économique» sur l’Afrique et le Congo par les pays étrangers. Quant aux Congolais, il les a exhortés d’instaurer la démocratie, véhicule de beaucoup de vertus politiques. Dont la justice. Mise en exergue au début. Non sans insister sur les effets néfastes de la corruption. Autant que du tribalisme.
Un message limpide. Message de paix. L’Evêque de Rome a clos son homélie par un vibrant appel à tous, dirigeants et peuple meurtri, sur un passage de l’évangile concernant la liberté d’écouter la parole de Dieu, en ces termes : « Que celui qui veut entendre attende », Mt. 13-9.
Les manitous au sommet de l’Etat, à Kinshasa, l’ont-ils entendu, de cette oreille? Voire! Le pillage du trésor public se fait en sourdine. Entre amis. Il va se poursuivre. Il sera difficile, comme par un tour magique, que le Congolais se débarrasse de la magouille. Même si c’est le pape qui l’a dit et redit. Quant à la liberté d’expression, celle-ci va prospérer, de la même manière que le régime sera mis à mal. Journalistes et défenseurs des droits humains vont continuer, dans cet ordre, à être contraints de quitter le pays. L’année 2022 a été fatale pour ces derniers, car une vingtaine d’entre eux se sont répandus en Europe et aux Amériques. Notamment pour avoir eu à s’opposer au principe de salaires faramineux destinés à une minorité de citoyens.
Peut-être un voyage sans retour. Tant que vivra ce régime.
Par Jean-Jules LEMA LANDU, journaliste congolais réfugié en France