Les Sénégalais jouent à se faire peur. C’est le moins que l’on puisse dire au seuil des législatives du dimanche 30 juillet prochain. Le mercure ne cesse de monter, situation qui en inquiète plus d’un mais qui semble bien être incrustée dans les habitudes des élections dans un pays où le débat démocratique est des plus dynamiques en Afrique. Et les joutes électorales qui s’annoncent pour accéder au nouveau parlement du Sénégal, ne dérogent pas à la tradition. L’opposition est vent debout contre les nouvelles règles introduites la veille du match par le pouvoir de Macky Sall, avec la caution du Conseil Constitutionnel pour dit-il permettre à tous les Sénégalais en âge de voter d’accomplir leur devoir citoyen. En effet, face à l’impossibilité de fabriquer pour tous les nouvelles cartes d’identité devant servir de document de vote, Macky Sall a proposé, décision validée par le Conseil constitutionnel, de permettre aux électeurs qui ne l’ont pas, de voter sur présentation de son récépissé d’inscription avec sa carte d’identité ou carte d’électeur numérisée ou son passeport. Problème, l’opposition menée par Abdoulaye Wade et le camp Khalifa Sall ne l’entend pas de cette oreille, dénonçant une tentative de fraude en téléchargement, pour utiliser le jargon cher aux internautes. En tout cas, le pouvoir pourra difficilement montrer sa bonne fois face à ce lever de boucliers de ses adversaires. Gouverner étant prévoir, Macky Sall et les siens connaissaient parfaitement le timing électoral et les besoins en logistique, notamment en cartes d’électeur. Du reste, même les cartes déjà confectionnées s’écoulent difficilement. Comme quoi, il y a trop de faillites dans l’organisation d’une élection prévue de longue date.
Comme pour confirmer la qualité d’élections sous haute tension de ces législatives, depuis le début, la campagne électorale est électrisée par la détention de Khalifa Sall et le retour à Dakar de Abdoulaye Wade pour briguer un mandat de député. En effet, le maire de Dakar, accusé de détournement de deniers publics et écroué à la maison d’arrêt de Reubeuss, est déterminé à décrocher ce poste de député alors que le pouvoir est accusé par ses militants de vouloir lui barrer la route qui mène à l’hémicycle. Poils à gratter s’il en est encore pour le régime de Macky Sall, le champion de la Coalition d’opposition Mankoo Taxawu Senegaal a confirmé sa posture de challenger sérieux pour le régime en place en décidant de mener campagne depuis la prison. Ses lieutenants occupent avec plus ou moins de réussite le terrain, portant haut les idéaux de celui dont l’absence marque paradoxalement la forte présence dans les meetings et la presse nationale et internationale. Sa dernière sortie épistolaire «Khalifa Sall vous écrit», fut d’ailleurs un gros coup de pied dans la fourmilière politique indexant surtout le pouvoir comme étant à l’origine de tous les maux du Sénégal. Morceaux choisis: recul démocratique, instrumentalisation de la justice, endettement excessif, inflation du coût de la vie, sabotage de l’école et des structures de santé.
De son côté, Abdoulaye Wade est tout feu, tout flamme depuis son come-back triomphal à Dakar, le lundi 10 juillet 2017. Le tribun de Kébémer, est si en verve malgré ses 91 piges qu’il n’hésite pas à enfreindre la loi. Ce fut le cas lorsque la tête de liste du Parti démocratique sénégalais (PDS) a voulu, avec ses militants, manifester dans le périmètre du ministère de l’intérieur. Pur provocation ou simple négligence de sa part, l’ancien président a oublié que cette zone était interdite de manifestation pour des raisons sécuritaires. Ironie du sort, l’arrêté ministériel protégeant cette partie de la capitale sénégalaise a été pris en 2011 par le gouvernement de…Abdoulaye Wade, alors président de la république. Si tout comme les partisans de Khalifa Sall, ceux de Abdoulaye Wade n’exigent pas le report des scrutins, ils sont déterminés à se faire entendre jusqu’aux élections qui s’annoncent houleuses.
Question: quelle sera l’ambiance postélectorale, un proverbe bien africain énonçant que la qualité de l’eau pour se laver détermine celle du repas qui sera servi? Pourvu que le rubicond ne soit jamais franchi afin que le Sénégal conserve son statut dans le cercle bien réduit des pays phare de la démocratie en Afrique.
Par Wakat Séra