«Le chien aboie, la caravane passe»! Difficile de trouver formule autre que cet adage universel pour illustrer la situation kafkaïenne imposée à la République démocratique du Congo par Joseph Kabila et ses laquais contraints par la rue, l’église catholique et une partie de la communauté internationale, d’aller aux élections. Et sans l’actuel chef de l’Etat qui, aux termes de la Constitution de son pays ne pouvait plus prétendre à un troisième mandat. Après avoir fait dans la résistance pendant un bout de temps, poussant la RDC vers une crise politique qui finalement a débouché sur les élections chaotiques du 30 décembre 2019, reportées à plusieurs reprises, le pouvoir continue d’étaler toute sa mauvaise foi pour se jouer du peuple. Tous les subterfuges ont été mis à contribution sans succès: les «machines à voter» qui portent à merveille leur surnom de «machines à voler», les interdictions de mener campagne et même de voter dans certaines localités où il craignait un raz-de-marée de l’opposant Martin Fayulu, les intimidations et tirs à balles réelles qui ont provoqué des morts, le renvoi sous somation de l’ambassadeur de l’Union européenne en RDC, l’interdiction de certains observateurs internationaux qui n’ont pas leur langue dans leur poche, etc. Autant de moyens et de décisions ayant pour base des arguments fallacieux qui ont été utilisés à souhait par Joseph Kabila et une Commission électorale nationale indépendante (Céni), acquise à la cause du pouvoir.
Malgré tout, les élections générales, du reste, dites historiques ont eu lieu, dans les conditions calamiteuses dans le seul but de faire gagner Emmanuel Ramazani Shadary, le candidat de la coalition présidentielle. Et pour montrer qu’il n’a pas abdiqué dans son jeu de conserver le pouvoir sans avoir pris part à la compétition, «le maître du jeu» est passé au grand…jeu, rendant RFI aphone en RDC en coupant presque tous les signaux et en suspendant l’accréditation de la correspondante de la «radio mondiale» à Kinshasa. Une télévision privée proche de l’opposition a également été fermée. «Last but not the least», car déterminé à réussir son «hold up» électorale sans témoins, l’internet a été coupé par les autorités de la RDC, sans autre forme de procès. Et c’est dans ce flou artistique que la Céni qui avait promis publier les résultats provisoires le dimanche 6 janvier prochain avance des difficultés de compilation pour en demander le report. Probablement qu’elle obtiendra gain de cause, Kabila ayant décidé depuis fort longtemps de tout faire à sa guise, en ignorant royalement les recommandations, ou pire, les injonctions d’où qu’elles viennent. En tout cas, l’institution en charge de l’organisation des élections est marquée à la culotte par la Commission épiscopale nationale du Congo qui n’entend lui laisser aucun répit. La Cenco qui dit connaître le nom du vainqueur de la présidentielle car ayant en sa possession les chiffres issus de la compilation, demande à la Céni de publier les résultats dans la transparence et selon le choix du peuple congolais. L’Union africaine, en reconnaissant «une première victoire du peuple congolais» exige aussi que les résultats qui seront proclamés soient «conformes au vote du peuple congolais».
La Cenco et l’UA auront-elles gain de cause? Rien n’est moins sûr, car Joseph Kabila n’a visiblement pas organisé «ses» élections pour les perdre. Et ce n’est certainement pas dans la dernière ligne droite que le chef de l’Etat congolais qui a laissé pousser une barbe fournie, symbole bien connu des «maquisards», capitulera dans cette guerre contre l’alternance démocratique, qu’il a lancée depuis 2016, à la fin de son deuxième mandat constitutionnel. En attendant le verdict des urnes, sauf heureux retournement de situation, c’est une crise postélectorale dont on ignore l’envergure qui se profile à l’horizon. Pour l’instant, «le chien» du peuple «aboie» et «la caravane» de Kabila passe!
Par Wakat Séra