Trois messes et un cadavre qui divise et dérange. C’est le titre accrocheur du dernier épisode en date du film tourné à Kinshasa par les héritiers, vrais et faux, de Etienne Tshisekedi, le leader historique de l’opposition congolaise, décédé le 1er février 2017. Sauf que ce scénario est loin d’être de la fiction. C’est l’histoire réelle du cadavre indésirable du Sphinx de Limete dans son pays la République démocratique du Congo. Comme pour justifier sa réputation d’éternel opposant dérangeant, Etienne Tshisekedi, même après sa mort, continue d’être le poil à gratter de Kinshasa. Et si son âme repose sans doute en paix, compte tenu de toutes ces célébrations et prières faites pour ça, le corps lui, objet de dispute et tractations indécentes, à forte odeur politique, est loin de trouver le repos éternel dans sa terre natale. Il est toujours dans un funérarium au pays des ancêtres belges des Congolais. Le pouvoir qui profite à souhait de cette disparition qui contribue à creuser les brèches au sein du principal parti d’opposition qu’est l’Union pour la démocratie et le progrès (UDPS) de Feu Etienne Tshisekedi se presse très lentement pour faciliter le retour au bercail du cadavre le plus célèbre actuellement en RDC. Favorisant inconsciemment ou volontairement ce jeu dont Joseph Kabila reste le seul maître, l’UDPS désormais en morceaux du fait des divisions internes qui le secoue, ne fait rien pour redresser la barre.
Ressemblant plus à un parti moribond qu’à cet épouvantail qui faisait trembler le pouvoir au moindre claquement de doigts mobilisateur de son géniteur, l’UDPS n’a jamais su trouver le leader qui aurait pu fédérer les orphelins de Etienne Tshisekedi. Même le fils du défunt, Félix, n’a pu prendre le flambeau qui se meurt inexorablement, à moins d’un sursaut d’orgueil d’opposants, davantage préoccupés par les appels au festin de Joseph Kabila, féru dans l’art du diviser pour régner. Habile manipulateur, le président dont le mandat est caduc depuis le 20 décembre 2016, aux termes de la constitution, ne craint presque plus rien de cette opposition dont l’un des membres siège aujourd’hui à ses côtés comme premier ministre. Du reste, sans doute au terme de savants calculs politiques dont il espère récolter les dividendes, c’est bien Bruno Tshibala, se réclamant l’héritier légitime de Etienne Tshisekedi, engagé dans ce sens dans un combat âpre pour récupérer le label et le siège de l’UDPS, qui promet de faire revenir le cadavre de son ancien compagnon de route à Kinshasa. Ce ne sera pas de la mer à boire pour le premier ministre, lui dont Joseph Kabila se sert pour couler définitivement l’UDPS, ou tout au moins l’empêcher du fait de ses dissensions internes de s’opposer à son dessein funeste de briguer ce troisième bail qui pourrait lui ouvrir la voie de la présidence à vie en RDC.
Dérangeant jusqu’à la tombe, Etienne Tshisekedi que ses partisans désirent voir élevé au rang de héros national, l’aura été. Cependant, il emporte avec lui ce charisme fédérateur et cette intégrité personnelle qui lui permettaient de sonner le cor de la mobilisation, parfois juste en cillant. Toute chose que peine aujourd’hui à faire une opposition, dont les animateurs, en exil ou vivant en RDC, ne peuvent plus se targuer. A moins que les dernières sorties des pasteurs de l’Eglise catholique et les manifestations des laïcs pour le respect de l’Accord de la Saint-Sylvestre ne redonnent un coup de fouet à cette opposition en berne.
Par Wakat Séra