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Réarmer et donner droit aux valeurs africaines pour sortir de la crise sécuritaire

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(Ph. Archive)

Ceci est une tribune de Mamadou Diallo qui qui convoque Cheikh Anta Diop pour une recherche de solution de sortie de crise sécuritaire.

« A l’occasion du 37ème anniversaire ce 7 février 2023 de la perte incommensurable de l’IMMENSE Cheikh Anta DIOP, je voudrais convoquer sa pensée en relation avec la recherche de solution de sortie de la crise sécuritaire que traverse notre pays depuis 2015.

Je voudrais pour ce faire, en introduction de mon propos, situer la notion de valeur en empruntant l’apport conceptuel y relatif du Dr A.S. Mungala (1982) cité par le think-tank WATHI dans la synthèse de son Débat (Mataki) de 2016 sur les valeurs africaines.

«Valeur: tout fait social ou de culture qui est conforme à la raison, à la nature de l’homme et qui répond positivement aux besoins fondamentaux de la majorité des membres d’une communauté humaine. De ce point de vue, les valeurs revêtent un caractère dynamique et permettent ainsi à l’individu de vivre en équilibre harmonieux aussi bien avec lui-même qu’avec les autres. Elles ne brisent pas les structures psychiques des individus et ne marginalisent pas les sociétés qui en vivent, mais leur offrent plutôt les moyens de débloquer certains mécanismes sociaux grippés ou de dominer des phénomènes nouveaux et imprévisibles de manière à faire de l’homme le premier bénéficiaire du progrès».

L’œuvre éditoriale inaugurale majeure du combat pour l’Afrique de Cheikh Anta DIOP qui aurait fêté son centième anniversaire le 29 décembre 2023 est «Nations nègres et culture. De l’antiquité égyptienne aux problèmes culturels de l’Afrique Noire d’aujourd’hui». Cet ouvrage édité en 1954 par Présence Africaine a été suivi de son vivant de 5 autres ouvrages majeurs :

  • L’Unité culturelle de l’Afrique Noire. 1960
  • L’Afrique Noire pré-coloniale. 1960
  • Les fondements économiques et culturels d’un Etat Fédéral d’Afrique Noire. 1960
  • Antériorité des civilisations nègres: Mythe ou vérité historique ? 1967
  • Civilisation ou Barbarie. 1981

A à titre posthume, Présence Africaine a édité en 1988 «Nouvelles recherches sur l’égyptien ancien et les langues africaines modernes».

On peut ainsi entrevoir l’étendue intellectuelle du combat de Cheikh Anta pour une Renaissance Africaine dont lui-même souligne ainsi la portée: «Le Nègre ignore que ces ancêtres, qui se sont adaptés aux conditions matérielles de la vallée du Nil, sont les plus anciens guides de l’humanité dans la voie de la civilisation; que se sont eux qui ont créé les Arts, la religion (en particulier le monothéisme), la littérature, les premiers systèmes philosophiques, l’écriture, les sciences exactes (physique, mathématiques, mécanique, astronomie, calendrier….), la médecine, l’architecture, l’agriculture, etc. à une époque où le reste de la terre (Asie, Europe, Grèce, Rome….) était plongé dans la barbarie».

On peut synthétiser le sens profond de ce combat en empruntant les mots de Théophile Obenga: «La prise de conscience de l’histoire est un double acte: (a) acquérir une conscience de plus en plus aigüe de la profondeur historique du monde tel qu’il a vécu; (b) et aussi, corrélativement, acquérir une conscience de participer à l’histoire, de faire l’histoire. La conscience historique est de l’ordre de l’éveil, de la possibilité de choix, c’est-à-dire, en bref, de l’ordre même de la liberté. Les « accidents » de l’histoire (traite négrière, colonisation, traumatismes économiques, politiques, culturels, psychologiques) ont rendu le peuple africain noir amnésique: la mémoire historique collective du peuple africain a été atteinte, profondément. Cheikh Anta Diop a entrepris une œuvre fondamentale pour la restauration de la conscience historique africaine».

C’est dire que la singularité de la présence de l’Afrique Noire au monde, soulignée par Cheikh Anta peut et doit être assumée. Cette singularité tient précisément aux valeurs africaines qui en font une énigme pour l’essentiel de la pensée intellectuelle moderne.

On entend très souvent dans tous les discours publics et privés l’évocation des valeurs africaines, soit pour les célébrer, soit pour regretter qu’elles ne soient plus ce qu’elles étaient (WATHI).

