Alea jacta est! C’est fait. En dépit de l’éclat de la vérité des urnes, aperçu jusqu’aux extrémités de la terre, Joseph Kabila a opté pour le mensonge. Un mensonge cousu de fil blanc que seuls les schizophrènes «kabilistes» et une partie du peuple berné semblent ne pas voir. L’«installation» au sommet de l’Etat de Félix Tshisekedi, ventre mou de l’opposition, en lieu et place de Martin Fayulu, véritable vainqueur des élections, à en croire les résultats provisoires de la Commission électorale nationale indépendante (Céni) est une honte pour toute l’Afrique.
Kabila vient de réussir, encore une fois, à travers le piège qu’il a toujours tendu aux leaders de l’opposition. Celui-ci fonctionnait, d’abord, autour du poste de premier ministre sans pouvoir, il vient de se refermer, aujourd’hui, sur Tshisekedi autour de la fonction suprême. En faveur de la pérennité de la dynastie Kabila.
Il est vain de revenir sur le chaos qui a entouré l’ensemble des opérations de vote. De l’entrave érigée sur le chemin de la campagne du candidat Fayulu, jusqu’aux tirs par les services de sécurité à balle réelle sur ses sympathisants, faisant des morts, en passant par l’interdiction de voter, imposée pour une partie de la République (Beni, Butembo et Yumbi). Des actes qui relèvent, sans filtre, de la théorie du complot!
Si le mauvais vin a été tiré pour le peuple congolais et pour tous les esprits épris de progrès pour une véritable démocratie en Afrique, au palais présidentiel, on ne sabre pas non plus le champagne du cru. Car, quel que soit le degré du cynisme auquel on est attaché, on ne peut ignorer ce que disait Boileau, à propos du vrai et du beau: Rien n’est beau que le vrai, le vrai seul est aimable ».
Mais, ce n’est pas la fin de l’histoire, car la question de fond qu’une partie du peuple semble oublier est de savoir si Kabila est parti. En tout cas, la fin du régime en place, traduite par le départ de son ténor, était à la base des réclamations du peuple. Or, ce n’est pas sorcier de constater que l’ancien président est toujours là, sans rien perdre de ses prérogatives. Ce sera lui le véritable chef, du fait que les forces de sécurité, et par conséquent le fonctionnement de toute l’administration, resteront à sa solde.
Alors, Tshisekedi, chef de l’Etat d’opérette? Exactement. Pouvons-nous imaginer, un seul instant, Kabila dépouillé d’une seule once de l’ensemble de son pouvoir, pour lequel il s’est battu dix-huit ans durant? Ne l’a-t-on pas vu habillé en tenue militaire, tout au long du processus électoral, comme pour dire qu’il était en guerre (contre qui ?), prêt à mourir pour la sauvegarde de ses prérogatives? La partie du peuple qui s’est mise à festoyer, certainement par esprit partisan, a-t-elle pris la vraie mesure de l’imposture dans laquelle elle était traînée?
Mais, tout est maintenant clair comme l’eau de roche. Tshisekedi et Kamerhe étaient, depuis longtemps, dans le jeu du pouvoir. Le retard pris dans la publication des résultats était mis à profit par le camp présidentiel pour manipuler les chiffres et parfaire les termes de l’arrangement avec le tandem des traîtres.
Le régime en place – parce que nous nous trouvons dans le cas de sa continuité -, vient de réussir un véritable coup de maître: l’opposition à jamais divisée, et avec elle une partie du peuple qui s’aligne. La boucle est donc bouclée. Ainsi le cycle des manifestations est-il brisé, puisque désormais s’il y a manifestation, celle-ci se verra opposer une contre-manifestation.
Par son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, la France est le premier pays qui vient de réagir, en disant clairement que les résultats publiés n’étaient pas conformes à la vérité. Les déclarations dans ce sens suivront, certainement, tout au long de la journée et des jours à venir. Mais à quoi serviront-elles, puisqu’au bout du chemin de ce processus se trouve la Cour Constitutionnelle, habilitée à statuer en dernier ressort? Une institution entièrement à la dévotion du raïs? Ce sera idem pour toute réclamation qui sera formulée par Martin Fayulu, exproprié de sa victoire. L’église catholique, à travers la Commission épiscopale nationale du Congo, la Cenco, qui avait déclaré depuis fort longtemps, en se basant sur les chiffres de la compilation qu’elle détenait le nom du vainqueur de la présidentielle, ne s’est pas non plus laissée flouer par ce semblant d’alternance démocratique.
On est en face d’un banditisme d’Etat avéré.
Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France