Les 14 âmes en errance dans la forêt de Boffa Bayotte en Casamance vont-elles finir par réveiller les vieux démons de la guerre civile qui a, pendant longtemps endeuillé le Sénégal faisant de la paix dans ce pays une denrée aussi rare que la bonne foi des acteurs en conflit? Rien n’est moins sûr, depuis les menaces à peine voilée d’un des principaux leaders de la rébellion indépendantiste de la Casamance. En effet, dans un entretien publié par nos confrères de Rfi, Salif Sadio, niant toute implication du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) dans la tuerie sauvage de la forêt de Bayotte où 14 jeunes, qui s’y sont rendus pour couper du bois ont été massacrés par des personnes jusqu’ici non identifiées officiellement. Seulement, l’armée sénégalaise a sorti l’artillerie lourde pour la chasse aux assassins et de nombreuses arrestations ont été opérées. Et c’est la libération sans condition de ces prisonniers, que Salif Sadio exige. Certes, après le massacre du 6 janvier dernier, tous les regards se sont aussitôt tournés vers les rebelles casamançais qui avait baissé les canons grâce à la médiation de la communauté Sant’Egidio de Rome, celle-ci ayant réussi à les ramener sous l’arbre à palabres avec Dakar.
Visiblement, le calumet de la paix est sur le point de se briser, la rébellion pour l’indépendance de la Casamance, notamment la frange Salif Sadio, manifestant une ire jusque là contrôlée contre Dakar dont les militaires ont mené des raids dans la région casamançaise, opérations pointées du doigt par les indépendantistes qui les vivent comme une sorte de provocation. Pire, les indépendantistes qui ont toujours considéré leur localité ostracisée et abandonnée par le train du développement national, sont persuadés que le pouvoir entreprend une purge dans leurs rangs alors qu’ils se sont empressés de condamner sans réserve le meurtre des bûcherons. Fallait-il s’étonner de cette hausse de ton, frisant une menace des indépendantistes de déterrer la hache de la guerre, si la Casamance est demeurée cette région enclavée qui était desservie par le Joola, ferry assurant la liaison entre Dakar et Ziguinchor, et dont le naufrage ayant fait, le 26 septembre 2002, plus de 2000 morts, laisse des plaies toujours béantes, le dossier judiciaire étant bloqué au point mort, tout comme la répartition équitable des richesses exigée par les habitants de la Casamance? Sans oublier que le même Salif Sadio n’a jamais caché sa proximité avec l’ancien président gambien, Yahya Jammeh, chassé, grâce à l’implication sans réserve de Macky Sall, d’un pouvoir qu’il a perdu par les urnes avant de vouloir s’y accrocher.
Il urge de trouver la colle miracle pour reboucher les interstices qui risquent de fendiller plus profondément, voire briser la jarre sénégalaise. Car les ingrédients sont progressivement en train de se mettre en place pour replonger le pays de la Téranga dans une guerre dont il n’a point besoin alors qu’il s’est engagé sur la voie déjà bien difficile du développement. En tout cas, la rébellion casamançaise dont les interlocuteurs, même s’ils ne sont pas toujours sur la même longueur d’ondes, pourrait reprendre du service si rien n’est fait pour calmer les ardeurs des uns et des autres. Contexte bien complexe pour Dakar et les facilitateurs de service. En attendant, les meurtriers de la forêt protégée de Bayotte courent toujours.
Par Wakat Séra