Ruse de guerre ou pas, la rébellion avortée du patron de Wagner, Evguéni Prigojine n’aura pas que des conséquences sur le microcosme militaro-civil de la Russie ou la guerre en Ukraine. Certes, le coup d’éclat de Prigojine reste encore entouré d’un grand flou lourd à couper au couteau et laisse bien des questions en suspens, notamment sur l’inaction de l’armée russe lors de l’«assaut» de Wagner en direction de Moscou et son occupation de Rostov-sur-le-Don, ville au sud de la Russie d’où sont organisées les opérations sur Ukraine. Mais il faut dire qu’il laisse, aussi, pantois, les Africains.
En effet, sur le continent noir, le groupe de sécurité privé étant considéré, ce qui est une vérité de La Palice, comme le bras armé de la Russie dans des affaires où Kremlin ne veut pas s’illustrer officiellement. En somme, Wagner, n’existe pas dans bien des pays africains, où il est pourtant régulièrement accusé par la communauté internationale, d’exactions sur les populations civiles. Que ce soit au Mali ou en Centrafrique, les officiels parlent plutôt d’«instructeurs» présents sur leur sol dans le cadre de la coopération séculaire avec Moscou. Sauf que le sulfureux patron de Wagner lui-même ne fait aucun mystère pour affirmer la présence en Afrique de ses hommes, à qui certains font porter la casquette peu glorieuse de «mercenaires».
S’ils sont nombreux, en Afrique comme ailleurs, à douter de ce qui pourrait être une de ses tromperies dont Vladimir Poutine, comme un bon joueur d’échec à la maîtrise, il faut tout de même reconnaître que l’affaire, depuis ce samedi, fait les choux gras de la presse. Et comme il fallait s’y attendre, bien des experts sont appelés à la rescousse sur les plateaux constitués, pour la plupart, à la hâte, pour en évoquer les conséquences. La guerre de l’information fait plus que jamais rage et, que le coup d’éclat de Prigojine soit une réalité ou un montage mal ficelé, il permet de montrer que le système Poutine peut se lézarder, voir s’écrouler.
De même, au Mali comme en Centrafrique, ceux qui ne sont pas en mesure de pousser l’analyse aussi loin que les bookmakers de la politique et des conflits, n’auront certainement plus la même confiance aveugle dans la grande puissance de Vladimir Poutine qu’ils déifient, à la limite. Et si ce coup se révèle être un faux, c’est la crédibilité, s’ils en ont déjà eu, d’Evguéni Prigojine et de son «armée» dans l’armée, qui en prendront un bon coup. De plus Prigojine même s’il a trop facilement obtenu de s’exiler en Biélorussie et que ses hommes ne devraient pas non plus être inquiétés pour rébellion armée, doit savoir que d’une manière ou d’une autre, sa tête peut être mise à prix par «ses amis» d’aujourd’hui. Ou des «patriotes zélés», car tout le monde n’est pas sensé être dans le secret!
Questions: quel avenir pour Wagner en Afrique? Tout dépendra certainement du sort de Prigojine lui-même. Restera-t-il patron de ce groupe depuis son exil biélorusse? Et si Wagner est absorbé par l’armée russe? Mais le facteur déterminant sera, indubitablement, l’appétit de l’ours russe pour le continent noir.
Par Wakat Séra
*ruse militaire
