Ceci est une Tribune de Mamadou Djibo Baanè-Badikiranè, sur le retour du président Donald Trump au pouvoir aux Etats Unis.
Le 20 janvier 2025, le président de la Cour Suprême recevra le serment du président élu, Donald J. Trump. Ce n’est surtout pas la fin de l’histoire comme son compatriote le professeur Francis Fukuyama avait cru voir dans l’effondrement du Mur de Berlin en 1989, évènement, fin de l’Histoire. Oh, que non. Le retour du Président Trump comme Commander -in-Chief de l’hyperpuissante armée du monde, consacre le triomphe et la fin des bruissements et tendances lourdes d’atomisation de la géopolitique mondiale. La force bilatérale est de retour pour ses propres diligences géopolitiques. Les détours de l’Histoire sont insondables. Le retour de l’Histoire l’est comme la fin du somnambulisme des leaders du monde en opposition superficielle et ce faisant, perdant de vue les faits constitutifs du temps long de l’histoire. Ce qui vient dit les lieux de mémoire, maladroitement biffés par de petits tapissiers de l’Histoire, mais surtout, il engage les hommes d’Etat à être réactifs, à anticiper courageusement la vérité des dissolutions de sens, réparation ou création d’injustices et reconfigurations de destins des peuples.
Le prochain quart de siècle, au-delà de la Super Intelligence Artificielle, de sa démence scientiste incontrôlée, la numérisation de nos vies, sera le siècle des titans. Se partager les espaces dits vitaux, les marchés émergents, le partage ou la domestication de territoires, sources et provider d’éminentes de matières premières et stratégiques comme la Conférence de Berlin de 1984-1885 lorsque l’Europe disposait des gens et des territoires et ce depuis la Paix de Wesphalie de 1648. De Jules César à Napoléon Bonaparte en Egypte, sécuriser les ressources, construire des routes, villes forteresses comme la romaine Thamugadi, enfouie et oubliée (Timgad, Algérie actuelle), c’est toujours au service de la tentation impériale. La géopolitique qui vient y ressemble fort sous le Président Trump, le MAGA restitue la tentation impériale sous le mode duel isolationniste/expansionniste. Transiger en histoire, c’est derechef, assumer ses deals, ses transactions bilatérales. De ce point de vue, il y a, assurément, une cohérence syntaxique entre les aspirations trumpiennes et les capacités américaines contemporaines, inouïes. Les illusionnistes parlent de déclin américain, là où les capacités d’innovations, disent l’aube nouvelle.
La mauvaise lecture voudrait aussi que ce retour de Trump soit la solution aux mouvements de populations. Quelle lecture idéologique absurde !
Un concept mal ficelé, erroné qui subsume des leurres politiques que sont ces concreta de conspirationnisme, grand remplacement, d’assignation tribale, raciale ou religieuse. Au demeurant, ce sont, hélas, des outils de peur exhibés pour gagner une compétition électorale. ! L’électoralisme corrompu des démocraties libérales, c’est bien le signal que les formes de la représentation démocratique sont faussées dans lesquelles, désormais, le représentant ne ressemble plus aux représentés mais porteur plutôt de leurs peurs et fantasmes séculaires. Sinon, le déclin démographique ne touche pas les Etats-Unis d’Amérique, en tout cas pas comme le sont sévèrement le Japon, la Chine, la Russie et l’Europe. A moyen terme, cette dévitalisation démographique des autres restitue plutôt la force des Etats-Unis comme puissance scientifique, technologique et d’innovations époustouflantes et, in fine, détenteurs fiables de son destin, aspirations et capacités multifonctionnelles d’accomplissement.
L’Amérique, l’hyper puissance, est de retour avec le Président Trump. Elle est sûre d’elle-même. Et la confiance du Peuple en son chef, l’atteste. Ce capital de confiance n’est pas le même en Inde, en Russie, en Chine et par extension, au sein des BRICS+, bien que leur attachement au multilatéralisme soit sensé. Pour nous autres Africains et Européens, c’est sensé si l’on ne se met pas ensemble comme voisins en déclassement géopolitique, nous serons réduits au statut de spectateurs, voire même, des consommateurs éconduits, et force marginale.
Il en découle deux hypostases géopolitiques globales : le couple Trump/Poutine forme le duo de choc de deux nations de tentation impériale. Ils forment les nouveaux Calliklès que Platon a décrit dans Le Gorgias, porte- étendards d’une morale qui stipule seulement et vaillamment la force des puissants et leur dénonciation, mezza voce, de la règle de droit, la loi et aujourd’hui, le droit international issu de la Déclaration de 1948 (NU). Le monde d’hier et surtout celui qui vient, n’est donc point celui des faibles. D’ailleurs que font-ils ici ? Si ce n’est d’accepter et appliquer le diktat des forts, toute liberté qui rétablit l’ordre, la sécurité des faibles et le progrès de l’homme. Combattre l’impérialisme millénaire de Xerxès 1er à Napoléon ? Pourquoi pas.
L’Histoire humaine est une gangue pour les néoréalistes de retour. Il faut des titans pour le modeler, le formater, le configurer. Et voilà le sens de la raison du plus fort dans la marche du monde. La dose mystique, au surplus, oint le Président Trump. Regardez le miracle de sa survie de la tentative d’assassinat. Les peuples de Dieu, savent qu’il est l’élu de l’Eternel. Quelle époque de raison, de démesure. Le raisonnable côtoie l’irraisonnable pour notre bien. Vraiment ?
