Gbagbo arrive! De mémoire d’Ivoiriens jamais retour au bercail n’a suscité autant d’émoi. Classe politique comme société civile, dirigeants comme citoyens lambda, personne n’échappe à cet événement qui fera certainement date dans l’histoire de la Côte d’Ivoire en pleine quête d’une réconciliation en chantier. Lancé depuis la décision courageuse de Alassane Dramane Ouattara, après avoir obtenu son troisième mandat contesté, de faire revenir à la maison les exilés, notamment ceux proches de son prédécesseur, le compte à rebours est à J-1. Alors que peu y croyait encore, surtout qu’aucune date ne l’accompagnait, jusqu’à l’annonce du 17 juin par les partisans de l’acquitté de La Haye, le rêve deviendra réalité, en principe, ce jeudi. Un jour auquel certains ne croyaient plus, et que d’autres voyaient encore très loin, mais qui est si vite arrivé. Et, le format de l’accueil du «Woody de Mama» semble bien dessiné, maintenant que, dans sa magnanimité, feinte ou réelle, le chef de l’Etat offre le pavillon présidentiel pour la réception de l’ancien banni et poil à gratter du pouvoir.
Que ce retour se fasse en catimini ou dans une grande ferveur, le plus réjouissant est l’esprit de paix qu’entretiennent autour, les Gbagbo ou rien, soit les GORs, qui sont conscients que leur leader a assez souffert d’un éloignement d’une décennie, d’un pays qu’il a servi au plus haut niveau. Qui plus est, cette séparation de la terre de ses ancêtres, Laurent Gbagbo l’a vécue dans une douleur indicible, pris dans les griffes d’une longue et éreintante procédure judiciaire menée, dans les règles de l’injuste…justice des vainqueurs. La Cour pénale internationale, la CPI de la procureure sur le départ, Fatou Bensouda, qui a pris possession, en 2011, de ce colis livré par Abidjan, conduira un jugement dont le but grossièrement masqué n’était autre que de garder loin de la Côte d’Ivoire, l’empêcheur de gouverner en rond que pouvait être Laurent Gbagbo qui n’a eu de cesse de revendiquer sa victoire à la présidentielle ivoirienne de novembre 2010.
Maintenant que beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et que Laurent Gbagbo s’est taillé un costume aux couleurs de la réconciliation, il est temps de fermer la parenthèse de haine pour ouvrir, avec tous les Ivoiriens, une nouvelle ère où il ne sera plus que question de recollage des morceaux de la cohésion sociale et de la marche vers le développement. Ou l’émergence, c’est selon. Certes, la mémoire des victimes des différentes crises politiques sera toujours honorée, car étant éternelle dans les esprits, surtout en Afrique où «les morts ne sont pas morts». Mais, n’en déplaise aux défenseurs indécrottables de ces morts dues aux violences politiques, il urge, de redonner vie à la Côte d’Ivoire, et, certainement que les victimes même seraient heureuses que leurs sacrifices ont servi à la cause de la nation. Si l’objectif est réellement de reconstruire la Côte d’Ivoire, aucun effort, ne devrait être de trop. Il importe surtout de mettre sur la touche, les va-t’en-guerre et autres opportunistes de tous ordres qui cultivent la haine entre fils et filles du même pays et s’en servent comme fonds de commerce, selon des intérêts égoïstes et très personnels.
Il ne faudrait surtout pas transformer ce retour en piège pour opposant politique, mais l’élargir à d’autres exilés politiques, et en faire le ferment d’une réconciliation et d’une union solide contre les adversités de la pauvreté et surtout de division, véritable terreau pour le terrorisme. Du reste, de nos jours, la menace terroriste est bien présente en Côte d’Ivoire qui devient, lentement, mais sûrement, si rien n’est fait, une cible de choix, compte tenu de sa proximité avec les pays du Sahel, en l’occurrence, le Burkina Faso et le Mali, écumés au quotidien, par ces hommes sans foi ni loi. Plus que tout, le retour de l’adversaire politique emblématique qu’est Laurent Gbagbo doit renforcer l’unité nationale et tous les moyens doivent être mis en œuvre par les autorités politiques ivoiriennes, pour l’accompagner, dans le but du renforcement de la paix sociale.
Par Wakat Séra