
Alors que les sanctions et condamnations pleuvent sur eux, pendant que le procureur de la Cour pénale internationale Karimp Khan, lors de son séjour qui a pris fin ce mercredi demande un cessez-le-feu en toute urgence, et que même l’«ami» de Londres est fâché contre leur parrain de Kigali, le M23 et sa branche politique de l’Alliance Fleuve Congo (AFC), continuent d’arracher, localités sur localités à la République démocratique du Congo. Ils sont, désormais, en pleine progression vers le Sud, avec vue sur la province du Tanganyika. Comme si, avec la pression de la communauté internationale qui s’intensifie autour d’eux, ils ont pris conscience que le temps n’est plus un allié sûr pour eux, à moins qu’ils veuillent conquérir le maximum de terrain, afin d’occuper une position de choix pour peser lourd dans le dialogue que tous les sapeurs-pompiers appellent de leurs vœux, les rebelles du Mouvement du 23 mars et Kigali se hâtent d’augmenter leurs prises. Rien ou presque rien ne leur résiste, comme s’ils avaient bien concocté leur conquête, certains de la victoire sur l’adversaire de Kinshasa et ses soutiens burundais et sud-africains. Les populations civiles sont prises entre deux feux, notamment les femmes et jeunes filles violées sans autre forme de procès et les enfants devenus des candidats faciles au recrutement pour le front, dans l’un ou l’autre camps.
Mais, sous la pression internationale à laquelle il ne s’attendait probablement pas, en tout cas de sitôt, et toujours engoncé dans sa carapace de victime de génocide des Tutsi pour lequel sont accusés, les Occidentaux, de complicité active ou passive, Paul Kagame semble être bien embarrassé. A moins qu’il n’ait épousé cet adage des rues d’Abidjan qui dit que «cabri mort n’a plus peur de couteau». Les troupes du M23, que ce soit à la suite de rares violents affrontements avec l’ennemi ou sans résistance en face, avancent donc, avec, sans doute, en ligne de mire, Kinshasa. Même l’ancien président congolais, Joseph Kabila, celui-là même qui avait favorisé l’avènement de Félix Tshisekedi au pouvoir en 2019 par une élection contestée, qui a mis le vrai gagnant à la touche, n’a plus de mots assez durs pour tacler son successeur. Tout ceci à un moment où ce dernier avait davantage besoin de compassion et d’aide militaire pour bouter, par la force, la seule option qui vaille pour lui, le M23 hors de la RD Congo. Pour Félix Tshisekedi, pas de dialogue qui tienne avec le M23 sous l’arbre à palabre!
Dans cette atmosphère où la guerre est loin d’avoir révélé tous ses secrets et surtout mis au grand jour tous les protagonistes encore dans l’ombre, que pourront faire les trois mousquetaires dépêchés en RD Congo, pour essayer de remplacer les baïonnettes des fusils par des fleurs et obtenir, des camps en conflit, un cessez-le-feu déjà décrété à plusieurs reprises, mais jamais respecté? Comment les médiateurs, pour ne pas dire les médecins appelés au chevet de la RD Congo, pourront-ils ramener la paix des braves, et sauver ce qui peut l’être encore, alors que les belligérants ne sont pas prêts à baisser les canons? En tout cas, les anciens présidents du Kénya, Uhuru Kenyatta et du Nigeria, Olusegun Obasanjo et l’ancien Premier ministre éthiopien, Hailemariam Desaleign, n’ont pas été sortis de leur retraite pour jouir de vacances! La patate chaude que leur fourguent la SADC et l’EAC n’est pas des moindres! Ils auront, certainement, besoin de tout leur tact de médiateurs, pour «restaurer la stabilité» dans le volcanique Est de la RD Congo.
Questions à un zaïre: la stabilité dont il s’agit est-elle celle qu’exige Félix Tshisekedi, en l’occurrence, l’avant occupation de Goma et de Bukavu par le M23, ou celle de la situation d’après conquête des deux capitales du Nord et du Sud-Kivu? Quelle sera la nature des relations au sein du trio et du trio avec le seul médiateur qu’était l’Angolais et actuel président de l’Union Africaine, Joao Lourenço? Les intérêts et avis d’un ancien dirigeant sont-ils en phase avec ceux de «has been»? Afin de pouvoir éteindre ce feu qui pourrait brûler plus loin dans la sous-région, les désormais médiateurs sauront-ils accorder, chacun, son violon, pour ensuite convaincre les acteurs de la guerre, quand il est dit que les Africains ne savent s’accorder que sur leurs désaccords? Sauront-ils tous reconnaître le processus de Luanda comme un acquis sur lequel peut être bâtie la médiation avec la nouvelle donne de l’alliance AFC/M23, autant déterminée, avec l’implication d’autres acteurs, à en finir avec le pouvoir en place à Kinshasa?
La situation demeure encore fragile et même volatile dans cette RD Congo trop riche en ressources naturelles. Beaucoup d’équations à plusieurs inconnues, seront difficiles à résoudre, malgré la sagesse et l’expérience reconnue d’Olusegun Obasango, bientôt 87 ans, la connaissance profonde du dossier par le voisin kényan, Uhuru Kenyatta et l’expertise en matière institutionnelle de l’ancien Premier ministre et ex-président de l’Union Africaine, Hailemariam Desalegn.
Par Wakat Séra