La République démocratique du Congo a officiellement son nouveau et premier président sorti d’élections démocratiques! Félix Tshisekedi, le fils de l’opposant le plus radical de tous les temps en RDC, Feu Etienne Tshisekedi occupera officiellement le fauteuil de Joseph Kabila ce jeudi 24 janvier, après des élections reportées, des résultats reportés et une investiture reportée. Sa victoire au scrutin présidentiel du 30 décembre 2018 actée par la communauté internationale qui a opéré un virage à presque 200 degrés, plus rien ne s’oppose à…l’opposant dans son ascension vers le trône cédé par Kabila fils. Certes, les chiffres délivrés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et confirmés par la cour suprême porteront le sceau indélébile de doutes et de contestations qui rendent ces élections difficiles à comptabiliser au rang des exemples d’alternance démocratique. Mais en reconnaissant le vainqueur sorti des urnes, selon les institutions reconnues par la constitution congolaise, les pays comme la France, les Etats-Unis ou des organisations internationales comme l’Union africaine et l’Union européenne donnent simplement l’opportunité à la République démocratique du Congo de s’éviter une crise post-électorale dont les conséquences ne seront désastreuses que pour des populations, en majorité au quotidien déjà très précaire. Ce n’est pas jouer les avocats du diable, mais il faut reconnaître que ne plus tirer sur la corde de la contestation des résultats, au risque de la casser, c’était le seul moyen de ne pas mettre en lambeaux le tissu social congolais déjà bien entamé par les tiraillements entre politiciens de l’opposition et du pouvoir. A cela, il faut concéder, avec Charles de Gaulle que «les Etats n’ont pas d’amis» et qu’«ils n’ont que des intérêts». L’opposant et champion de la coalition «Lamuka», Martin Fayulu et ses partisans qui continuent de dénoncer le vol de leur victoire au scrutin présidentiel de décembre dernier l’ont sans doute amèrement compris, avec le rétropédalage des occidentaux et de l’UA.
En tout cas, Joseph Kabila, dont l’ombre planera sur cette investiture et même sur le futur mandat de son successeur, a joué et a gagné sur un terrain où sa peau avait été vendue avant l’ouverture même de la chasse. Son absence dans les starting-blocks pour contrainte constitutionnelle et son choix d’un candidat sans envergure ont vite fait croire à ses contempteurs que le fils de Laurent Désiré Kabila était foutu. Mais le très futé renard de Kinshasa qui avait plus d’un tour dans sa nouvelle barbe bien fournie, a maîtrisé la situation du début jusqu’à la fin. Il s’est même offert le luxe de servir au peuple et à la communauté internationale friands d’alternance démocratique, la victoire d’un opposant. Toutefois, le risque était bien calculé, car Joseph Kabila, en réalité, n’a jamais perdu le pouvoir. Le parlement, le sénat, le gouvernement et les provinces restent dans la gibecière du système qu’il a tissé avec soin. Le reste n’a été qu’un jeu pour lui, car la souveraineté de la RDC lui donnait le droit et lui conférait le devoir d’organiser ses élections et de proclamer ses résultats, sans attendre l’UA et l’UE. D’ailleurs, Kabila en fin connaisseur du marigot politique africain savait bien que la plupart de ses pairs qui, par UA interposée, doutaient des résultats de la présidentielle en RDC, sont les moins bien placés pour lui donner des leçons en matière de démocratie. Le Tchadien Idriss Deby Itno, le Congolais Denis Sassou Nguesso ou le Rwandais Paul Kagame, pour ne citer que ceux-ci, en s’accrochant au pouvoir, charcutant au passage leurs lois fondamentales et tenant leurs opposants en respect loin du fauteuil présidentiel ne sont point des parangons de la démocratie. Peuvent-ils alors logiquement se targuer de contester des élections qui ont porté au pouvoir un opposant dans un pays qui, malgré les fraudes et autres points noirs, vient de vivre sa première alternance pacifique?
En RDC, le vin est tiré. Même si la Commission épiscopale nationale du Congo (CENCO), campe sur sa position en refusant déjà de prendre part à l’investiture de Félix Tshisekedi dont elle conteste l’élection. Il importe maintenant de surveiller les premiers pas titubants du processus démocratique pour ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Tout est accompli et la seule double leçon à tirer de ces élections en RDC est qu’elles sont à l’image d’une Afrique qui s’accommode mal de la camisole démocratie et commence à se défaire d’un occident toujours collé à la sauvegarde de ses intérêts par la main-basse sur le riche sous-sol du continent noir.
Par Wakat Séra