Abdoulaye Wade chassé par la police. Faut-il en rire ou en pleurer? En tout cas, le fait inédit pour ne pas dire rocambolesque s’est produit alors que le «Vieux lion» de 91 ans, redescendu dans l’arène politique pour aller à la conquête d’un mandat de député, était en pleine manifestation avec ses militants, à quatre jours des élections législatives sénégalaises, prévues pour ce dimanche 30 juillet. Problème, la zone dans laquelle l’ancien président de la République a entraîné ses troupes est interdite de manifs pour des raisons sécuritaires. Ironie du sort pour le champion du Parti démocratique sénégalais (PDS), l’arrêté ministériel qui cerne ce périmètre de ligne rouge a été instauré en 2011 sous le règne du…président Wade! Et tant qu’homme de droit, celui qui crie aujourd’hui à l’acharnement sait bien que nul ne saurait se prévaloir de ses propres turpitudes. Pire, alors qu’il devait servir d’étoile polaire pour une jeunesse africaine en pleine crise de valeurs et en quête de repères, l’ancien opposant historique arrivé aux affaires par la volonté du peuple qui aspirait au changement, s’érige en hors-la-loi. Sans grande surprise d’ailleurs, son appétit insatiable pour le pouvoir, ayant déjà poussé l’homme à aller à l’assaut d’un troisième mandat anticonstitutionnel, envers et contre tous. Les dieux de l’alternance étant sur leur garde, et les forces de la société civile dont le mouvement Y’en a marre veillant au grain, la forfaiture n’est pas passée. C’était en 2012 et Macky Sall prenait le pouvoir d’Etat, les Sénégalais ayant été déçus par le «Sopi» d’Abdoulaye Wade.
La parenthèse Wade ne se rouvre pas sous de beaux jours, même si le come-back de l’ancien président a connu un engouement de taille, de nombreux Sénégalais trouvant ainsi l’occasion de dire à Macky Sall toute leur déception, accusant son pouvoir de népotique et lui reprochant surtout son acharnement sur ses adversaires politiques. Les prochaines législatives qui s’annoncent houleuses, la campagne électorale campant déjà le décor, pourraient bien être fatales au président qui pourtant va à la recherche d’un confort parlementaire. Il se retrouvera en face de poids lourds dont Abdoulaye Wade et Khalifa Sall. Un autre Sall qui donne des nuits blanches à Macky. Même derrière les barreaux de Reubeuss où il se trouve depuis le 7 mars 2017, accusé de «détournements de deniers publics», le maire de Dakar trouble énormément le sommeil de Macky Sall. Il est même au centre de la campagne, ses lieutenants portant avec réussite son message au sein des électeurs. Mieux, «Khalifa Sall vous écrit», la lettre que le détenu le plus célèbre du Sénégal actuellement, a adressée à l’opinion du fond de sa cellule a fait mouche. Ces mots contre les maux comme le recul démocratique, l’instrumentalisation de la justice, l’endettement excessif, l’inflation du coût de la vie, le sabotage de l’école et des structures de santé, qui ciblaient directement le pouvoir de Macky Sall ont conforté la place primordiale tenue par Khalifa Sall dans cette course au parlement. Certes l’impact de cette campagne menée par le porte étendard de la coalition d’opposition Mankoo Taxawu Senegaal pourrait ne pas avoir le résultat escompté lorsque les urnes rendront leur verdict, mais il vient rajouter du piquant à ces compétitions électorales du dimanche prochain.
Les défaillances de l’organisation des élections, imputées, bien entendu au pouvoir en place, sont-elles juste des erreurs de casting ou des tentatives de fraude comme le dénoncent déjà certains observateurs? En tout cas, tous les électeurs ne pourront pas disposer de la nouvelle carte d’identité qui devrait servi de document de vote. Et même si le Conseil constitutionnel va dans la même direction que Macky Sall qui l’a saisi pour qu’il décide de faire voter avec les anciennes cartes d’identité et le passeport, l’opposition est vent debout contre cette option. Que craignent donc les opposants sénégalais? Ou est-ce simplement une manière de perturber le pouvoir dans l’organisation de ces élections déterminantes pour le positionnement des uns et des autres, pour la prochaine présidentielle? Tout est possible dans ce Sénégal, un des phares du processus démocratique en Afrique, mais où les joutes électorales ne sont pas un fleuve tranquille. Jusqu’où les candidats de proue feront-ils monter le mercure politique avant, pendant et après ces législatives? Pourvu que chaque parti et tous les partis savent raison garder afin que, pour une fois de plus, la démocratie l’emporte sur les velléités de va-t-en guerre aux intérêts égoïstes et très personnels.
Par Wakat Séra