Des experts des sociétés d’électricité des trois pays membres de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), ont formulé, le jeudi 22 février 2024, des propositions en guise de solution pour une sécurité énergétique dans l’espace, aux autorités notamment les chefs d’Etat, le capitaine Ibrahim Traoré, le colonel Assimi Goïta et le général de brigade, Abdourahamane Tchiani, lors de la clôture d’un atelier qui les a réuni durant trois jours à Ouagadougou autour du thème: « Quelles stratégies pour sécuriser l’approvisionnement des pays de l’AES en énergie électrique ? ». Ils ont souhaité la réalisation de plusieurs projets dont « une centrale nucléaire et des centrales éoliennes de grandes capacités au plus tard en 2034 ».
La rencontre des experts des pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) de la Société nationale d’électricité du Burkina Faso (Sonabel), de la Société nigérienne d’électricité (NIGELEC) et de l’Énergie du Mali (EDM-SA), des structures ayant la charge de la production, du transport et de la distribution d’électricité pour leur pays respectif, a pris fin dans la soirée du jeudi 22 février 2024 à Ouagadougou, à l’hôtel Silmandé. Il faut préciser d’emblée que cette rencontre, première du genre, a réuni les experts des trois pays de tous les métiers de l’électricité, selon ses organisateurs.
Le patron de cette cérémonie de clôture, Souleymane Kéré, Président du Conseil d’Administration (PCA) de la Sonabel qui représentait à cette occasion, le ministre des Mines, de l’Energie et des Carrières, Yacouba Zabré Gouba, a indiqué que cet atelier « n’a été ni plus ni moins que la démonstration de (leur) volonté affichée de prendre (leur) destin en main en matière d’approvisionnement de (leurs) pays en électricité ».
Face à un environnement socio-politique en pleine mutation, le Burkina Faso, le Mali et le Niger, « n’avaient d’autre choix que de développer une résilience énergétique, de mutualiser et de renforcer la coopération énergétique dans (leur) espace sahélien », a justifié le PCA de la Sonabel.
« Les conclusions de vos concertations sont attendues au plus haut niveau de nos Etats. Ces conclusions seront transmises sans délai à nos trois chefs d’Etat, le capitaine Ibrahim Traoré, le colonel Assimi Goïta et le général de brigade, Abdourahamane Tchiani », a-t-il promis avant d’indiquer que les experts « ont joué (leur) partition en tirant la sonnette d’alarme ».
Vers l’interconnexion exclusive des trois pays de l’AES
Les besoins en énergie des pays membres de l’AES dépassent largement les disponibilités. C’est pourquoi, les participants à cette rencontre ont posé un diagnostic sans complaisance de la situation du secteur électrique des Etats de la zone déjà éprouvée par l’hydre terroriste car il y va de la survie de leurs économies nationales.
Les infrastructures arrêtées de commun accord par ces experts sont d’énormes infrastructures qui « auront la capacité de fournir l’électricité au-delà des frontières nationales », a déclaré Souleymane Ouédraogo, directeur général de la Sonabel, citant par exemple la centrale à charbon de Salkadamna culminant « une puissance de 600 MW alors que les besoins actuels du Niger sont inférieurs à 300 MW ».
« Donc avec cette centrale on pourra transporter l’énergie jusqu’au Burkina et au Mali », a avancé M. Ouédraogo qui a soutenu qu’« il y a également de grandes centrales solaires qui seront développées au Burkina Faso, des centrales de très grandes capacités qui permettront d’approvisionner aussi bien le Niger que le Mali ».
Pour lui, toute cette réflexion doit être soutenue par un réseau de transport très solide. « Actuellement, les trois pays malheureusement ne sont pas interconnectés. Donc, nous avons focalisé la réflexion sur l’interconnexion de ces trois pays. Il y a des projets qui sont déjà en cours pour connecter le Burkina et le Niger. Nous sommes en train de voir dans quelle mesure on peut accélérer la mise en œuvre d’un projet de transport pour connecter le Mali et le Burkina, ce qui va permettre à ces trois pays d’échanger de l’énergie entre leurs trois sociétés », a-t-il fait savoir.
Quid des projets pilotés par le WAPP, la structure spécialisée de la CEDEAO qui s’occupe des questions énergétiques. Ils « ne sont pas compromis parce qu’en dernier ressort se sont les pays qui engagent leur responsabilité financière dans la réalisation de ces infrastructures », a rassuré le DG de la Sonabel qui a tranquillisé également les journalistes sur les difficultés de financement des projets définis à cet atelier.
« L’électricité est un secteur marchand, un secteur qui, s’il arrive à équilibrer ses comptes, peut mobiliser suffisamment de ressources pour réaliser les infrastructures », a renchéri Souleymane Ouédraogo qui a pris l’exemple du barrage hydro-électrique de l’Ethiopie. « La population a cotisé pour permettre la réalisation du barrage », a-t-il lancé.
