Réseau internet, SMS, RFI coupés. Témoins chassés des bureaux de vote. Observateurs électoraux des grandes institutions absents car interdits par les autorités congolaises. Ainsi se déroulent la suite des votes en République démocratique du Congo où le dépouillement des bulletins se poursuit. Tout se passe en RDC comme si quelqu’un veut cacher quelque chose aux populations congolaises qui ont enfin voté le 30 décembre 2019, anniversaire presque jour pour jour de l’accord dit de la Saint Sylvestre obtenu de justesse, le 31 décembre 2016, sous les auspices de l’Eglise catholique, alors que le pays était en pleine crise politique, du fait que Joseph Kabila jouait les prolongations à la tête du pays alors qu’il était au terme de son deuxième mandat constitutionnel. C’était en 2016. Contraint par la rue et une partie de la communauté internationale à l’abandon de son projet de troisième mandat, synonyme de présidence à vie, le chef de l’Etat congolais vient de servir, après trois reports, des élections générales à ceux qui en voulaient. Les 39 millions d’électeurs appelés aux urnes ont, de façon générale, accompli leur devoir citoyen dans le calme. Certes, en plus des dysfonctionnements classiques des jours de vote en Afrique, deux morts ont été constatés, des interpellations observées, et des frustrations énormes qui habitent des millions d’électeurs privés de droit de vote pour des raisons d’épidémie d’Ebola ou des tensions dites encore palpables de conflits interethniques. Ces arguments avancés par les autorités sont balayés du revers de la main par les opposants et des populations frustrés pour qui, le pouvoir, en interdisant les élections à Butembo, Beni et Yumbi n’a d’autre but que d’empêcher de nombreux électeurs de donner leurs voix à Martin Fayulu, le candidat de la coalition «Lamuka» qui avait suscité un engouement indescriptible autour de sa personne durant la campagne électorale.
Le vin des élections dites historiques en RDC est tiré, mais nombre de Congolais refusent de le boire, encore moins jusqu’à la lie. C’est ainsi que les populations des trois localités qui ne pourront voter qu’en mars et dont les voix ne seront plus prises en compte pour la présidentielle et serviront à désigner 15 députés, ont choisi d’organiser leurs propres élections. Elles se sont donc rendues aux urnes et entendent, après dépouillement, envoyer leurs bulletins et leurs chiffres à la Commission électorale nationale indépendante (Céni). L’institution en charge des élections, présidée par Corneille Nanga, et que certains taxent d’être à la solde du pouvoir, ne tiendra aucunement compte de ces suffrages exprimés par les «bannis» des élections du 30 décembre. Mais ces derniers veulent juste prouver à la Céni qui a jusqu’au 6 janvier pour proclamer les chiffres provisoires, et à l’opinion nationale et internationale, que c’était bien possible d’organiser des élections provinciales, législatives et présidentielle dans leurs zones. En attendant de savoir qui succèdera à Joseph Kabila, les candidats de l’opposition, Martin Fayulu et Félix Tshisekedi et de la majorité au pouvoir, Emmanuel Ramazani Shadary se sont tous dits confiants. S’il faut se réjouir de la tenue de ces élections, notamment la présidentielle qui devrait marquer officiellement la fin de l’ère Kabila, on ne peut que dénoncer les mille et unes entraves qui ont émaillé la campagne électorale et le jour des votes. Faut-il organiser des élections pour organiser des élections? Question triviale mais qui prouve que l’Afrique, comme l’a dit à raison, l’ancien président Jacques Chirac n’est pas mure pour la démocratie.
Mais en attendant de terminer son apprentissage forcé dans le processus démocratique dont le volet focal est l’alternance démocratique, il faut espérer qu’il y ait eu plus de peur que de mal pour la RDC qui pourrait bien connaître des lendemains d’après élections amers.
Par Wakat Séra