A écouter ce qui se dit et à observer ce qui se fait sur la scène politique congolaise, ces derniers temps, on perd la boussole. Tout le monde chahute. Tout le monde agit dans un sens ou l’autre. Félix Tshisekedi, président en fonction depuis janvier 2019, d’un côté, et Joseph Kabila, son prédécesseur, de l’autre, s’empoignent. A la romaine.
Dans un camp comme dans l’autre, on voit des fanatiques de tout poil, qui professent des éléments de langage médiocres. Ouvrant ainsi le champ à une rumeur ambiante délétère et, par voie de conséquence, à l’escalade de la bêtise. Chaque jour, la bêtise prend le pas sur le principe d’honneur.
A y réfléchir à l’aide des images mentales, on a l’impression d’assister à une scène de théâtre jouée sur «L’Eloge de la folie» d’Erasme (XVIe s.). Une burlesque sur les mœurs décadentes de l’époque, où le ridicule fut devenu un fait normal de société… célébré. Le clergé (Eglise Catholique) n’y fut point épargné.
La confortation politique, qui se déroule actuellement entre les deux «concurrents-partenaires», empoisonne tout, jusqu’au mental. En commençant par leur propre mental, les deux. Puis, par celui des fanatiques, fieffés émotionnels. Le citoyen lambda, insouciant, semble aussi y participer, par effet d’entraînement.
Conséquence? La dégradation renforcée des mœurs politiques, laquelle se décline en plusieurs bassesses, secoue le socle du sociétal. En établissant une comparaison avec l’œuvre d’Erasme, il n’en sortirait que des faibles nuances.
Un détail croustillant
Un fort court résumé s’impose. Quelle est la caractéristique principale de la classe politique congolaise quand on la soumet à une observation critique? L’une de bonnes réponses probables serait le mot «sans-gêne». En effet, sans se gêner, Kabila et ses affidés cherchent à récupérer le pouvoir. Et ce, après dix-huit ans de farniente des plus criards. Ils s’y sont complus, jusqu’à la bêtise fatale: des millions de Congolais en sont morts de misère. Heureusement que ce peuple est résilient. Sinon, il n’en resterait plus aujourd’hui qu’un souvenir fugitif.
Comment, sans froid aux yeux, cette cohorte sans foi ni loi peut-elle s’imaginer encore à la tête du pays? Comment ne pas choisir le mot bêtise pour le qualifier? Mieux, leur attitude reflète ce que Franzt Fanon écrivait en 1952, à propos des Noirs, cité par le penseur Camerounais Achille Mbembe: «Le Noir est un homme noir; c’est-à-dire qu’à la faveur d’une série d’aberrations, il s’est établi au sein d’un univers d’où il faudra bien le sortir» (Critique de la raison nègre). En clair, il faudra sortir les gens du FCC de Kabila de l’univers infecté où ils siègent.
Enfin, un détail croustillant tout de même – pour clôturer l’illustration – sur le rabaissement auquel l’ancien président Kabila soumet ses lieutenants. Le 15 septembre dernier, lors de l’ouverture de la session parlementaire, celui-ci y a été accueilli non seulement sous des «vivas» inouïs, mais il marchait également sur un tapis rouge. Tout excès nuit, dit-on.
Le président du Sénat, Thambwe Mamba, diplômé des sciences politiques et consulaires en sait quelque chose. Le tapis rouge, qui tire ses origines de la Grèce antique, est un symbole de luxe et de prestige. On en trouve dans les hôtels de luxe; le Festival de Cannes, en France, l’associe à l’honneur qu’il attache aux lauréats des meilleurs films. Cependant, dans le cadre des visites officielles, partout au monde, «dérouler le tapis rouge à quelqu’un» est un monopole réservé aux seuls chefs d’Etat. C’est strict. Faire autrement, relève d’une bêtise.
Vu de l’extérieur, un fait aussi banal, en apparence, n’engage pas moins l’honneur et le prestige du pays. En RD Congo, on n’y prend jamais garde. Les turpitudes de ce genre et des fautes bien plus graves (crimes économiques, assassinats et violations massives des droits de l’homme) accompagnent le règne du régime Kabila.
Qu’en dire, grosso modo, du pouvoir Tshisekedi, en deux ans? «Mieux vaut la fin d’une chose que son commencement», nous enseigne la Bible dans Ecclésiaste. Ce passage relève la pertinence de la saga sur le faux «mariage» entre Kabila et Tshisekedi. Une fausse épopée s’il en est. Beaucoup de paroles ont été dites, depuis, mais trop peu d’actes ont été posés dans la direction du bien-être du peuple.
Dans un calice de boue
«La transition pacifique» dont on a vanté les mérites sur tous les toits, s’est muée en lutte de pouvoir sans merci entre les deux «partenaires». Dès ses premiers pas, cette transition portait les germes de sa propre destruction, car elle était fondée sur un socle de mensonge. Elle est en train de se terminer dans un calice de boue.
Ainsi donc, les consultations menées par Tshisekedi sont-elles une illusion de vue, qui ajoute à la bêtise. Un dialogue n’a rien de négatif en soi, mais pour quoi faire avec celui-ci quand on sait qu’il sera jeté aux orties? Quels sont les traits vertueux qui le distingue des autres dialogues enregistrés depuis?
Alors qu’à l’instar de tous les régimes politiques qu’a connus le Congo, celui composé par le tandem Kabila-Tshisekedi est le plus nocif. Le plus bas. Les informations et images qui circulent sur les médias et réseaux sociaux congolais en font foi. Des images, par exemple, sur le dérèglement «supposé» d’un évêque protestant, au sujet de la fornication. Des images crues, fort répugnantes. Dans l’ignorance, beaucoup s’en étaient amusés, alors qu’elles constituaient, en réalité, l’un des signes de décadence de toute une nation.
La fin d’une nation gronde. Une sale guerre se prépare. Celui qui pense que Kabila va lâcher prise se trompe. Celui qui pense que Tshisekedi va gagner la partie se trompe, doublement.
En l’état, une seule solution reste valable: la mise à plat de tout, en passant par la case «réformes institutionnelles» consensuelles, notamment celles qui concernent la fameuse Commission nationale indépendante d’élections (CENI). Et aller aux nouvelles élections.
Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France