Joseph Kabila vient de nommer un nouveau premier ministre comme le suggèrent les Accords de la Saint-Sylvestre. Il s’appelle Bruno Tshibala et ouvre grandement les bras à tous les Congolais dans l’optique de la résolution de la crise qui ébranle la République démocratique du Congo (RDC), depuis la fin, le 19 décembre 2016, du deuxième et dernier mandat de Kabila aux termes de la Constitution. Seulement, le geste de main-tendue du nouveau patron de l’exécutif risque d’être un coup d’épée dans l’eau. L’opposition à qui il est réellement destiné n’en fait pas grand cas. Les anti-Kabila maintiennent la grande manifestation qu’ils ont prévue ce lundi, pour maintenir la dynamique enclenchée et qui semble irréversible, tant que le fils de l’autre n’aura pas accepté de se plier aux conditions de cogestion du pays jusqu’à l’organisation des prochaines élections. Surfant sur le succès de la dernière journée ville morte qu’elle a initiée le lundi 3 avril dernier, et qui a paralysé Kinshasa et d’autres grandes villes comme Lubumbashi, le Rassemblement des forces acquises au changement n’en démord pas. Cette structure née autour de Etienne Tshisékédi dont la dépouille attend toujours rapatriement de Bruxelles vers Kin, reste convaincue que Kabila veut jouer sur la division au sein de l’opposition pour rester maître du jeu.
Difficile de donner tort aux opposants de Joseph Kabila, qui sont vent debout contre la nomination de ce premier ministre qui est visiblement l’un des atouts de l’homme fort de Kinshasa pour déjouer les plans de ses détracteurs et jouer les prolongations au gouvernail de la barque RDC, et plus si affinité. Tel ne serait pas le dessein de Joseph Kabila qu’il aurait nommé tout le monde sauf Bruno Tshibala à ce poste qui devrait revenir à l’opposition. Tshibala, le cheval de Troie de Kabila, qui a certes occupé des postes en vue dans l’opposition, lui-même revendiquant au passage 36 ans de lutte aux côtés du Sphinx de Limété, est n’est plus en odeur de sainteté auprès du Rassemblement, encore moins à l’Union pour la démocratie et le progrès (UDPS), dont il a été exclu. A quoi répond donc sa nomination si ce n’est encore l’une des mille et une ruses de guerre de Kabila pour faire échouer cet accord obtenu avec l’implication du clergé congolais déçu aujourd’hui des calculs intéressés et égoïstes des politiciens ? Du reste, les évêques qui assurent la médiation entre le pouvoir et l’opposition n’ont pas manqué de conclure à l’impasse politique, face aux postions de plus en plus tranchées des deux camps.
A qui profiterait le crime ? Sans aucun doute à Joseph Kabila qui brandirait l’argument du chaos et du non Etat pour espérer garder les rênes du pouvoir envers et contre tous ? Un raidissement sans concession de l’opposition ferait donc l’affaire de Joseph Kabila qui y trouverait l’aubaine rêvée pour assouvir sa soif inextinguible du pouvoir. Certes, le peuple congolais qui sera le plus gros perdant de ce deal entre politiciens habitués aux compromissions les plus basses, essaiera de faire entendre sa voix. Mais au prix de combien de sacrifices encore, Kabila et ses sbires étant prêts à tout pour faire durer le match ? Sous prétexte de protéger les institutions républicaines, l’armée sera mise à contribution par le pouvoir et bonjour les dégâts. La communauté internationale doit savoir qu’au-delà des condamnations timides et souvent calculées en fonction des intérêts de telle ou autre puissance, il urge de pousser les manettes, et les bonnes pour le respect de la constitution. N’en déplaise aux adeptes de la souveraineté de la RDC, ce vaste espace au sous-sol regorgeant de richesses naturelles inestimables et qui aiguise les convoitises.
Par Wakat Séra