Le 26 juin 2020, nous l’exposions dans un article intitulé: «Le procès Kamerhe et ‘l’indépendance’ du Kivu», publié par votre en ligne, Wakat Séra.
Nous concluions que cette affaire pourrait bien ouvrir le chapitre de la balkanisation du Congo. Dont on parle à satiété. Jusqu’à la caricature, parfois.
Le 1er juillet, soit moins d’une semaine après, on apprenait, images à l’appui, qu’un drapeau quelconque flottait dans le ciel de la ville de Bukavu (province du Sud-Kivu). Un tissu sur lequel étaient mentionnés, en gros caractères, trois mots sécessionnistes: République du Kivu.
Ce bout de tissu constitue-t-il un drapeau? Laissons la question de fond sur la table des juristes. En attendant, pour le citoyen congolais lambda, il s’agit là bien d’un drapeau, en se référant à la définition simple que donne le dictionnaire: étendard de guerre; signe de ralliement; symbole (d’un parti politique, d’une cause).
En ramassant tous ces synonymes, on s’aperçoit vite qu’un drapeau a le sens d’un symbole. Et que derrière chaque symbole se cachent une signification, des significations. Selon Christine Taubira, écrivaine et ancienne personnalité politique française de premier plan, «le symbole n’est jamais banal, anodin». Et, d’insister comme pour étayer son aphorisme: «Le symbole rejoint. Il met ensemble» (Murmure à la Jeunesse).
Quelles sont donc la signification ou les significations du geste qui s’est passé à Bukavu, l’une des deux grandes villes frontalières du Rwanda (la seconde étant Goma, au nord) ?
La première signification est que des gens se sont réunis pour hisser un drapeau sécessionniste. A titre d’essai, pour épier les réactions du gouvernement, dans la perspective d’augmenter la voilure, la prochaine fois, ou tout simplement dans le but de provocation.
Un avion sans pilote?
Qui sont-ils? Quel est leur nombre? Ont-ils des liens avec l’extérieur, ou alors ont-ils agi seuls? Questions permettant de les cerner et de les identifier. Pour le moment, celles-ci n’ont pas encore fourni assez d’éléments de réponse, si ce n’est un «groupe de voyous mal intentionnés», selon le gouverneur de province.
Dans la seconde signification, les acteurs ont tenté de montrer que dans le Kivu il existe déjà une «certaine idée» du séparatisme. Mais à voir l’amateurisme avec lequel le groupe a procédé, il y a à redire sur l’hypothèse d’agissement d’un ensemble structuré, et encore moins sur celle qui établirait des liens avec un pays étranger. Le fait d’insérer le nom du Dr Mukwege, prix Nobel de la paix, sur la liste de leur gouvernement, sans l’avoir consulté au préalable, renforce la certitude que ce groupe a agi en solo.
Quant à l’arrestation et condamnation de l’ancien directeur de cabinet du président de la République, Vital Kamerhe, on peut penser que celles-ci ont certes eu à jouer le rôle de catalyseur pour venger uniquement leur champion. Sans plus.
Quoi qu’il en soit, le drapeau de la «République du Kivu» n’est pas à classer dans les faits divers. D’ailleurs, voilà quelque chose de visible, de palpable et, même de «cohérent», par rapport aux discours creux sur la balkanisation du Congo, dont on entend parler à longueur de journée.
Qu’en pense le gouvernement central à Kinshasa? Jusqu’à présent, motus et bouche cousue. Et, comme on le sait, on n’en est pas à un premier essai. Au nord-ouest, la région d’Ituri est sous l’emprise des armées ougandaises; à l’est, les troupes rwandaises, au Congo, se comportent en territoire conquis; tandis qu’au sud-est, les troupes zambiennes, qui y stationnent déjà depuis plusieurs mois, ont hissé le drapeau de leur pays dans nombre de villages frontaliers. En toute tranquillité.
Mais où est passé le président de la République, commandant suprême et garant de l’intégrité territoriale? Est-ce qu’il y a un pilote dans l’avion? Etonnant!
Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France