Plusieurs manifestations violentes qui ont débuté le mercredi 3 mars 2021 au Sénégal à la suite de l’arrestation du principal leader de l’opposition Ousmane Sonko, accusé de viol et de troubles à l’ordre public, ont fait cinq morts et plusieurs blessés. Face à cette situation, le président sénégalais Macky Sall, dans une adresse à la Nation le lundi 8 mars, a invité les manifestants à faire « confiance » à la justice alors qu’un peu plus tôt, M. Sonko a appelé ses partisans à plus de mobilisation pour contraindre le chef de l’Etat à dire clairement qu’il ne sera pas candidat pour un troisième mandat.
Macky Sall appelle à l’apaisement
« Mes chers compatriotes, j’ai souhaité m’adresser avec vous ce soir, pour vous entretenir de la situation qui prévaut dans notre pays. Nous sommes tous témoins de manifestations d’une rare violence qui ont éclaté ces derniers jours à Dakar et dans d’autres localités, causant des pertes en vies humaines et d’importants dégâts matériels », a déclaré dès l’entame de son discours, Macky Sall, qui, après avoir salué l’âme des défunts et souhaité prompt rétablissement aux blessés, a indiqué que « l’Etat viendra en aide aux familles endeuillées et facilitera l’accès aux soins des blessés».
Le président sénégalais au regard des « violences inouïes » a invité au « calme et à la sérénité » et plaidé pour que taisent les « rancœurs et éviter la logique de l’affrontement qui mène au pire ». Sur le dialogue et la concertation, « ma main reste tendue et mes portes ouvertes, a-t-il ajouté.
« La colère qui s’est exprimée ces derniers jours est aussi liée à l’impact d’une crise économique aggravée par la pandémie de la Covid-19. Personne ne peut nier que le monde entier, notre pays y compris, traverse une profonde crise économique occasionnant des millions de pertes d’emplois et d’activité génératrice de revenus », justifie-t-il, disant mesurer « les difficultés quotidiennes des villes et campagnes ».
« Qu’une jeunesse confrontée à autant de privations (du fait de la Covid-19) exprime son mal vivre, me paraît tout à fait compréhensible. En même temps, évitons de participer à tout ce qui nous retarde dans la quête d’un avenir meilleur », a enchaîné Macky Sall. « Quand on saccage un commerce, quand on s’attaque aux biens d’autrui, on ne crée pas de l’emploi, on en détruit. On ne fait pas reculer la pauvreté, on l’aggrave », a déploré le président sénégalais, annonçant qu’il engagera dans « les meilleurs délais, une réorientation des allocations budgétaires pour améliorer de façon substantielle et urgente les réponses aux besoins des jeunes en termes de formation d’emplois, de financements de projets et de soutien en entrepreneuriat et au secteur informel ».
Sur l’aspect judiciaire de cette crise, Macky Sall demande aux manifestants de « laisser la justice suivre son cours en toute indépendance ». Dans la foulée, il a pris des mesures immédiates dont l’allègement du couvre-feu sanitaire en vigueur dans les régions de Dakar et Thiès, de minuit à 5 heures du matin.
Pour Sonko, Macky Sall « n’est plus légitime » pour diriger le Sénégal
Quelques temps avant, mis en liberté et sous contrôle judiciaire, ce lundi et inculpé dans une affaire de viol présumé, Ousmane Sonko, s’est adressé au QG de son parti à ses partisans à qui il demande de poursuivre et renforcer la mobilisation. Il soutient qu’après ces troubles, le président Macky Sall « n’est plus légitime à diriger le Sénégal », demandant au chef de l’Etat de dire clairement qu’il ne pas se représentera en 2024 pour un troisième mandat.
Pour Ousmane Sonko ce qui se passe au Sénégal est une révolution qui est en marche. « La révolution a été déjà lancée et rien ni personne ne pourra l’arrêter. Aucune puissance interne ou externe ne pourra plus l’arrêter. Le peuple a pris ses responsabilités. Conduisons cette révolution à son terme, c’est-à-dire au plus tard en 2024 », a-t-il signifié, rassurant ses partisans que « cela ne veut pas dire que nous allons faire tomber la ferveur et Macky Sall aura un blanc seing ». Il a appelé les manifestants à « être tactiques et intelligents ». « Nous devons encadrer la révolution et nous devons aujourd’hui imposer un agenda à Macky Sall parce que le rapport de force nous le permet », a-t-il affirmé.
Aussi, l’opposant n’est pas allé du dos de la cuillère pour accuser Macky Sall d’être « responsable des événements de ces derniers jours », d’avoir « trahi le peuple sénégalais », de « persécuter les opposants » ou encore d’avoir « imposé le rapport de force », a rapporté RFI. Il a assuré que la « La mobilisation va continuer (mais) avec des manifestations pacifiques », avant d’ajouter que « la peur doit changer de camp ».
Face à la presse et à plusieurs centaines de ses militants qui scandaient de temps en temps « Prési prési », Ousmane Sonko a demandé la libération immédiate et sans conditions des « prisonniers politiques » qui sont environ une « centaine » ou encore l’ouverture d’une enquête indépendante sur les bavures lors des manifestations.
Jouissant d’une liberté sous contrôle, l’opposant sénégalais est libre de ses mouvements et devra se présenter chaque dernier vendredi du mois devant le juge, précise nos confrères de RFI. Il ne pourra pas voyager sans son autorisation. Il devra répondre aux convocations du juge et des enquêteurs et il a l’obligation de ne pas parler publiquement du dossier judiciaire, celui de viol présumé.
Par Bernard BOUGOUM