Qu’est-ce qui commence commence par «p» et finit par «son». Réponse: «prison». Qu’est-ce qui commence par «p» et finit en «ence». Réponse: «présidence». Comme quoi, le «p» de la prison peut devenir celui de la présidence, quand on s’appelle Nelson Mandela en Afrique du sud ou Bassirou Diomaye Faye au Sénégal. Deux leaders qui, sans posséder le même charisme et sans être de la même génération, ont subi la persécution d’un système, se sont rebellés contre, ont été jetés en prison. Et sont devenus…présidents. Serait-il donc écrit quelque part, que le destin commun de ces leaders politiques, est de passer par la cellule de la prison où ils sont surveillés par des hommes armés pour atterrir dans les lambris dorés du palais présidentiel où veillent sur eux des hommes armés?
Il faut le dire, à 44 ans, le nouveau président de la république sénégalaise est déjà habité par des valeurs de probité et de droiture de «Madiba», mais surtout d’inspecteur des impôts qu’il est de formation. Tout comme, par hasard, son mentor, Ousmane Sonko, dont il a été le plan B pour arracher le fauteuil de leur persécuteur commun, Macky Sall. «Sonko, c’est Diomaye, Diomaye c’est Sonko», fut du reste le slogan véhiculé par la Coalition «Diomaye président» pour séduire les électeurs.
Mais le duo formé par le leader du Pastef et son lieutenant résistera-t-il à l’épreuve du pouvoir qui, c’est reconnu, ne se partage pas? Oui, si Ousmane Sonko et Diomaye Faye se donnent pour mot de ne pas succomber au culte de la personnalité et aux peaux de banane que ne manqueront pas de glisser sous leurs pieds, leurs adversaires d’hier et d’aujourd’hui. Oui, s’ils évitent de s’entourer de zélateurs qui feront d’eux ces opposants africains qui, une fois, le gué franchi, se transforment en loup pour le même peuple dont ils criaient à toutes les tribunes, porter «les profondes aspirations».
Les exemples des «avocats de la veuve et de l’orphelin» quand ils étaient opposants, devenus des dictateurs féroces contre leur peuple, parce qu’ils ont cru que le pouvoir leur donnait droit de vie et de mort sur leurs concitoyens, sont légion. Mieux, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, s’il entre dans la tentation, n’a nullement besoin d’aller loin, pour ressusciter, Abdoulaye Wade et Macky Sall, ou le voisin guinéen Alpha Condé, pour ne citer que ces contre-exemples qui ont oublié que le pouvoir passait et devait être moins instrument de domination que moyen de se mettre au service de son peuple.
Mais, BDF, s’il s’égare du bon chemin, saura toujours compter sur la maturité du peuple sénégalais qui sait dire non, quand ses libertés sont menacées et «sa» démocratie en danger. Quand il prendra les clés de la maison, ce jeune homme neuf, animé de l’esprit de la rupture et pétri de toutes ces valeurs dont il est pour le moment encensées, devra faire face au défi permanent et non moins difficile de la gestion du pouvoir. Il sera confronté à des choix cornéliens, tant au sein des frontières du Sénégal que dans une sous-région à la croisée des chemins et sur le plan politique avec la cure d’amaigrissement de la CEDEAO, et dans le domaine économique en ce qui concerne le débat sur le CFA et la question de l’avènement d’une nouvelle monnaie.
Mais le plus urgent pour Bassirou Diomaye Faye sera, certainement, de recoller les morceaux du tissu social sénégalais en délicatesse, de réconcilier les Sénégalais avec leurs dirigeants, de combler le déficit de confiance entre le justiciable et sa justice souvent prise en otage par les politiques, et surtout de dégager des perspectives d’emploi pour une jeunesse en proie au chômage et au désespoir, et qui préfère, de plus en plus, les lames de la mer aux larmes de la mère!
En tout cas, ce ne sont pas les chantiers qui feront défaut à celui qui a la lourde charge de continuer à écrire la nouvelle page de l’histoire du pays de la Teranga!
Par Wakat Séra