« Soyez rassurés car on a cherché des sources de financements »
Face au développement socio-politique des pays membres de l’AES, « il faut qu’on se prépare sur la manière de mettre les choses ensemble. Il y a des études et des installations à faire avant qu’on en arrive à la consommation. Ce sont ces préalables qu’on est en train de faire pour en arriver à juguler le manque de l’électricité dans nos pays », a expliqué la directrice générale de la Nigelec, Fati Abarchi.
Elle est revenue sur la mobilisations des ressources en disant que les pays de l’AES ne sont qu’à la première rencontre. « Soyez rassurés car on a cherché des sources de financements qui se feront bientôt et on verra les pistes à suivre parce que ce sont de gros montants qui sont en jeu », a-t-elle appuyé.
« On verra avec nos structures bancaires et nos partenaires en vue de faire en sorte que nos Etats nous accompagnent parce que nos sociétés d’électricité ne sont pas en très bonne santé financière présentement », a conclu la première femme hissée à ce poste considéré technique, dans les pays de l’AES.
Les conclusions et synthèses des travaux
Les conclusions et recommandations ont été lues au parloir par l’experte Awa Dembélé du Mali. Pour améliorer et sécuriser l’approvisionnement en énergie électrique, les sociétés nationales de l’électricité des pays de l’AES se donnent la vision stratégique basée d’une part sur la valorisation des ressources endogènes de production et surtout facile en aide à l’eau avec les pays d’obtention et d’autre part la définition d’un mécanisme approprié d’un système et de suivi et installation. Ainsi, six axes stratégiques ont été dégagés.
Il s’agit de la « valorisation des ressources endogènes, développement des échanges de l’énergie électrique, promotion de la recherche et de l’innovation dans le domaine de l’énergie électrique, promotion de l’efficacité énergétique, amélioration de la viabilité financière des sociétés nationales d’électricité et l’amélioration de l’accès à l’électricité et de prestation à la clientèle ».
En termes de plan d’action conjoint, pour la mise en œuvre des stratégies sus dessus définis, des actions à cours et moyen terme ont été proposées pour garantir et sécuriser l’approvisionnement en énergie électrique dans l’espace AES. Pour leur mise en œuvre et le suivi des activités la création d’un organe commun des sociétés nationales d’énergie électrique s’avère nécessaire. A cours terme, c’est-à-dire au plus tard en 2026, il urge d’accentuer et de formaliser la coopération entre les sociétés nationales d’électricité dans le domaine d’exploitation, de la maintenance de l’approvisionnement en combustible et du développement des projets d’ici le 30 juin 2024.
Deuxième action à mener d’ici 2026, c’est l’engagement des études réalisation de central à charbon au Niger au plus tard le 30 avril 2O24. C’est entre autres, l’achèvement des travaux de construction de la ligne 33O Kilovolts Niamey-Ouagadougou ; au plus tard le 31 décembre 2025 ; la réalisation des travaux de construction de la ligne Sikasso-Bobo, au plus tard le 31 décembre 2026 et la réalisation des études d’évaluation et objectifs des potentialités électriques au plus tard le 30 juin 2025.
Il s’agira également de mener des études de préfaisabilité pour la mise en place d’une centrale nucléaire dans l’espace AES au plus tard le 31 décembre 2024 ; mener des études pour développer des centrales éoliennes de grandes capacité puissance au plus tard le 30 juin 2025 et engager et finaliser le processus de mise en place d’usine de production de matérielle électrique dans l’espace AES au plus tard le 31 décembre 2025.
Pour le court terme, il s’agira de construire et mettre en œuvre avant fin 2028 la centrale à charbon de Salkadamna avec la participation des autres pays la ligne http Salkadamna-Niamey, réaliser des centrales hydro-électriques dans l’espace AES au plus tard en 2030 ; réaliser une centrale nucléaire dans l’espace au plus tard en 2034 ; réaliser des centrales éoliennes de grandes capacités au plus tard en 2034 et réaliser la ligne d’interconnexion Mopti-Ouahigouya-Niamey au plus tard en 2034, une liaison reliant les trois pays.
A long terme, il sera question de réaliser un pipeline reliant le Burkina, le Mali et le Niger. En plus du plan d’action conjointe, les experts ont souligné la nécessité d’accélérer la mise en œuvre des projets internes de chaque société à l’effet de faire face à la demande urgente.
Recommandations
Comme recommandations, les participants ont demandé la mise en œuvre des stratégies définies. A cet effet, l’atelier recommande de « créer une Cellule de Suivi et de Coordination qui évoluera à moyen terme en un Secrétariat Permanent, puis à long terme en une Communauté Electrique de l’AES ; mettre en place des mécanismes de mobilisation des ressources propres et développer des nouveaux partenariats nécessaires à la mise en œuvre des actions ; harmoniser les textes nationaux dans les trois pays en vue de promouvoir l’efficacité énergétique et d’encourager l’économie d’énergie chez les consommateurs finaux et mettre en place une politique tarifaire commune au sein de l’AES ».
Par Bernard BOUGOUM