Amadou Ba, 61 ans est, depuis ce samedi, le nouveau Premier ministre du Sénégal. «Sa compétence, son engagement, son dévouement, son pragmatisme et son efficacité», ont composé la litanie des qualificatifs qui a accompagné la nomination de celui qui a été détenteur de maroquins régaliens comme celui de l’Economie et des finances et celui des Affaires étrangères. Après une traversée du désert gouvernementale de novembre 2020 à sa récente élévation, le banni de l’exécutif est, paradoxalement, l’homme qui remet au goût du jour, le fauteuil de la primature qui a pris de la poussière pendant près de quatre années. En effet, le poste avait été supprimé en 2019, rétabli en 2021 mais non attribué, jusqu’à ce 16 septembre où il a accueilli son nouvel occupant.
Par cette nomination qui en a surpris plus d’un à cause de la disgrâce qui frappait Amadou Ba auprès du président sénégalais, ce dernier entend-il ainsi mettre fin aux accusations de candidat à un 3è mandat que ses opposants lui collent dans une constance soutenue? Macky Sall a-t-il trouvé le dauphin qui descendra dans l’arène de la présidentielle de 2024, pour y affronter l’actuelle bête noire du régime en place, le bouillant maire de Ziguinchor, Ousmane Sonko, pour ne pas le nommer?
En tout cas, le boubou de dauphin du chef de l’Etat ne sera certainement pas, pour Amadou Ba, le vêtement le plus facile à enfiler dans un contexte politique sénégalais actuel où le pouvoir secrète des vents contraires. Les récentes sorties fracassantes et incendiaires de l’ancienne Premier ministre Aminata Touré, sont bien la preuve qu’au sein de la coalition Benno Bokk Yakaar (BBY) aux affaires, le feu couve. Pour celle qu’on appelle sur les bords du fleuve Sénégal «la Dame de fer», et plus affectueusement Mimi Touré, il n’est pas question que Macky Sall brigue un mandat supplémentaire aux deux premiers auxquels lui donnait droit la constitution de son pays. Contestant ouvertement le choix de l’actuel président de l’Assemblée nationale, Amadou Mame Diop, à son détriment, celle qui dit avoir subi beaucoup d’injustices dans son compagnonnage avec le président sénégalais, est devenue une opposante griffes dehors au sein de la coalition présidentielle.
Frustrée d’avoir été stoppée dans sa marche sereine vers le perchoir, elle qui a été la tête de liste nationale de BBY, lors des législatives de ce 31 juillet, ne décolère pas d’avoir ainsi été traitée et n’hésite plus à lire la fin de règne du président sénégalais, à travers les derniers choix de celui-ci en ce qui concerne des postes stratégiques, notamment la désignation de Amadou Ba comme Premier ministre, et avant elle, celle de Amadou Mame Diop, un autre Amadou, qui est désormais le nouveau président de l’Assemblée nationale. Le casse-tête ne sera pas loin d’être chinois pour le Premier ministre Mamadou Ba, dans l’opération colmatage des brèches du bateau BBY dont il pourrait hériter du gouvernail, si son statut de dauphin se confirme, et s’il succède, le cas échéant, au président Macky Sall.
Mais la tâche la plus lourde qui attend le Premier ministre de Macky Sall sera bien celle de restaurer la suprématie de la coalition présidentielle sur l’échiquier politique sénégalais. Il aura fort à faire pour mener les douze travaux d’Hercule dont il hérite! C’est plus que certain, malgré sa maitrise des ficelles de la politique et le gouvernement dit de combat qu’il a mis en place, dans la foulée de sa nomination, le Premier ministre Ba, ne vivra pas des jours, encore moins des nuits tranquilles. Il devra contrer la montée en puissance d’une opposition conduite par les coalitions Yewwi Askan Wi de Ousmane Sonko et Wallu Sénégal d’Abdoulaye Wade. L’ancien président sénégalais ne bouderait d’ailleurs pas son plaisir de participer à la chute de celui qui l’a délogé du palais présidentiel en 2012, et s’il pouvait positionner son fils Karim pour succéder à Macky Sall, son bonheur n’en serait que plus total!
C’est peu de le dire, le fauteuil sera loin d’être reposant pour le Premier ministre Amadou Ba!
Par Wakat Séra