Rêve ou réalité? Non rêve devenu réalité! Ainsi pourrait-on qualifier les images, photo et vidéo, de Guillaume Kigbafori Soro (GKS) et Charles Blé Goudé (CBG) qui se sont retrouvés à La Haye ce dimanche 24 novembre 2019 tout sourire, pendant que des masques se formaient et que des cadavres se retournaient dans leurs tombes à Abidjan! Oui, comme au bon vieux temps des luttes au sein de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci), le mythique syndicat des étudiants et élèves du pays de Nana Houphouët, les deux «leaders» de la jeunesse se sont retrouvés ce 24 novembre 2019. A la faveur d’une visite de GKS à La Haye. Si les deux hommes, bien charmants et très courtois ont fait leurs armes dans cette organisation créée dans les années 1990, il n’en demeure pas moins que beaucoup de divergences les ont éloignés, que ce soit cette lutte de leadership au gouvernail de la Fesci ou plus tard dans les choix politiques dans une vie plus récente. Certes, l’avenir reste encore imprécis sur les contours d’un rapprochement sur le long terme entre les Générations solidaires de Guillaume Soro et le parti du Congrès panafricain pour la justice et l’égalité des peuples (Cojep) de Blé Goudé, mais déjà, leurs accolades ont enflammé les réseaux sociaux en cette paisible et sainte journée dominicale du 24 novembre. De plus, le jour choisi par les deux parties constitue bien un symbole de paix, de repentance et de pardon, ingrédients indispensables pour la réconciliation nationale qui a servi d’étoile polaire à ces retrouvailles voulues très chaleureuses.
Baiser de Judas ou réelle volonté d’aller à cette réconciliation dont la Côte d’Ivoire a besoin depuis la rébellion de septembre 2002 et la crise postélectorale de 2010? En tout cas, peu de gens croyait encore à cette poignée de main, à commencer peut-être par les deux anciens amis devenus ennemis et redevenus amis à la faveur de circonvolutions dont seuls les politiciens ont le secret. Il faut le dire, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts! Car si Blé Goudé n’avait pas été expédié comme un colis à la Cour pénale internationale (CPI) pour laisser gouverner tranquillement Alassane Ouattara et que Guillaume Soro ne se retrouvait pas aujourd’hui en disgrâce avec le pouvoir de l’actuel homme fort d’Abidjan qu’il a contribué à hisser à la présidence, cette journée de retour aux anciennes amours n’aurait jamais existé. Mieux, si l’élection présidentielle de 2020 pour laquelle Guillaume Soro est candidat et a besoin de soutiens, même de la part du diable, ne pointait pas déjà, son séjour dans la capitale des Pays-Bas n’aurait sans doute pas été d’actualité. En somme, les deux «bouillants garçons» de la faune politique ivoirienne ne se seraient pas mués en chantres de la réconciliation nationale si leurs intérêts personnels et leur survie n’étaient en jeu. Et c’est clair, l’étape de La Haye pourrait bien constituer une escale stratégique sur la route de Guillaume Soro vers Bruxelles où séjourne l’ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo, toujours indésirable à Abidjan et donc retenu dans les rets de Fatou Bensouda, la dame de fer de la CPI. Du reste, sauf incident dans l’agenda du président ivoirien, Alassane Ouattara, Blé, le «général de la rue», et Gbagbo, son mentor, ne pourront pas poser les pieds sur les bords de la lagune Ebrié avant 2020. Ils y sont considérés par le pouvoir comme empêcheurs de gouverner en rond!
Ce premier jalon posé, Guillaume Soro pourra plus sûrement rêver du fauteuil de Alassane Ouattara s’il a l’onction du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et du Front populaire (FPI), et donc des deux dinosaures de l’opposition ivoirienne, en l’occurrence Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo. Et ça c’est une autre paire de manches!
Par Wakat Séra