Le bonheur, c’est la prise de parole des sages. J’en vois un. Le Premier ministre Jean Chrétien, ancien et grand dirigeant libéral du Canada. Il a écrit une belle tribune, dans le quotidien www.ledevoir.com/politique/831895/jean-chrétien. Une belle lettre aux citoyens canadiens à s’unir autour de leurs valeurs, de ce beau pays tranquille et tolérant qu’est le Canada et, au-delà, aux enfants du monde face aux menaces impériales. La sagesse, l’expérience de ses 91 ans dont la majeure partie le fut comme patriote canadien, cet homme de décence qui a engagé le meilleur programme d’infrastructures canadien en son temps, de réduction du déficit fédéral abyssal laissé par son prédécesseur Brian Mulroney et qui a produit des surplus, mérite d’être entendu.
Son argument est simple. En stratégie militaire, l’on réplique à une menace, une intimidation par un surcroît d’intimidations. C’est la règle dans un monde advenu incertain. Celui qui refuse d’être tétanisée, agressé par les titans sur le retour, réplique comme l’Ukraine. La force n’est pas une propagande. C’est un fait, un état et une capacité. Pour le Président Trump, le Canada, le Groenland, le Canal de Panama, l’Europe arrimée, désespérément, à l’Otan, sont des marche- pieds pour atomiser l’ancienne géopolitique ordonnée par Yalta. Une vraie tectonique des plaques. Le normand Pierre-Simon Laplace était face à Napoléon. Il expliqua la rationalité mathématique et tira les conclusions logiques voire mécaniques inexorables à l’Empereur au point où celui-ci, de l’absence d’incertitudes ni de Dieu, lui demanda : Et Dieu dans tout ça ?
P-S Laplace : « Monsieur, je n’ai pas besoin de cette hypothèse »
Inversement, pour le Président Trump, il a besoin de l’hypothèse de la capture territoriale (amicale, arrangement, achats ou voie référendaire). Une jurisprudence existe aux USA et fut en faveur de son agrandissement de 13 à 50 Etats. Trump, c’est la thèse d’Archimède. Son principe d’un point d’appui, levier ou force moindre susceptible de supplanter, soulever et basculer une plus grande résistance. Les taxes augmentées de 25% contre le Canada et le Mexique (ex ALENA) sont cette moindre puissance pour obtenir un accommodement tarifaire qui dynamite la résistance des deux autres Etats d’Amérique du Nord. Chantage Bien dosé et, rempli au forceps.
Tester la force, c’est la contrarier pour ensuite la dévitaliser. C’est possible. Le Canada dispose de beaucoup d’atouts pour contrarier les menaces tarifaires démentielles trumpiennes. Dans l’unité, il faut donc sortir sa grosse batterie quand on sait que près de 1000 milliards us d’échanges multiples et vitaux, se passent entre le Canada et les Etats-Unis, annuellement.
Vouloir accomplir le grand chelem par le passage Nord (Canada, Alaska, Groenland) d’un et de deux, accommoder la Russie, victorieuse en Ukraine en attendant de capturer Odessa, la ville construite par la Grande Catherine, l’Impératrice Catherine II en 1794, c’est bien comme éclairage d’intention sur une ambition impériale nourrie. Pourquoi ? Parce que le Président Trump joue intelligent transactionnel pour couper l’herbe sous les pieds de la Chine qui est amoureuse de la Sibérie, l’équivalent géographique du Canada. La Russie et la Chine et leur alliance, désarticulée ? L’art de la manœuvre en stratégie, c’est comme le terrain de football qui donne l’initiative à X contre P. Que de convoitises croisées, sourdes mais lourdes de risque majeur pour ces pays convoités mais aussi pour la stabilité et la sécurité internationale.
L’Appel au réveil des Canadiens lancé par le Premier ministre Jean Chrétien devrait sonner la fin des somnambulismes vrais, feints entre les deux continents voisins, complémentaires comme science, technologies, innovations, ressources naturelles, dividende démographique, partenaires traditionnels : l’Afrique et l’Europe. Réinventer le lien diplomatique, économique et politique, un aggiornamento est arrivé. Qu’on ne s’y trompe pas. Oublier son voisin géographique reste l’oubli de soi. Il détruit la paix, la stabilité, le régalien intramuros, la prospérité commune et le partage de destins. Il y a quelques années à l’appel de l’ancien président François Hollande sur la nécessité du partage de croissance entre l’Afrique et la France, j’ai écrit une tribune libre, publiée le 07 mars 2015 par www.lefaso.net pour argumenter que sans partage de destin, point de partage de croissance. Nous y sommes pour conjurer, tous ensemble, notre destin conjoint ou congruent mais géopolitiquement invariant d’Africains et d’Européens. Refuser de construire un partenariat stratégique global entre voisins coincés mais ayant une mémoire assez longue pour anticiper ce qui vient, nous réduits à la gesticulation baveuse et à l’impasse destinale. Pour qui sonne le glas ? Pour celui-là, ceux-là, le 20 janvier 2025, signe peut-être, l’Annus horribilis ! Rien n’est moins sûr pour les chasseurs d’aube libre. Soyons de ceux-là, de celles-là.
Bonne et heureuse Année 2025 !