Il ne s’agit pas de cela; encore moins de la comédie des « bonnets rouges » en politique, de leur syndicalisation et de leur constitutionnalisation. Il s’agit pour ainsi dire, de retrouver la boîte noire qui nous permettrait de comprendre la dynamique anthropologique et sociale des sociétés villageoises, d’y repérer ce qui est théoriquement concevable comme modèle avancé de notre temps et de construire ainsi notre propre modernité. Les sociétés villageoises contemporaines sont en effet la donne immensément majoritaire de notre démographie, de notre vie culturelle, sociale et économique. Il est impossible de faire œuvre utile sans elles, contre elles et à leur place. Ce fut en Afrique le projet de la mission civilisatrice portée par la Colonisation et aujourd’hui par l’Etat-Nation post-colonial.

Cheikh Anta DIOP est souvent célébré à juste titre pour avoir soutenu scientifiquement que l’Egypte pharaonique a été l’œuvre de Nègres. C’est désormais un fait historique incontestable.

Il importe d’aller de l’avant; et, pour ce faire, d’identifier les fondements (l’infra-texture) des réalisations civilisationnelles de l’Égypte pharaonique et de bien prendre conscience, qu’elle aussi, est historique située. L’œuvre de Cheikh Anta DIOP montre à souhait, que les réalisations civilisationnelles de l’Égypte pharaonique, sont assises sur des connaissances scientifiques et techniques, mais aussi sur des valeurs qui en ont articulé le sens moral et éthique pour ses habitants et sa société.

A cet égard Cheikh Anta soulignait dans l’introduction de son ouvrage Civilisation ou Barbarie : «Donc pour nous, le fait nouveau, important, c’est moins d’avoir dit que les Egyptiens étaient des Noirs à la suite des auteurs anciens…… que d’avoir contribué à faire de cette idée un fait de conscience historique africaine et mondiale et surtout, un concept scientifique opératoire: c’est ce que n’avaient pas réussi à faire nos prédécesseurs (souligné par nous)».

Cheikh Anta DIOP pour ce faire en a tracé les perspectives notamment quand il indique: «Aujourd’hui encore, de tous les peuples de la terre, le Nègre d’Afrique noire, seul, peut démontrer de façon exhaustive, l’identité d’essence de sa culture avec celle de l’Égypte pharaonique, à telle enseigne que les deux cultures peuvent servir de systèmes de références réciproques. Il est le seul, à pouvoir se reconnaître encore de façon indubitable dans l’univers culturel égyptien ; il s’y sent chez lui ; il n’y est point dépaysé comme le serait tout autre homme, qu’il soit indo-européen ou sémite (……)

Les études africaines ne sortiront du cercle vicieux où elles se meuvent, pour retrouver tout leur sens et toute leur fécondité, qu’en s’orientant vers le Nil.

Réciproquement, l’égyptologie ne sortira de sa sclérose séculaire, de l’hermétisme des textes, que du jour où elle aura le courage de faire exploser la vanne qui l’isole doctrinalement, de la source vivifiante que constitue pour elle, le monde nègre».

Sans conteste, nos sociétés villageoises contemporaines vivent encore aujourd’hui la plénitude de la culture nègre et ses valeurs ; elles constituent par excellence le monde nègre dont parle Cheikh Anta.

L’approche en «systèmes de référence réciproques» entre les sociétés villageoises africaines contemporaines et la culture égyptienne pharaonique préconisée par Cheikh DIOP devrait permettre de réactiver en quelque sorte la boîte noire de la dynamique de construction d’une modernité politique africaine contemporaine bien ancrée dans la plénitude culturelle nègre ; donc, loin de tout mimétisme et universalisme imposés.

Tel est le sens profond de mon engagement pour le Dialogue pour sortir de la crise sécuritaire et dans l’Initiative d’une Pétition à venir pour la collecte de deux millions de signatures en sa faveur et tout particulièrement de signatures de personnes vivant en milieu rural et nos PDI.

Tel est aussi le sens profond de l’orientation proposée pour les acteurs de la conduite du Dialogue, ses modalités et ses thématiques. Le Projet de Pétion (en version audio et texte) peut être examiné et commenté via le lien Mouvement 2 Millions de Signatures.

Tel est enfin le sens profond de mon plaidoyer pour l’émergence et la massification d’une élite organique c’est-à-dire, une élite nourrie de la pensée de Cheikh Anta DIOP dont je vous invite à découvrir une synthèse de sa vie et de son apport à l’Afrique à travers le lien Portrait de Cheikh Anta DIOP-Kemtiyu. »

Mamadou DIALLO

74 50 18 59

adidiam@yahoo.fr