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RDC: Kabila, Tshisekedi et la mascarade

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Que fera maintenant l'UA? (Ph. rfi.fr)

Que fera maintenant l’Union Africaine qui, doutant des chiffres provisoires des élections du 30 décembre 2018, avait demandé la suspension de l’annonce définitive par la Cour constitutionnelle et comptait se rendre en République démocratique du Congo ce lundi 21 janvier? Rien, sinon reporter sagement sine die, comme elle l’a fait, son séjour congolais, et chercher à gérer une énième crise postélectorale, ces situations kafkaïennes comme celle de la Côte d’Ivoire en 2010-2011 et dont le continent est devenu coutumier. Comme la Côte d’Ivoire en son temps, voici en effet la RDC qui se retrouve avec deux présidents, l’un Félix Tshisekedi sorti des calculs de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et de la Cour constitutionnelle et Martin Fayulu, adoubé par le peuple? Du reste, Joseph Kabila, le maître du jeu connaissant le passé et l’avidité de ses pairs pour le pouvoir pour lequel certains ont charcuté la constitution de leurs pays ou sont prêts à le faire, sait tirer les bonnes ficelles. Sans surprise, donc la Cour Constitutionnelle a confirmé, samedi 18 janvier, la victoire contestée de Félix Tshisekedi. Le scénario de cette proclamation ressemble à celle du résultat de la présidentielle, dix jours auparavant, annoncée à une heure indue de la nuit. La raison en était toute simple, il s’agissait de communiquer un mensonge salé, la seule parade provisoire dont disposait le régime de Kabila, pour éviter une révolte spontanée du peuple, ne pouvait consister qu’à agir de cette manière.

Jamais élections africaines n’avaient autant mobilisé l’opinion tant en Afrique qu’à l’international. Non pas parce qu’elles promettaient l’excellence, loin de là. Mais parce qu’organisées par un homme cramponné au pouvoir et chevronné en fraudes, elles constituaient plutôt un avis de tempête. Sans la présence d’observateurs internationaux, experts en la matière, dans un pays cinq fois plus grand que la France. Jamais élections africaines n’avaient autant étalé des vices aussi criards, par rapport à la décision de frauder: coupure d’Internet et du signal de RFI, tirs à balle réelle sur des militants de l’opposant Martin Fayulu, ayant fait cinq morts au total, comptage des voix à huis clos, en dehors des témoins de la partie adverse, et comble d’autocratie, report du scrutin dans trois localités, à l’est et à l’ouest du pays (fiefs de l’opposant Fayulu), pour des raisons fallacieuses. Les trois localités comptent plus d’un million d’électeurs. Un banditisme d’Etat avéré, comme nous l’avions déjà écrit!

En proclamant nuitamment Félix Tshisekedi vainqueur, le régime de Kabila ne vient-il pas de franchir le Rubicon? Car, la majorité du peuple congolais, qui a massivement voté pour le candidat Martin Fayulu, aussi bien que les institutions telles que l’Union africaine (UA), l’Union européenne (UE) et d’autres voix autorisées au niveau de plusieurs grandes nations ont émis de «sérieux doutes» sur la conformité des résultat, tels que publiés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Qui est donc le véritable vainqueur? La traçabilité du dépouillement des urnes détenue par la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), institution de l’Eglise catholique, donne plutôt Fayulu largement vainqueur. Résultat approuvé par plusieurs chancelleries occidentales. En fait, seul cet organisme a pu déployer quarante mille observateurs locaux, et pourrait prétendre détenir la vérité des urnes.

Ce sont-là les grandes lignes du résultat de ces élections chaotiques qui profitent au clan Kabila dans sa détermination de garder le pouvoir par tous les moyens. Le reste des questionnements rentre dans les méandres de réseaux et de la «diplomatie secrète», où seuls les intérêts dominent. En usant d’un passage en force, via la Cour Constitutionnelle, Joseph Kabila a-t-il agi, de manière indépendante, ou a-t-il été soutenu par une force obscure, par exemple celle des vautours de la finance internationale? Peu importe les bonnes réponses à toutes ces questions, le grand perdant, c’est le peuple, qui continue de rater des rendez-vous avec son destin. L’antienne était que «Kabila parte». Mais Kabila est toujours là, caché derrière Tshisekedi, un vrai postiche en carton.

Reste une équation de taille: le peuple. Quelle sera sa réaction, à long terme, devant cette mascarade électorale du siècle? Se rangera-t-il définitivement derrière le président autoproclamé, Martin Fayulu à qui il aurait donné «ses» voix? Capitulera-t-il, fataliste, pour éviter les représailles sanglantes d’un pouvoir «kabiliste» sans état d’âme? Ce peuple désormais très divisé et comme enchaîné par le «syndrome de Stockholm», et qui regarde son bourreau Kabila avec amour.

Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France