Révoltant! C’est le seul mot qui résume assez bien le sentiment qui anime les parents des 2 000 victimes du Joola, qui a sombré le 26 septembre 2002. Plus qu’un simple naufrage à la Titanic, la disparition de ce navire est considérée comme le plus grand drame des eaux après la seconde guerre mondiale. C’est surtout la plus importante tragédie dans l’histoire du Sénégal qui ne finira visiblement pas de pleurer ces morts dont les âmes errent depuis maintenant quinze années dans les couloirs des palais de justice français et sénégalais. Les parents et proches des victimes eux, dont certains se sont constitués en association, n’entendent pas eux, faire le deuil de cette affaire qui traverse les régimes politiques sans trouver un dénouement judiciaire adéquat. Après l’ancien président Abdoulaye Wade, son successeur Macky Sall ne semble pas non plus prêt à la manifestation de la vérité dans le naufrage du Joola qui est loin d’être une catastrophe naturelle. Certes, la thèse de l’accident est irréfutable, mais le drame porte bien une griffe humaine. Une main qui n’est autre que l’incurie de gouvernants qui aujourd’hui se contentent de non-lieu, comme si rien ne s’est passé. Pourtant, le ferry qui contribuait au désenclavement de la Casamance, n’était ni plus ni moins qu’un cercueil géant, surchargé au-delà de l’entendement, avec ses 2 000 candidats à la mort, au lieu des 550 passagers pour lesquels il était conçu? Pire, au vu et au su des autorités compétentes, le bâtiment écumait allègrement la mer sans certificat de navigabilité, avec un seul moteur, selon certains.
Les autorités sénégalaises auraient voulu verser dans une aberration qui ne dit pas son nom et donner une caution totale à l’impunité qu’ils ne feraient pas mieux. Elles ont même franchi le rubicond de l’illogique en faisant porter au seul commandant du bateau, la responsabilité de cette tragédie. De quoi ont peur les gouvernants sénégalais qui se réfugient derrière un bouc émissaire désormais muet comme une tombe, pour ne pas faire la lumière sur la disparition du Joola? Pourtant du seul fait qu’il reliait Dakar à Ziguinchor, capitale de la Casamance, région poils à gratter des dirigeants qui se sent mise au ban du développement du pays, le Joola devait bénéficier de la plus grande attention en matière de sécurité. Ainsi, on aurait évité cette hécatombe qui dérange bien aujourd’hui et constituera dans le futur un poids énorme sur la conscience des dirigeants, qui essaient de s’en débarrasser à coup de billets de banque en guise de dédommagement des parents et proches des victimes. Comme si l’argent pouvait ramener les morts à la vie! Gouverner étant prévoir, il aurait été plus judicieux et même plus humain de la part de l’Etat sénégalais de mettre en place les soupapes de sécurité adéquates autour de ce trafic maritime entre la capitale du Sénégal et la Casamance.
15 ans d’impunité, c’est assez! Et quel que soit le prix à payer, la justice doit être dite et les vrais responsables du drame du Joola punis afin que les âmes errantes des 2 000 morts du 26 septembre 2002 puissent trouver enfin le repos éternel. C’est aussi le moyen de permettre aux familles encore éprouvées, de faire enfin le deuil des disparus. Plus que jamais, ce quinzième triste anniversaire du drame du Joola doit servir d’opportunité pour les dirigeants sénégalais de rendre justice aux naufragés. Et surtout plus jamais d’autres Joola!
Par Wakat Séra